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Le viol en Haïti

Les femmes victimes prennent la parole

Obrillant Damus

 

 

 

 

Le viol en Haïti, Obrillant Damus • 2016.

Le viol en Haïti

Cet ouvrage présente et analyse les témoignages de plusieurs femmes violées. Le viol est un vol de vie. Il peut avoir des conséquences sur tous les aspects de la vie d’une victime. Avant, pendant et après un viol individuel ou collectif, les violeurs demandent aux victimes de garder le silence sous peine de mourir.

Le grand intérêt de l’ouvrage c’est de donner la parole à plusieurs femmes victimes de viol. À travers les narrations de Ruth, Léonise, Mata et d’autres, on entre dans l’univers de terreur qui entoure la vie de ces femmes jusqu’à leur possible délivrance qui se fait, en partie par la parole. Léonise dit à la fin de son entretien avec Obrillant, « je me sens légère comme une plume » (Annie Benveniste, MCF HDR émérite, Membre du LEGS, Laboratoire du Genre et des Sexualités, Université Paris 8).

Préface

Le livre de Obrillant Damus est un livre courageux qui prend résolument le parti de dénoncer, non seulement les faits de viol, mais aussi les préjugés qui occultent leur perception et les rendent le plus souvent opaques. Pas de violeur tapi au fond d’une ruelle sombre et attendant sa proie, pas de sadique déflorant une jeune vierge. Non, le violeur est connu de la victime, il peut faire partie de la famille, comme allié plus souvent que comme parent direct. De toute façon, il n’inspire aucun sentiment de défiance avant le viol; il peut même se présenter sous l’apparence d’un protecteur. Car la victime, elle, est dépeinte comme une personne vulnérable. En fait, elle est minorisée de par sa position de fille, jeune, sans défense; elle sera désignée par ses bourreaux comme «potentiellement violable». Ils savent, en effet, ou devinent qu’elle ne trouvera pas, dans son entourage immédiat, d’oreille attentive pour prendre en charge sa souffrance.

Le grand intérêt de l’ouvrage c’est de donner la parole à plusieurs femmes victimes de viol. A travers les narrations de Ruth, Léonise, Mata et d’autres, on entre dans l’univers de terreur qui entoure la vie de ces femmes jusqu’à leur possible délivrance qui se fait, en partie par la parole. Léonise dit à la fin de son entretien avec Obrillant, «je me sens légère comme une plume». Mais que n’a-t-elle enduré, comme les autres avant d’être délivrée de ce poids qu’ont fait peser sur elle le traumatisme causé par la violence et la culpabilité qui a fait retomber sur elle la faute commise par celui qu’elle n’ose pas nommer.

«Le contrôle de soi provoque la fatigue d’être soi ». Et les entretiens racontent la quête entreprise pour retrouver la sérénité. Une longue quête, pendant laquelle, les victimes éprouvent un sentiment d’insécurité qu’Obrillant Damus appelle «ontologique», parce que ce sentiment va définir leur vie, les vouer à la peur de l’autre; rendre l’amour impossible tout en les soumettant, parfois, au désir insatiable, désir de l’autre sur elle, rejouant, indéfiniment l’acte inaugural; eros se retournant en thanatos, «le viol [étant] un lieu de confrontation avec la mort». Une mort sociale provoquant l’exclusion, la désorientation spatiale, temporelle et professionnelle.

Le rôle d’Obrillant Damus, dans l’association KOFAVIV où il a pu rencontrer des femmes victimes de viol, est donc primordial parce qu’il leur a redonné la parole, l’entretien, permettant, au-delà de l’aveu, de se reconstruire, de redéfinir les positions de coupables et d’entrevoir une sortie du tunnel, fermé par le violeur, les proches, ceux qui ne voulaient pas savoir. Il y a, dans cette entreprise, de construction de soi une relation entre l’acte thérapeutique et l’acte religieux, qui permet à certaines femmes, de se réinscrire dans un univers de sens où les esprits maléfiques peuvent être combattus par la puissance surnaturelle.

Annie Benveniste
Membre du LEGS
Université Paris8

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