La tribune des Antilles

Magazine d'information
n°47 mars-avril 2006

La tribune des Antilles

Directeur de la Publication : Louis Boutrin
Comité de Rédaction
Rédacteur en chef : Jean Belleterre
Agriculture : Jean Philippe Pinceau-Clusel
Culture – Littérature : Raphaël Confiant
Ecologie : Philippe Joseph
Education : Micheline Marajo
Kréyol-Patrimoine : Serge Restog - Jane Etienne
Musique : Eric Andrieu
Politique : Dominique Claude
Santé : Christiane Renard Quitman - Serge Chalons
Société : Jean Belleterre - Daniel Boukman
Régie publicitaire : La Tribune Régie 05 96 70 38 00
Conception-Réalisation : Chorus / OTCM

La Tribune des Antilles
BP 1 190 - 97 249 Fort-de-France CEDEX
Tél./Fax : 05 96 70 38 00 - Email
N° CPPAP 1206 I 78353 - N° ISSN 1285-8331

Crabe

Sommaire

Ecologie p.6
La Guyane malade de l’orpaillage
«La base de lancement de fusées et de satellites de Kourou en Guyane est une fenêtre, à l’échelle mondiale, des hautes capacités scientifiques et technologiques de la France.

Ecologie p.10
L’eau l’or bleu de la Martinique
L’eau est l’un des constituants essentiels des organismes vivants. Cet élément primordial est inégalement réparti à l’échelle mondiale.

Ecologie p.12
Montserrat entre risque volcanique et érosion côtière
Située au sud-ouest d’Antigua et au nord-ouest de la Guadeloupe, l’île de Montserrat est la plus méridionale des îles sous-le-vent.

Personnalité de l’année p.14
L’Archevêque Michel Méranville à coeur ouvert !
Ordonné Archevêque de Saint Pierre et Fort de France, le dimanche 18 avril 2004, Monseigneur Michel MÉRANVILLE s’exprime sur sa vision de l’église catholique en ce début de siècle et nous apporte son éclairage sur des sujets d’actualité.

Politique p.22
Haïti, (A) l’ombre d’Aristide…
René Garcia Préval a été élu président de la République d’Haïti le 7 février 2006 dans des conditions pour le moins controversées. C’est le 46ème chef d’Etat de la patrie de Toussaint Louverture. Comme Aristide, il a été élu à deux reprises à la tête du pays.

Dossier du mois p.24
Le principe de Ponce Pilate
«La source de Basse Pointe, contaminée par les pesticides, est impropre à la consommation ». C’est par ce communiqué laconique que la population a été informée des résultats des analyses menées fin janvier par la Direction de la Santé et du Développement Social. Une véritable catastrophe écologique que les experts en communication ont vite fait de gérer de mains de maître. Mais le mal est fait et la population n’est pas dupe.

Société p.34
20enm Festival Kreol Sesel
Nous présentons ci-après le discours d’ouverture du dernier “Festival Kreol” des Seychelles, en octobre 2005, prononcé par le président de la République, son Excellence James Michel.

Education p.36
Les enfants tyranniques : sécrétion d’une autorité en crise
L’enfant gâté, capricieux et caractériel des familles riches s’est largement démocratisé et popularisé. Il est vrai que la structure familiale évolue et les biens de consommation sont accessibles à un plus grand nombre d’utilisateurs.

Santé p.38
Clinique Sainte-Marie : Alfred Marie-Jeanne soutien le plan de continuation
Rebondissements dans le dossier de la Clinique Sainte Marie.

Santé p.40
Le bonheur est dans l’assiette et l’activité physique
Le grand public commence à connaître les méfaits de deux grands bourreaux du cœur que sont: le tabac et les excès de graisse dans le sang représentés par l’augmentation des triglycérides et du cholestérol.

Sport p.42
L’aïkido et les jeunes : une école de tolérance?
L’aïkido est un art martial . Il exige une pratique rigoureuse, humble et patiente.

Kréyol p.44
Non’y : Kann!

Arts plastique p.46
Reconstitution - Exposition d’Ernest Breleur

Livres p.48
Au fil des livres
A l’ère de l’Internet et de la communication immédiate et permanente, publier une revue peut sembler un acte ridiculement passéiste. En effet, il y a d’abord la lourdeur du format-papier, le coût de production (en comparaison de la quasi-gratuité de la Toile) et surtout le caractère forcément intellectualiste de la démarche.

Crabe

Edito

Vers un patriotisme économique ?

Clinique Sainte Marie

La décision du Tribunal de Commerce de Martinique de rejeter le projet de plan de continuation proposé par l’actuel gestionnaire de la Clinique Sainte Marie aurait pu être qu’un épisode tout à fait anodin dans l’abondante chronique judiciaire du pays. La S.A. Cluny Gestion ne répondant pas aux critères définis par la loi pour la continuation, les juges ont ordonné la cession de l’ensemble des immeubles et des éléments d’exploitation de cette société martiniquaise au profit de la SAS Kapa Santé, un groupe domicilié à Aix en Provence. Chacun, du journaliste au professionnel du droit, dans une énième mise en scène médiatique, aurait donné son appréciation et sa lecture de la décision.

Quant aux actionnaires déshérités, ils auraient crié au scandale et au démantèlement d’un maillon essentiel de la filière santé et ce, dans une indifférence quasi générale. Affaire classique qui aurait fait la une des médias avant que l’on ne tourne définitivement la page.

Mais, en dehors des conditions tout à fait surréalistes de reprise proposées par le Tribunal (la Clinique Sainte Marie – patrimoine foncier et immobilier compris – a été bradée pour 1,350 M€) ou des rebondissements qui risquent d’alimenter très prochainement cette affaire, on aurait tort de la classer dans la seule rubrique judiciaire ou de la considérer comme une simple formalité administrative.

L’intervention personnelle de l’exécutif régional et les arguments développés par ce dernier ne sont pas politiquement neutres. En effet, en accordant une subvention de 750 000 € et une garantie sur un prêt de 4 M€ au seul plan de continuation, la Collectivité régionale s’est délibérément engagée dans une opération de sauvegarde des intérêts économiques martiniquais.

Sans être un adepte de la tautologie, on peut reconnaître aisément qu’en apportant un tel soutien financier à une clinique privée, les patriotes de la Région ont fait preuve d’un certain «patriotisme économique». Quand un pan entier de l’économie ou un secteur aussi sensible que celui de la santé risque de passer aux mains d’étrangers, l’intervention d’une Collectivité territoriale comme la Région peut-être déterminante et salvatrice.

L’objectif étant dans le cas présent d’apporter une bouffée d’oxygène à une clinique locale tout en assurant une certaine cohérence sociale et territoriale.

N’en déplaise aux défenseurs acharnés du libéralisme, les patriotes de Plateau Roy sont dans leur bon droit. Ils n’ont d’ailleurs pas le monopole d’un tel interventionnisme et ce n’est certainement pas le gouvernement français et son Premier Ministre qui diront le contraire.

Champions toutes catégories du «patriotisme économique», ils sont intervenus à chaque fois que des intérêts nationaux français étaient menacés. Que ce soit pour sauver le groupe Danone menacé d’une pseudo-OPA par Pepsico, que pour barrer la route à l’OPA lancée par le groupe d’origine indienne Mittal sur Arcelor, le géant franco-luxembourgeois de l’acier, le gouvernement français est intervenu énergiquement. C’est encore le «patriotisme économique» qui est invoqué par Dominique de Villepin pour justifier une fusion entre le groupe privé Suez et Gaz de France pour contrer le groupe italien ENEL, bafouant au passage le principe de libre circulation des capitaux au sein de l’Union européenne.

Quant aux Etats Unis, ils se sont organisés pour faire obstacle à toute opération étrangère sur leur territoire allant jusqu’à mettre sur pied un Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis (CFIUS) chargé d'évaluer les acquisitions d'entreprises américaines.

Mais, ne soyons pas naïfs! Ne nous laissons pas bluffer par certaines tentatives de privatisation de sociétés publiques comme Gaz de France et sachons faire preuve de discernement. Car, dans une économie de plus en plus mondialisée où on n’a aucune lisibilité quant à la nature des sociétés, il est de plus en plus difficile de définir leur attache nationale, l’origine des actionnaires ou des capitaux.

Le seul recours pour des microrégions comme la nôtre c’est de faire l’inventaire des secteurs à sauvegarder et d’harmoniser l’intervention de nos Collectivités locales pour défendre au mieux les intérêts économiques du pays Martinique. Ailleurs, dans les pays dits libéraux, de telles stratégies sont qualifiées, «de politiques d’intelligence économique» (terme repris allègrement par Dominique De Villepin). Plus modestement, en absence d’un pouvoir réglementaire ou d’un environnement institutionnel plus favorable, nous nous contenterons de répondre au coup par coup aux différentes «OPA» lancées sur nos activités économiques et ce, au nom du «patriotisme économique» martiniquais. Alfred Marie-Jeanne et les patriotes de la Région ont ouvert la voie dans ce dossier de la Clinique Sainte Marie. Souhaitons qu’ils ne s’arrêtent pas en si bon chemin et que d’autres viennent grossir les rangs.

Louis Boutrin

Crabe

La Guyane malade de l’orpaillage

Cambior

Mine à ciel ouvert Cambior. Deux fosses comme celle-ci, de 150 mètres de profondeur, seront creusées dans les flancs de la montagne de Kaw.

«La base de lancement de fusées et de satellites de Kourou en Guyane est une fenêtre, à l’échelle mondiale, des hautes capacités scientifiques et technologiques de la France. (…) Il importerait, me semble-t-il que la Guyane devienne également une fenêtre française d’excellence sur le plan de l’environnement.

La France a la chance de posséder là, un des territoires les plus riches en biodiversité de la planète. (…) La Guyane pourrait devenir cette double fenêtre où les efforts technologiques pour explorer l’univers et les efforts écologiques pour sauver la planète se manifesteraient ensemble au reste du monde».

Ainsi s'adressait en 2003 Hubert Reeves, célèbre astrophysicien français à Roselyne Bachelot, ministre de l'Environnement de l'époque. Si les tirs d'Ariane se succèdent avec le succès que l'on connait, il n'en va pas de même, hélas, de la défense de la seule forêt tropicale humide liée à l'Europe, victime de la richesse de son sous-sol et de cours mondiaux favorables.

En effet, l'or, dont la valeur a doublée en l'espace depuis 2001 provoque la même convoitise, qu'il s'agisse du Garimpéros clandestin ou de multinationales cotées en bourse. La même avidité pour le métal précieux, la même folie quel qu’en soit le prix à payer pour l'environnement, et pour la santé des générations présentes et à venir. Entre ces deux extrêmes, selon la DRIRE, 72 exploitants dits «légaux» essayent, grâce à de généreuses subventions du conseil régional, de redorer un blason terni par des années de laisser aller toléré par l'administration. A ce jour, moins de 15 d'entre eux utilisent des tables à secousses, alors que le décret, interdisant définitivement l’utilisation du mercure*, date de 2004.

D'une façon générale, orpailleurs illégaux et orpailleurs légaux exploitent ce qui est communément appelé «l’or alluvionnaire». Les opérateurs de ce mode d'extraction utilisant la lance-monitor pour transformer la terre en boue, et le mercure pour isoler l’or, sont appelés à disparaître en même temps que la ressource.

Désormais, quelques orpailleurs légaux mais aussi et surtout les multinationales, visent «l'or primaire», profondément enfoui dans la roche et extrait chimiquement au cyanure. Dans les deux cas, l'impact sur la nature est considérable. On citera la déforestation, la turbidité des rivières qui détruit l’équilibre écologique des rivières, la remise en circulation du mercure naturel pour l’exploitation alluvionnaire ou la dissolution des métaux lourds pour l’exploitation primaire (arsenic).

Depuis quelques années, de vastes zones de non-droit, de violences et de trafics en tous genres gangrènent la société. Si les très médiatiques opérations commando dites «Anaconda» de la Gendarmerie font couler beaucoup d’encre et mobilisent de nombreuses équipes de TV, il semble, de toute évidence, que sur le terrain, les garimpeiros s’organisent sans cesse pour contrer la riposte policière.

Certains, comme le Ministre et Maire de Saint Laurent du Maroni, Léon Bertrand, demandent le secours de la Légion, mieux entraînée, renseignée et surtout plus apte à évoluer dans la forêt tropicale.

Son collègue, François Baroin s'y refuse au prétexte que le rôle premier de la Légion est de défendre la base spatiale.

Trois ans après le début de ce type d'opérations, le Colonel Bergot avoue au journal France-Guyane le 19/12/05: «Nous n'avons pas réussi à les dissuader de venir». Pari d'autant plus difficile à tenir lorsque l'on sait que le secteur d’activité aurifère légale, emploie justement ceux là même qui sont pourchassés par les forces de l’ordre.

La profession a ainsi sollicité en 2005, 465 Autorisation Provisoire de Travail (APT) alors que, parallèlement on évalue la masse salariale totale du secteur à moins de 700 personnes, en grande majorité d'origine brésilienne.

La solution serait-elle du coté des multinationales minières? Cela n'est pas du tout l'avis des organisations environnementales environnementales telles Mining watch (Canada) ou World Rainforest Movment (WRM) qui dénoncent, preuves à l'appui, le comportement prédateur et peu soucieux de l'avenir de l'humain, de ces groupes industriels, souvent avec la complicité d'instances étatiques et financières, sur une planète malade de ses activités industrielles (1). Une récente et très complète enquête du New York Time, sur l'or dans le monde, présentait les conclusions de l'Agence américaine de protection environnementale qui classait l'exploitation minière dans le roc comme «produisant plus de déchets toxiques que n'importe quelle autre industrie aux Etats-Unis».

Les aberrations du projet minier de la montagne de Kaw

Le projet de la multinationale Cambior d'exploiter un gisement sur la montagne de Kaw en Guyane, illustre parfaitement ce genre de comportement. Tout en minimisant à l'extrême les conséquences de la rupture d'une digue à Omaï (Guyana 1995) qui a laissé s'échapper des millions de m3 de boues cyanurées (2) ou l'apparition d'une faille dans une digue de retenue de la mine de Rosebel (Surinam –2005), cette entreprise se veut exemplaire en matière de respect des réglementations environnementales et s'en donne les moyens. Dans le même temps, elle aussi déposé une demande auprès des autorités gouvernementales françaises afin de bénéficier d'un financement incitatif découlant de la loi Girardin pouvant atteindre 28 millions d’euros. Les emplois promis seront probablement délocalisés du Guyana (la mine d’Omaï a fermé ses envoie à ses actionnaires, un rapport montrant comment elle compte échapper à toutes les contraintes financières et fiscales qui lui incombent en Guyane française, tout en bénéficiant des avantages fiscaux spécifiques aux Dom-Tom.

Au fil des pages de ce document, consultable sur un site internet (3), on apprend que Cambior s’attend à être exonéré de taxe sur le carburant, d’octroi de mer, d’impôt sur les sociétés, d’une minoration de la taxe foncière. La Compagnie a aussi déposé une demande auprès des autorités gouvernementales françaises afin de bénéficier d'un financement incitatif découlant de la loi Girardin pouvant atteindre 28 millions d’euros. Les emplois promis seront probablement délocalisés du Guyana (la mine d’Omaï a fermé).

Guyane1

L’eau potable menacée

Le cyanure est certes le moyen le moins cher pour récupérer les paillettes microscopiques d'or dans la roche mais ce procédé d'extraction libère aussi, à la suite de réactions chimiques complexes, des produits hautement toxiques.

Par ailleurs, le concassage augmente la surface de contact entre les minéraux et l’eau et facilite leur mise en solution; c’est le principe du café moulu: l’eau qui ruissellera sur 9 millions de tonnes de roches broyées, et sur celles dispersées dans la région sous forme de poussières, facilitera la dispersion des métaux lourds, arsenic et mercure, présents naturellement dans les profondeurs du sous-sol.

La cerise sur la Gâteau, si l’on peut dire, c’est que les autorités qui ont autorisé la multinationale à exploiter sur ce site, ne peuvent ignorer, qu’en cas de rupture des digues des immenses lacs à déchets cyanurisés, par le biais de la communication en saisons des pluies des bassins versants, la rivière de la Comté sera gravement contaminée.

Et c’est justement, sur ce paisible fleuve, fréquenté par le promeneur dominicale, que se situe la station de pompage en eau potable de la majorité des habitants de Guyane.

Lorsque cette problématique est posée aux instances concernées, on évoque alors la réalisation prochaine d’une nouvelle zone de pompage!!!

Signez la pétition contre le projet Cambior

Crabe

20enm Festival Kreol Sesel
Diskour louvertir
Kolok enternasyonal, 26-28 oktok 2005

James Michel,
Prezidan Larepiblik Sechel

James Michel

(Nous présentons ci-après le discours d’ouverture du dernier “Festival Kreol” des Seychelles, en octobre 2005, prononcé par le président de la République, son Excellence James MICHEL. C’est une occasion unique pour nos lecteurs d’être confrontés à un créole à la fois proche et assez différent du créole antillais. Traduction partielle ici).

Ekselans, Onorab,
Nou bann ser, frer Kreol sorti en pti pe partou dan lemonn Kreol, Tou envite ki prezan, Depi Sanmdi pase, Festival Kreol in refleri dan nou pti paradi Sesel. Nou’n akey nou bann frer, ser, zanmi Kreol avek en leker ouver e zwaye, pour selebre avek nou sa 20enm Festival Kreol Sesel. Nou’n danse, nou’n sante, nou’n riye; nou manze, savoure tou le zour, bann gou Kreol dan lavil Viktorya e dan tou kwen nou bann zil. Ozordi, nou komans nou refleksyon. Ozordi, nou komans analize, kisisa sa gou Kreol ki nou savoure, kisisa sa lidantite Kreol ki nou ser kont nou leker, e kisisa sa lalang maternel ki reini nou tou e donn nou nou definisyon.

(Dépi sanmdi pasé, Festival Kreyol la viré fléri adan ti paradi Séchel nou an. Nou ka akéyi frè, sè, zanmi kréyol nou épi an tjè ki ouvè ek plen lajwa, pou sélébré épi nou 20è Festival Kreyol lé Séchel tala. Nou ké chanté, nou ké dansé, nou ké ri; nou ké manjé, savouré tou lé jou, gou Kréyol la adan lavil Viktoria ek adan tout kwen bannzil-nou an. Jòdi-a, nou ka koumansé an katjilasion. Jòdi-a, nou ka koumansé analizé sa ki gou kréyol tala ki nou ka savouré a, sa ki lidantité kréyol tala ki nou ka tjenbé fò a anlè tjè-nou a, ek sa ki lang nennenn tala ki ka sanblé nou tout ek ki ka ba nou définision sa nou yé.)

Mon fer referans avek bann tenm festival Kreol dan lepase: Nou Pre, Nou Lwen”, “Nou lalang i parey”, e sirtou, nou moto ki ozordi nou port li fyerman lo tou dokiman ki konsern Festival Kreol: “En lizye lo lepase, en lizye lo lavenir”.

Sa bann tenm dan zot menm zot port en mesaz ki montre pozisyon Sesel vizavi kestyon Kreol e Kreolite lemonn. Nou rekonnet ki nou annan en pase similer avek nou bann konfrer partou dan lemonn. Nou lalang, e nou kiltir, in ne dan bann sirkonstans ki o komansman pa ti favoriz lafyerte bann pep Kreol dan zot lalang ek kiltir. Se sou-z-estim pour bann lalang Kreol depi son nesans ki fer li neseser pour nou kontinyen efekte en sanzman dan persepsyon lemonn vizavi nou bann Kreol. Pti a pti, nou bezwen efas lanmertim nou pase, san oubliy lenportans sa pase pour nou prezan e fitir.

Ozordi, bann pep Kreol i zwaye, zot kontan savour lavi, zot ere senpleman par kares larder soley. Isi Sesel par egzanp, nou’n pran enn bann pli gran fenomenn nou soubalternizasyon dan lepase, e fer li vin nou pli gran lafyerte: nou lalang maternel Kreol, rezon pour ki nou war sa rasanbleman ozordi.

Ankor dan de zour, soley pou lev lo sa pli gran zour pour tou Kreol dan lemonn: Lazournen Enternasyonal Kreol, le 28 Oktob. Sa rankont ki nou pe komanse ozordi, pou kilmin dan sa zour; e se sa zour ki nou’n swazir pour fer en deklarasyon enportan par lefet ki nou pe propoze relans Lasosyasyon Bannzil Kreol, ki nou zwete i a benefisye tou nou bann partener, sirtou bann ki’n reponn nou lapel e zot in ariv isi apre ki zot in sot plizyer mil kannal, pour siny sa kontra avek nou.

Tenm ki’n ganny swazir sa lannen pour bann deba sa rankont, se “Lavenir Kreol i dan son fonksyonnalite”. Swa sa tenm i reasiran dan li menm, akoz i montre ki nou pe konstaman reflesir lo lizaz nou lalang, lo son progre, e par sa, nou reafirm son lenportans pour nou. Bann partisipan ki’n sorti dan rezyon Losean Endyen, bann ki’n sorti dan Karaib ek Lanmerik, bann ki’n sorti dan bann lenstitisyon Eropeen e menm bann ki’n vin
koman bann partisipan endepandan; i annan en sel lyen ki reini nou tou, e ki responsab pour zot prezans parmi nou: sa lyen se Kreol, ki swa dan son laspe kiltirel, ki swa dan son laspe lengwistik, i en lyen ki gard nou an kontak par lefet ki i annan en lenportans pour nou tou, sakenn dan son fason. I annan nou ki war lenportans Kreol dan son valer akademik.

I annan nou ki war son lenportans dan son valer kiltirel; me en gran mazorite nou i bezwen Kreol senpleman akoz i nou lidantite, e nou viv li tou le zour, e donk, i esansyel ki nou kontinyen rod fason pour pous li pli devan. Linite i fer lafors, e par sa linite ki nou swete etablir avek nou bann kanmarad Kreol ek Kreolis ki’n
reponn nou lapel, nou annan lespwar vin pli for e pli kapab, sirtou lo lasenn enternasyonal ensi ki dan sak kominote. Bi ki nou oule atenn, se pour donn plis pouvwar Kreol dan sa gran konpetisyon kiltir popiler ki pe anvair lemonn, en fenomenn ki nou’n klas li anba sa term ‘globalizasyon’.

Fas a bann lefe globalizasyon, sak kominote i en pti lafors, apenn en gren disab dan losean; me ansanm, tou kominote Kreol i vin en lafors ki annan en lipye dan sak kwen lemonn.

Sa lannen, mon minister in fer bokou refleksyon e pran bann aksyon enportan kot i konsern devlopman Kreol ek valorizasyon Kreol. Dan kad valorizasyon, nou ti pran en gran pa kan nou ti lans ofisyelman, nou politik kiltirel ki met bokou lanfaz lo lalang maternel ek son devlopman.

Nou’n prodwi osi plizyer dokiman ki donn bann lenformasyon enportan avek piblik lo bann lenfrastriktir ki’n ganny met an plas pour devlopman nou kiltir Kreol dan tou son laspe. Par sa aksyon, Sesel in pronons son lekor lo size lidantite ek kiltir Kreol. O kour zot bann diskisyon pour relans Lasosyasyon Bannzil Kreol, pou
annan ankor bann langazman ki Sesel i pare pour pran e ki pou ganny met lo latab avek nou bann envite ki annan en lentere dan devlopman Kreol. Mon swete ki dan sa fason, posibilite pour sa lasosyasyon vin en sikse i a ogmante, byensir, tout an esperan ki nou bann koleg i pare pour donn zot langazman zot osi.

Avan mon terminen, mon ti a kontan nou tou ki la, nou pas en moman pour reflesir lo sityasyon nou bann frer ek ser Kreol dan ‘La Louisiane’ ki’n fek sibir en gran desaz natirel, an siny nou solidarite.

Se avek plezir e loner aprezan, ki mon deklar ouver sa Konferans Lengwistik pour mark sa 20enm Festival Kreol Sesel.


Bon refleksyon e bon partisipasyon. Mersi.
James Michel,
Prezidan Larepiblik Sechel (2005)

Crabe

Au fil des revues…

par Raphaël Confiant

A l’ère de l’Internet et de la communication immédiate et permanente, publier une revue peut sembler un acte ridiculement passéiste. En effet, il y a d’abord la lourdeur du format-papier, le coût de production (en comparaison de la quasi-gratuité de la Toile) et surtout le caractère forcément intellectualiste de la démarche. A
quoi bon écrire un article qui pourrait figurer tout aussi bien dans un journal? La revue est destinée à être conservée et reconsultée alors que le journal est jetable.

Toute revue assume donc un côté «sans concessions» qui, à l’heure de la drague généralisée du client par toutes espèces de moyens, n’est pas fait non plus pour favoriser sa visibilité et par conséquent sa vendabilité, si l’on peut dire. Aux Antilles, nous avons la chance d’avoir eu «Tropiques», pendant l’époque de l’Amiral Robert, puis dans la deuxième moitié du siècle dernier, «Parallèles», «Carbet», «Archipelago», «Espace Créole», entre autres.

Aujourd’hui, la plupart d’entre elles ont disparu ou vivotent. Faut-il lier cela à l’incapacité dans laquelle se trouvent nos élites de penser le réel martiniquais de ce début du XXIè siècle? Sans doute, mais dans le même temps, on constate l’apparition d’une floraison de revues françaises qui sollicitent volontiers des auteurs antillais, jugeant important de donner à lire la vision qu’ont ceux-ci de ce monde globalisé devenu, que nous le voulions ou non, notre lot commun. Nous avons sélectionné 3 d’entre ces revues:

L’ARSENAL (19, rue Molitor, 75016 Paris), revue d’écrivains qui refusent les coteries parisiennes et le copinage littéraire du Quartier Latin. On y trouve des textes fort intéressants de gens aussi différents que Philippe Djian, Régine Détambel ou Philippe Claudel, ainsi qu’une remarquable conférence prononcée en Italie par Jean Rouaud dans laquelle il explique, avec un humour grinçant, pourquoi lui, romancier, il ne peut pas écrire de scénarios de films. A noter la présence dans le numéro 1 de l’Arsenal de deux auteurs martiniquais: Lionel-Edouard Martin, poète de grand talent encore méconnu, avec «Cinq lectures d’Horace justifiant l’italique» et d’autres extraits de ses oeuvres dont voici un avant-goût: «Dans ces grappes de maisons de parpaings bruts, sans enduit ni crépi - car Pétionville est une vendange dans la hotte du cueilleur de calcaire - , le soir la parole d’homme est comme un jus de pierre que ferait couler la morsure des lèvres pour calmer la soif, si la lumière hachurée par les jalousies ne laissait craindre, parmi la phrase musquée, la guêpe et son dard mortel.» Présence aussi de Raphaël Confiant avec un texte à l’humour décapant, dans la lignée de sa «Trilogie tropicale», intitulé «Supermatozoïde».

MULTITUDES (21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris), revue de philosophie politique engagée dans le décryptage du néo-libéralisme et de la mondialisation et cherchant à promouvoir une nouvelle pensée critique. Dans le numéro 22, une belle réponse du philosophe et révolutionnaire italien Toni Negri à Pierre Macherey au sujet d’une critique écrite par ce dernier à propos du livre «Multitude, guerre et
démocratie à l’âge de l’Empire» du même Négri en collaboration avec Michael Hardt. Le point sur le «travail dématérialisé», qui semble être la marque de la post-modernité, est très bien explicité. Extrait : «En effet, je crois que ce qui définit la pensée critique consiste toujours, hier comme aujourd’hui, à inscrire l’exploitation de la force de travail au centre du cadre théorique. De ce point de vue, je revendique ma fidélité à la mission critique matérialiste. Le nouveau visage du travail productif (intellectuel, relationnel,
linguistique, affectif plutôt que physique, individuel, musculaire, instrumental) ne sous-évalue pas en réalité, mais au contraire accentue la corporéité du travail et en étend la matérialité.»

Notons aussi un article de François Matheron sur Althusser et l’insituabilité de la politique, une réflexion du Japonais Yoshihiko Ichida sur l’ontologie politique de Jacques Rancière et surtout un important dossier intitulé «Créoles» dans lequel on trouve cinq articles:

  • Jean-Yves Mondon: «La parole du créole qui ne se dit pas «créole» en créole.
  • Raphaël Confiant: «La Créolité contre l’enfermement identitaire».
  • Alexandre Alaric: «Le migrant nu. Le déporté sur des frontières».
  • Yves Citton: «Créolectures et politiques membraniques.»
  • Madison Smartt Bell: «Kréyol palé, Kreyol konprann».

Extrait de l’article du philosophe Alexandre Alaric:

«User de la trace, l’écho étant en dehors de nos prises, en paradigme, en telle sorte que progressivement des clartés acquises, des éclairements des temps, l’advenue se transforme en genèse, en venue au monde, par l’effacement progressif du personnage de «l’arrivée», c’est aussi nécessairement une descente dans la mémoire, un dévalement, afin de pouvoir en remontée, par une analytique imaginaire, donner voix à l’inaudible l’inaudible
de l’écho, en forant les gisements relationnels au sein de la multiplicité de nos êtres, de dire la Relation.»

RIVENEUVE-Continents (146, rue Paradis, 13006 Marseille) se veut «un espace littéraire de qualité largement
diffusé» qui «reflète la diversité, la créativité et la richesse des cultures, des écritures et des auteurs qui s’expriment en français». Sous-titrée «revue des littératures de langue française», le numéro 2 de cette revue accueille outre des auteurs français autour de la question de «l’auteur et son sujet», un important «Carnet d’haïtié auquel ont contribué Lynoel Trouillot, Faubert Bolivar, Georges Castera entre autres. A noter une interview d’Edouard Glissant à propos de son dernier livre La Cohée du Lamentin (Gallimard).

Extrait:

«C’est un ouvrage qui part d’un coin de mon pays, la Martinique, et d’une ville, le Lamentin, où j’ai grandi. Les poètes partent toujours d’un endroit. La poésie n’est pas abstraite… Le mot cohée est tout à fait obscur et inexpliqué. On ne sait pas si c’est féminin ou masculin. Ce n’est pas dans le lexique français, ce n’est pas dans le lexique créole et par conséquent c’est un mot hypothétique, un mot qui pose question.»

Sans vouloir contredire à tout prix le grand homme, il faut savoir que le «Kohé» est un terme caraïbe désignant un oiseau réputé chanter uniquement lorsqu’il y a un deuil dans les environs. Ce mot est bel et bien passé en créole comme tant d’autres mots caraïbes et y désigne le même oiseau qui est une variété d’engoulevent.

LE MAGAZINE LITTERAIRE (n° 451, mars 2006), qui n’est pas une revue au sens classique du terme, consacre un dossier à la «défense et illustrations des langues françaises» à l’occasion du prochain Salon du Livre de Paris de la mi-mars lui-même dédié aux francophonies.

Le Magazine littéraire nous offre donc un dossier en deux parties: l’une, la première, due à des universitaires africains (Romuald Fonkoua) et français (Bernard Cerquilini, Bernard Mouralis etc…); l’autre à des auteurs francophones (Assia Djebar, Maïssa Bey, Raphaël Confiant, Alain Mabanckou, Ananda Devi etc…).

On y dénote un sensible changement dans la perception qu’a le milieu littéraire français de cet Ovni qu’est la francophonie.

Comme si Paris cessait de se considérer comme le centre éternel de tout ce qui s’écrit en français de part le monde. Un dossier très riche, à conserver.

Et pour terminer, deux ouvrages très différents:

Chienfanm

un texte en créole de Roland Davidas intitulé Chienfanm éditions Gawoulé) qui se veut un plaidoyer pour le respect en amour et une dénonciation des «coqueurs» professionnels, trop nombreux, paraît-il, dans notre chère île.

Nous retiendrons surtout la qualité de la langue et la fulgurance des images chez quelqu’un qui, par ailleurs, est certifié de créole et enseigne cette langue dans le secondaire. Après Jean-Marc Rosier et son Lélékou l’an dernier, voici une nouvelle preuve que la littérature en créole est toujours vivante, je veux parler de celle qui, exigeante, refuse l’édition bilingue qui défavorise objectivement la lecture en créole.

Extrait:

«Nonm ki ka drivé, ka anmizé, ka dousiné, tounen-viré, aléviré nan lachè fanm, nan lachè tout fanm…Nonm-papiyon épi marisosé ki ka désann an fon dézolasion kò-yo ek ka viré monté épi mas lanmò a, épi ka griyen-dan, vòlè tjè, vòlè lachè ek ka viré pati pou sa pozé anlè dot branch…»,

Histoire d'attentats politiques

un livre surprenant maintenant de Thierry Vareilles, Histoire d’attentats politiques de l’an 44 av. Jésus-Christ à nos jours (L’Harmattan). L’homme est artificier-démineur…au Fort Desaix, à Fort-de-France. Sur les 450 actes de régicides, magnicide, tyrannicide, terrorisme ou anarchisme recensés par l’auteur, on constate d’emblée que 80% d’entre eux ont été commis en…Occident par des Occidentaux.

Cela commence par l’assassinat de Jules César en 44 AVJC poignardé en plein sénat romain, se continue avec celui du duc de Guise en 1563, celui d’Henri IV en 1610, celui d’Abraham Lincoln en 1865, se poursuit avec les anarchistes qui, tout à la fin du 19è siècle vont multiplier les attentats terroristes dont l’un coûtera la vie au président Sadi Carnot le 24 juin 1894. L’Assemblée Nationale française vote aussitôt une série de lois anti-anarchistes et anti-terroristes à faire pâlir d’envie Sarkozy.

Mais les attaques se multiplient partout en Europe et aux USA:

  • 15 juillet 1895: assassinat du Premier ministre bulgare Stefan Stamboulov.
  • le 29 juillet 1900: assassinat du roi d’Italie Humbert 1er.
  • le 6 septembre 1901: assassinat du président américain William McKinley.
  • le 12 novembre 1912: assassinat du président du conseil espagnol José Canalejas etc

Sans compter les centaines de milliers de blessés et de victimes anonymes tout au long du XXè siècle. Une conclusion s’impose à la lecture de ce très instructif ouvrage: l’Occident n’a vraiment aucune leçon à donner à personne en matière de terrorisme.

Raphaël Confiant

Crabe

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