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23 Mai - Journée Nationale

23 Mai - Journée Nationale
De l'esclavage Colonial
Des Victimes
Du Souvenir

CM 98
boule

Le choix d'une date pour un hommage aux victimes de l'esclavage provoque des remous au sein de la communauté d'Outre-Mer, des associations refusant de commémorer l'abolition et plaidant pour le 23 mai, en souvenir de la première manifestation, en 1998, des "enfants d'esclaves".

Le Comité pour la mémoire de l'esclavage, créé en janvier 2004 et présidé par la romancière guadeloupéenne Maryse Condé rendra public le choix d'une date le 12 avril 2005, et le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin dira s'il la retient ou pas.

Selon des sources proches du comité, le choix se porte sur le 10 mai, date de l'adoption par le Parlement de la loi de 2001 reconnaissant l'esclavage et la traite négrière comme crime contre l'humanité, élaborée sous l'impulsion de la députée de Guyane Christiane Taubira.

D'autres dates ont été avancées, comme celle du 21 mai, date de la promulgation de cette loi. Et celle du 27 avril, date de l'abolition de l'esclavage, en 1848,à l'initiative de Victor Schoelcher.

La date du 27 avril a été abandonnée par le comité, de plus en plus d'associations d'Outre-Mer refusant de
commémorer l'abolition de l'esclavage.

Pour Serge Romana, généticien et président du "comité marche du 23 mai", qui dit représenter un grand nombre d'associations d'Outre-Mer, la commémoration de Victor Schoelcher et des abolitionnistes a étouffé le souvenir de "ceux qui ont souffert de l'esclavage dans leur chair".

"A partir de 1848, on nous a traités comme des enfants, on a tout fait pour que nous ayons honte de nos ancêtres, on a été élevés dans le sentiment que, grâce aux blancs, les nègres ont pu exister en tant que citoyens. Or, un homme qui n'a pas de parent ne peut pas se construire", a-t-il dit mardi à la presse.

Il a annoncé sa démission du Comité pour montrer son opposition au choix éventuel du 10 mai."Pour nous, ce sera le 23 mai", dit-il. Le 23 mai 1998, plusieurs milliers de personnes (40'000 selon les organisateurs) avaient défilé en silence, pour montrer leur opposition à la manière dont le gouvernement avait le 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage en affirmant que les esclaves étaient devenus citoyens en 1848, qu'ilsétait "tous nés" cette année là.

Depuis, chaque année, le 23 mai rassemble 2 à 3'000 antillais, Guyanais, Réunionais à Paris. Cette année, une messe sera célébrée à la basilique Saint-Denis, un monument sera dévoilé au stade Nelson-Mandela de Sarcelles (Val d'Oise), dont le maire soutient le mouvement du 23 mai, et un rassemblement est prévu place du Trocadéro, sur le parvis des droits de l'Homme, à 18H00.

Ce débat intervient au moment où montent des revendications pour une reconnaissance du rôle de la colonisation et de l'esclavage dans les discriminations vécues par les immigrés et enfants d'immigrés.
"Notre combat servira à calmer les jeunes de banlieue", affirme Serge Romana, "on nous a octroyé une citoyenneté incomplète en 1848, il y a toujours un retour de bâton. Se souvenir, c'est une façon de faciliter l'insertion des enfants de la colonisation et de l'esclavage", dit-il.

Article de l'AFP

lanmekannfeneg

Argumentaire
Comité Marche du
23 mai 1998

EN MAI 2001, l'esclavage colonial – la traite et l'esclavage des nègres du XV ème au XIX ème siècle – était reconnu en tant que «crime contre l'humanité» par la Nation française, grâce à l'engagement Mme Christiane Taubira. La députée guyanaise portait au Parlement cette revendication majeure exprimée lors de la marche du 23 MAI 1998 par 40 000 femmes et hommes, originaires en grande majorité des Antilles et de la Guyane. Cette action fut entérinée par une loi qui parut au Journal Officiel n°119, le 23 MAI 2001, deux jours après le vote des députés.

EN JANVIER 2004, un "Comité pour la Mémoire de l'Esclavage" était institué par le Premier ministre en application de l'article 4 de cette loi. L'une de ses missions était de proposer au Premier ministre une date pour «la commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage». Il s'agissait d'étendre à la France métropolitaine le décret n° 83-1003 du 23 NOVEMBRE 19831, signé par Pierre Mauroy, qui attribuait à chaque département français d'outre-mer une date de commémoration de l'abolition de l'esclavage :

  • Le 22 MAI en Martinique, en référence au 22 MAI 1848, dernier jour de l'esclavage.
  • Le 27 MAI en Guadeloupe, en référence au premier jour de l'émancipation dans l'île.
  • Le 10 JUIN en Guyane et le 20 DÉCEMBRE à la Réunion, en souvenir du jour de l'arrivée du décret d'abolition dans ces colonies.

Pour l'ensemble du territoire national, l'article 2 du décret n° 83-1003 se limitait à consacrer, le 27 AVRIL de chaque année – à la date anniversaire de la signature du décret d'abolition de 1848 –, une heure de réflexion sur l'esclavage et son abolition dans toutes les écoles primaires, les collèges et les lycées de la République.

LA LOI DU 30 JUIN 1983 marquait l'arrêt de la politique de dévotion à Victor Schœlcher organisée dès l'entre-deux-guerres par les autorités de la République dans les départements d'outre-mer (fête de la Saint Victor tous les 21 JUILLET, en référence au jour de sa naissance, le 21 JUILLET 1804). Son objectif était la mise en place de manifestations dont le but était de rappeler les principes fondateurs de la République. Appliqués aux colonies à esclaves en 1848, ces principes aboutirent à l'abolition immédiate de l'esclavage et à l'accession des anciens esclaves à la citoyenneté.

CEPENDANT, DEPUIS LA MARCHE DU 23 MAI 1998 et la loi Taubira-Delannon, les Français descendants d'esclaves, s'interrogent sur la pertinence du concept de «Commémoration de l'abolition de l'esclavage». En effet, si l'esclavage colonial est aujourd'hui reconnu en tant que crime contre l'humanité par notre Nation, quelques réflexions s'imposent :

  • N'est ce pas la mémoire des victimes de ce crime qu'il convient avant tout honorer ?
  • N'est-ce pas devant la mémoire des victimes que les Etats respectueux des Droits de l'Homme s'inclinent lors de manifestations dédiées aux crimes contre l'humanité ?
  • N'est-il pas plus important de rendre justice à ceux qui, durant plus de 300 ans, ont souffert de l'esclavage des nègres et qui furent les premiers à se battre pour s'en libérer ?

AUJOURD'HUI, NOUS, DESCENDANTS D'ESCLAVES, sommes de plus en plus nombreux à avoir choisi d'honorer la mémoire de nos aïeux, au lieu de commémorer l'abolition de l'esclavage. Depuis quelques années, des milliers d'Antillais aidés en cela par certaines municipalités de France métropolitaine – à l'exemple de la ville de Sarcelles – organisent le 23 MAI, en référence à la marche du 23 MAI 1998 et à la «loi Taubira» publiée au Journal Officiel le 23 mai 2001, des cérémonies religieuses ou laïques à la mémoire de leurs parents, victimes de l'esclavage.

FAIRE DU 23 MAI LA DATE DE COMMÉMORATION, en France métropolitaine, de la mémoire des victimes de l'esclavage colonial serait, de la part de la République, un acte majeur pour la réparation de ce crime contre l'humanité.

Pourquoi commémorer le souvenir des victimes de l'esclavage ?

Déconstruire un système monstrueux

L'ESCLAVAGE était avant 1848 le seul univers des nègres des colonies françaises d'Amérique et de l'Océan Indien. Durant plus de 300 ans, tout fut organisé pour que ce système inique conditionne le passé, le présent et le futur des nègres. La transformation de l'homme libre en esclave fut pensée et appliquée avec méthode. Il existe des textes de colons esclavagistes expliquant le processus à suivre pour fabriquer des esclaves. A ce titre, les conseils que Willy Lynch, planteur de la Barbade, professait en 1712 à ses homologues américains sont des plus éloquents. Après avoir expliqué ses méthodes quasi scientifiques de division de la population esclave2, il concluait que: «l'esclave noir, après avoir reçu cet endoctrinement, doit être en mesure de se réalimenter et de se régénérer pendant des centaines d'années, peut-être des milliers»3

LES ABOLITIONNISTES étaient conscients de la construction sociale monstrueuse qui résultait de plus de 300 années d'esclavage. Victor Schœlcher lui-même en faisait largement état dans son ouvrage majeur, Des colonies françaises. Abolition immédiate de l'esclavage .

La société esclavagiste est «une société monstrueuse» concluait t-il après son dernier voyage dans les colonies françaises en 1841. L'esclave est «un être moral mutilé»4, il vit «dans l'abrutissement, au sein d'une déplorable promiscuité, avec un tel oubli de sa nature, qu'il [ignore] même son âge». Il faisait ainsi écho à Condorcet qui pensait que «par l'abrutissement contracté dans l'esclavage, par la corruption des moeurs, suite nécessaire des vices et de l'exemple des maîtres, les esclaves des colonies européennes sont devenus incapables de remplir les fonctions d'hommes»5.

Le défi posé aux abolitionnistes était d'abolir l'esclavage tout en gardant les colonies viables et prospères. C'est-à-dire avec une population d'ex-esclaves assez «civilisés» pour comprendre qu'il était nécessaire de fournir un travail productif pour assurer la pérennité des colonies, et de vivre en harmonie avec les anciens colons.

Si Tocqueville s'inquiétait en écrivant que « ce qui est à craindre de l'émancipation, ce n'est pas la mort violente de nos colonies, c'est leur dépérissement graduel et la ruine de leur industrie»6, Victor Schœlcher, lui, se voulait rassurant: «La fréquentation des hommes civilisés les initiera aux nécessités factices qui soutiennent l'industrie»7.

IL FALLAIT donc que la République trouve une réponse à la difficile question du dispositif à mettre en place pour «civiliser l'esclave» et maintenir la colonie.

  • Comment extirper de ces hommes et de ces femmes la violence générée par le traumatisme de l'esclavage, la vacuité de l'homme absent ou exclu de la famille matrifocale 8 , la division extrême liée aux conditions de vie sur l'habitation esclavagiste ?
  • Comment extraire de l'esprit de ces êtres la douloureuse hiérarchie des couleurs ?
  • Comment guérir ces sociétés de la monstrueuse fabrication esclavagiste ?

POUR RÉSOUDRE CES DIFFICULTÉS, Victor Schœlcher lui-même proposa d'organiser une «émigration tropicale par familles» . Emigration qui soulagerait la misère ouvrière en France et permettrait de «régénérer» les colonies: «la régénération des colonies françaises, par l'abondante infusion de jeune sang des émigrés dans les veines de ces corps plus malades que caduques, se lie à l'affranchissement des Noirs, et viendra lui porter un efficace secours»9.

Les mesures prises par le gouvernement provisoire de la IIème République, sous l'impulsion de Victor Schœlcher, furent révolutionnaires pour l'époque. Outre l'abolition de l'esclavage – réalisée par tous les pays esclavagistes au cours du XIXème siècle –, les ex-esclaves de sexe masculin allaient devenir, sans phase d'apprentissage, des citoyens français, accédant ainsi à l'égalité civique immédiate avec l'ensemble des hommes français dont leurs anciens maîtres. La République, ce faisant, était en accord avec ses principes fondateurs.

L'ACCESSION À LA CITOYENNETÉ s'accompagna d'une série de dispositions – l'instruction populaire, la conscription, la propagande pour la famille patriarcale…– conçues pour tenter de réparer les dysfonctionnements de ces sociétés nées de l'esclavage. L'une de ces décisions prises par le gouvernement fut la mise en place d'un dispositif visant à organiser l'oubli de la période esclavagiste.

Oublier l'esclavage pour construire les sociétés post esclavagistes

L'OUBLI FUT LE SOCLE IDÉOLOGIQUE sur lequel devait reposer la construction harmonieuse des sociétés coloniales post esclavagistes. Seul l'oubli pouvait, selon les abolitionnistes, permettre de guérir les haines accumulées durant l'esclavage et aider à sublimer le monstrueux préjugé de couleur. Il ouvrait ainsi la voie à la «fusion» des groupes socio ethniques imaginée par Victor Schœlcher. L'oubli était prôné tant en France que dans les colonies:

  • Pour le gouvernement provisoire de la IIème République, l'esclavage était un «attentat à la dignité humaine», une «souillure» dont il fallait «purifier» les colonies mais aussi et surtout la France10. Pour Victor Schœlcher, «entre la France et l'esclavage, il y a un combat à outrance: la France ne quittera les armes que le jour ou les Noirs seront véritablement libres». Il fallait tout faire pour effacer cette «souillure» qui jetait le discrédit sur le passé de la Nation et les principes fondateurs de la République. Pour nombre de Français, l'esclavage pratiqué par leur pays, patrie des Droits de l'Homme était une honte. L'avis de Xavier Tanc, juge de paix à la Guadeloupe en 1832, à ce sujet est édifiant: «les lois ne doivent point consacrer des massacres, des mutilations, ou des assassinats politiques, et la Nation, au nom de laquelle se commettent tant d'atrocités, amasse contre elle une éternelle ignominie11». Qu'elle était lourde, cette culpabilité ! La solution adoptée par le gouvernement français fut donc de «raturer l'esclavage» et d' «élever les colonies à la hauteur de la métropole».
  • L'oubli était aussi fondamental pour les hommes de couleur libres qui, avant 1848, formaient un groupe intermédiaire, majoritairement métis, entre les Blancs et les esclaves nègres. Ils conçurent l'oubli comme une «thérapeutique» qui devait leur permettre d'accéder à la civilisation.
    Après 1848, ces élites allaient tout faire pour prouver leur humanité en se démarquant de la masse des nègres nouvellement affranchis, englués, selon eux, dans des pratiques culturelles dégradantes (familles matrifocales, langues créoles, musiques, cosmogonies…).

L'OUBLI DE L'ESCLAVAGE a donc été «posé comme un enjeu politique, comme un élément fondateur de la société issue de la servilité12». Pour la République et l'élite de «couleur», l'histoire de l'humanité devait commencer aux colonies avec l'abolition de l'esclavage.

Les «fêtes Schœlcher» furent instituées comme un rituel rappelant cette fondation. Victor Schœlcher, l'athée, allait être élevé au rang de divinité: «Gloire au plus haut des cieux à Victor Schœlcher, le libérateur de la France et l'émancipateur de la Race noire. […] Oui, Victor Schœlcher, nous te louons comme un Dieu! Oui, notre âme te glorifie comme son maître » [Extrait d'un discours prononcé à Basse-Terre le 21 juillet 1935, jour de la Saint Victor, par Jean-Louis Jeune et qui parut dans la Revue Mondiale en 1935].

LES COMMÉMORATIONS de l'abolition de l'esclavage, décidées en 1983, s'inscrivirent dans la même logique pour aboutir en 1998, pour le cent cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage, au fameux et désormais célèbre slogan «Tous nés en 1848» , proposé par le gouvernement aux populations issues de l'esclavage.

Oubli de l'esclavage et trouble d'affiliation chez les descendents d'esclaves

DEPUIS 1848, des générations de Guadeloupéens, de Guyanais, de Martiniquais et de Réunionnais descendants d'esclaves ont vécu dans l'ignorance profonde de leur histoire. Depuis 1848, des milliers de descendants d'esclaves – souvent affublés d'un nom qui leur avait été attribué à l'abolition (ils n'avaient qu'un prénom lorsqu'ils étaient esclaves) et de ce fait coupés définitivement de leurs ascendants – n'ont qu'un trou béant dans leur mémoire familiale et de groupe. Le mythe schoelchérien a été, après 1848, la lumière qui a éclairé toute l'histoire des ex-colonies françaises à esclaves. Il a été le socle civilisateur, «le bouclier et le glaive» contre l'arrogance des anciens maîtres13, mais il a occulté les victimes de l'esclavage.

Défendue avec la dernière des énergies par Victor Schœlcher, la dignité de ces femmes et de ces hommes qui ont souffert le martyre de l'esclavage fut sacrifiée sur l'autel de la construction d'une «société coloniale pacifiée » . Mais…

  • Peut-on construire une société en niant ses origines aussi monstrueuses soient-elles ?
  • Peut-on croire aujourd'hui, à la lumière des travaux portant sur d'autres crimes contre l'humanité, que l'oubli est la «thérapeutique» durable des maux générés par la construction d'un groupe dans un crime tel que l'esclavage colonial ?

AUJOURD'HUI, les descendants d'esclaves nègres sont sur cette Terre avec leur mémoire défaillante et éprouvent d'énormes difficultés à appréhender leurs dysfonctionnements. Depuis 1848, ils ne comprennent pas d'où vient la violence qui les habite, les divisions qui déchirent leurs familles, la honte qui les étrangle, la difficulté qu'ils ont à construire des foyers stables, leur incapacité à établir des rapports constructifs entre eux et avec d'autres communautés humaines. Aujourd'hui encore, ils errent dans des labyrinthes identitaires et tentent inlassablement d'être des Français à part entière, ne croyant pas vraiment au mythe de fondation de leur prétendu Premiers Temps: «Tous nés en 1848». Qu'est-ce qu'un groupe humain sans ses aïeux? Qu'est-ce qu'un groupe humain qui a appris à haïr ses parents esclaves sous prétexte qu'il fallait oublier cette période honteuse pour la Nation française ?

AUJOURD'HUI, plus que jamais, l'esclavage est présent. Présent chez les descendants d'esclaves. Présent chez les responsables de notre République qui ne savent toujours pas comment se sortir de cette «éternelle ignominie» qu'évoquait le juge de paix Xavier Tanc.

APRÈS DES ANNÉES de «commémoration de l'esclavage», l'heure est peut-être venue de se poser les vraies questions. Comment guérir de l'esclavage colonial? Comment mettre un terme aux faux-semblants? Comment gérer cette culpabilité? Est-il possible de refuser aux victimes de l'esclavage leur statut d'Homme? Est-il possible de continuer de priver les descendants d'esclaves d'une affiliation possible, alors que celle-ci doit être la première étape d'une réparation véritable?

EN 2001, la Nation reconnut l'esclavage colonial en tant que crime contre l'humanité. Mais que cela fut difficile! Il fallut, pour que la loi pût être votée, renoncer à nommer les coupables: les puissances européennes14. Il fallut évacuer la question des préjudices et des réparations sous le prétexte fallacieux que "réparation" était synonyme de compensations financières.

Cette loi, comme les victimes de l'esclavage, vécut un véritable martyre. On nous rétorquera que la loi existe et que c'est un moindre mal. Mais comment peut-on se satisfaire de la loi lorsque le crime est sans coupables et sans victimes (puisqu'il n'y a pas de préjudices). C'est être indigne des enseignements des abolitionnistes des XVIIIème et XIXème siècles qui, eux, avaient clairement désigné les coupables (les Nations européennes) et les victimes (les esclaves).

LA RÉPUBLIQUE ne tirera aucune gloire à vouloir «continuer cette politique de l'oubli». Si Victor Schœlcher – l'un de ses pères – préconisa «l'oubli» , c'est qu'il ne pouvait, en son temps, concevoir d'autre solution pour aider ces sociétés traumatisées par un «crime de lèse humanité». Adopter une telle attitude aujourd'hui serait franchement rétrograde, voire criminel. C'est pourquoi il faut résolument renoncer aux commémorations de l'abolition, symbole de cette «politique de l'oubli» , et commencer enfin à honorer la mémoire des victimes de l'esclavage colonial.

Une date en France métropolitaine à la mémoire des victimes de l'esclavage

DE L'ESCLAVAGE COLONIAL , il y a tant à apprendre pour l'humanité ! Une journée dédiée au souvenir du martyre des esclaves nègres pourrait éclairer tant de consciences! Cette journée permettrait d'apporter des réponses à tant de questions! Comment un tel crime put-il être commis en terre chrétienne et exister sous plusieurs régimes politiques: la Royauté, l'Empire et la Ie République française? Comment expliquer que ce crime généra le racisme scientifique dont les théories inspirèrent les Nazis dans leur politique d'extermination des Juifs? Comment définir un groupe humain né dans un crime contre l'humanité? Quels sont les effets de ce crime sur les peuples africains qui l'ont subi? Chacune de ces questions est au moins aussi importante que celles relatives aux abolitions dont les causes sont multiples et complexes. Abolitions que l'on ne peut en aucun cas ramener à l'action d'un seul homme, quelles que soient les positions de principe qu'il a pu prendre. Outre ces questions d'ordre politique, philosophique ou spirituel, on ne peut refuser d'accorder aux victimes du crime l'hommage qui leur est dû. C'est une question de principe.

SI L'UNE DES CONSÉQUENCES majeures de l'esclavage colonial a été la négation de l'humanité de millions de personnes au nom d'une théorie postulant leur infériorité naturelle, il est temps de leur rendre, à titre posthume, leur dignité d'Homme en leur consacrant une journée. Il est temps de s'incliner devant la mémoire de ceux qui sont morts comme des bêtes, enterrés à la faveur de la nuit, sans rites ni sépultures15, qui ont vécu sans passé, sans espoir, avec pour seul horizon la nuit pour se reposer.

IL N'Y A PAS DE DIFFÉRENCE entre les crimes contre l'humanité. Dans tout crime contre l'humanité, c'est devant les victimes que l'on s'incline. Le soixantième anniversaire de la Shoah en a été un bel exemple. C'est donc devant les victimes de l'esclavage colonial que la Nation, rassemblée autour des descendants d'esclaves, doit s'incliner. Ce ne sera que justice. Ce ne sera que l'application de deux des principes fondateurs de la République: Egalité, Fraternité.

Le 23 mai doit être la date de la jounée du souvenir des victimes

PUISQU'IL S'AGIT d'honorer la mémoire des victimes de l'esclavage, nous pensons que la date du 27 AVRIL – qui fait référence au 27 AVRIL 1848, jour de la signature du décret d'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises – ne peut être choisie comme journée du souvenir des victimes de l'esclavage. Comme nous l'avons expliqué précédemment, le concept de «commémoration de l'abolition de l'esclavage» a été utilisé pour effacer la mémoire de l'esclavage et symbolise la politique de l'oubli des victimes. Aussi, cette date ne peut être décemment retenue comme date symbolisant leur mémoire.

Nous proposons que soit choisi la date du 23 mai

LE 23 MAI 1998, plus de 300 associations des Antilles et de la Guyane organisèrent une marche silencieuse à Paris. Ce jour-là, 40'000 personnes de toute origine se rassemblèrent pour rappeler à la Nation et au monde entier le souvenir des millions de victimes de la traite et de l'esclavage des nègres. En osant dire «nous sommes des filles et des fils d'esclaves», nous entreprenions de rétablir des liens filiaux entre notre génération et celle de nos aïeux. Cette journée est restée dans notre mémoire comme celle où, nous, descendants d'esclaves, «nous nous sommes levés pour eux» afin de rappeler leur existence et témoigner de leur souffrance. Ce jour-là restera celui où nous avons commencé à les restaurer dans leur dignité d'êtres humains, dans cette dignité qui leur était niée depuis plus de 300 ans.

EN RÉPONSE à cet événement sans précédent dans l'histoire de la République française, la députée de Guyane, Mme Christiane Taubira, porta devant le Parlement une loi tendant à reconnaître la traite, la déportation et l'esclavage des nègres comme crime contre l'humanité. Cette loi, votée le 21 MAI 2001, fut publiée au Journal Officiel du 23 MAI 2001.

LE 23 MAI est la date qui symbolise, à la fois, la démarche qu'ont entreprise les descendants d'esclaves pour réhabiliter la mémoire de leurs aïeux, et la reconnaissance par la République française de la nature du crime subi. Le 23 MAI est donc une date qui peut rassembler toute la Nation, autour des descendants d'esclaves, pour que soit honorée la mémoire des victimes de l'esclavage.

Notes :

  1. Loi n°83-530 du 30 juin 1983 relative à la commémoration de l'abolition de l'esclavage.
  2. «N‘oubliez jamais que vous devez dresser les vieux mâles noirs contre les jeunes mâles noirs, et les jeunes mâles noirs contre les vieux mâles noirs. Vous devez utiliser les esclaves à peau sombre contre les esclaves à peau claire et les esclaves à peau claire contre les esclaves à peau sombre. Vous devez utiliser la femelle contre le mâle et le mâle contre la femelle. Vous devez aussi vous arranger pour que vos serviteurs noirs et vos contremaîtres se méfient des Noirs, mais il est nécessaire que vos esclaves aient confiance et dépendent de nous. Ils ne doivent aimer, respecter et avoir confiance qu'en nous. Messieurs, ce sont les clés pour les contrôler et les utiliser. Arrangez vous pour que vos femmes et vos enfants les utilisent, ne manquez pas l'opportunité. Mon plan est garanti, et la bonne nouvelle, c'est que si ce plan est utilisé intensément pendant une année, les esclaves eux même resteront perpétuellement méfiants».
  3. LYNCH, Willie. Letters. British West Indies, 1712
  4. Schœlcher, Victor. Des colonies françaises. Abolition immédiate de l'esclavage. Pagnerre, 1842. Rééd. Société d'Histoire de la Guadeloupe. Société d'Histoire de la Martinique. 1976. Page 50-51.
  5. CONDORCET. Réflexions sur l'esclavage des nègres (M. Schwartz). Neuchâtel (société typographique) 1781. BNF Gallica. p.15
  6. TOCQUEVILLE, Alexis de. Rapport fait au nom de la Commission chargée d'examiner la proposition de M. de Tracy, relative aux esclaves des colonies. Chambre de Députés. 2ème session, 1839. Archives Nationales, p. 26.
  7. Schœlcher, Victor. Des colonies françaises. Abolition immédiate de l'esclavage. Op.cit. p.283
  8. Cf. GRACCHUS, Fritz. Les lieux de la mère dans les sociétés afro-américaines. Editions Caribéennes, 1986.
  9. Schœlcher, Victor. Des colonies françaises. Op. cit. p. li-lij
  10. Idem, p. 374
  11. TANC, Xavier. Les Kalmankious: des magistrats indésirables aux Antilles en temps d'abolition. Caret, 1998, p.30
  12. COTTIAS, Myriam. L' «oubli du passé» contre la «citoyenneté»: troc et ressentiment à la Martinique (1848-1946). In 1946-1996. Cinquante ans de départementalisation outre-mer. L'Harmattan, 1997, p. 293-334.
  13. BURTON, Richard. La famille coloniale. La Martinique et la mère patrie. 1789-1992. L'Harmattan, 1994, p.128.
  14. Cf. Projet de loi Taubira-Delannon.
  15. Cf. Article 13 du Code Noir.

 

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Pétition : Pour nous c'est le 23 mai la Journée nationale DU SOUVENIR DES VICTIMES de l'esclavage colonial. Pétition en version pdf à imprimer, signer et expédier : ici.
 

  Communiqué de presse de l'AMEDOM, 28 février 2005.
 
 

Le 10 mai commémoration de l'esclavage.
 

  Démission de Serge Romana - Conférence de presse le 05 avril 2005.
 
 

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  Le Comité Marche du 23 Mai 1998 a organisé six conférences historiques dans le cadre du choix d'une date commémorant, en France métropolitaine, le martyre des esclaves nègres.
 
  Esclavage et engagisme : Peut-on juridiquement envisager de ne pas réparer ? de Louis Sala-Molins.
 
   
 
 

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Warning: include(): Failed opening '../../php/inc/footer.inc.php' for inclusion (include_path='.:/opt/php7.3/lib/php') in /home/clients/0569772c9eeed91e4e45d3f0faba528f/potomitan.info/lafwans/souvenir.php on line 320