Revue Guadeloupéenne.
Publiée par le service d’information
de la Guadeloupe et dépendances.
Janv. - Février 1948, Nouvelle Série, N°15

Tim Tim Bois Sec
Compè Chien et compè Macaque par

Tim Tim Bois Sec

par Roland BOGAT1

Messié, Cric ! Crac ! Tant pis pou cèlui qui tombe dans in boubier et qui ne connè pa la manière dè sè débarbouiller.

Messié, Cric !

Zô save pou qui macaque pè chien on?

Non... é bin ! fô moin raconté zotte çà.

Compè Chien et compè Macaque, on sam-di à quinzaine-ne, décenne en bouc fè povision.
Yo rivé tà, pa tini grand chose encò, yo gangné on landouille à dé.

Compè Chien pouan landouille-la pou i té pôté. Yo ka monté en chantonnant. Compè Chien ka di tout doucement : «En ka pôté landouille en nou, en ka pôté landouille en moin».

Compè Macaque ocsèvé ça, i di li: Ka ou sôti di, compè?» Chien répon-ne: «En ka pôté landouille en nou». Min temps z'en temps i ka di: «En ka pôté landouille en moin».

Macaque touvé-i côlè, min y pa di angnin; i té ka veillé bougue à-i.

Toul'temps yo té en chimin pavé, là qui pa ni pieds bois, i laissé chien pôté. Chien fô en grand chimin, ou save.

Min lhè i senti lodè rhasié, i di: Compè ou douètette fatigué, ban-en pôté ti bouin aussi».
Ka ou vlé fè, chien baille.

Macaque mèté li à di: «En ka pôté landouille
en nou, en ka pôté landouille en moin, en ka
pôté landouille en moin».

Et i ka longi pas à-i, messié ! i ja vouè pieds bois.

Compè chien ka bien ten-ne ça i ka di, min compè Macaque pressé et compè Chien essoufflé.

Lhè i vouè Macaque trop loin di-i, i hélé:
«Ka ou di, compè?» Macaque répon-ne: «En ka pôté landouille en moin». Chien bondi, min é la ! longtemps, Macaque ja en pieds bois.

Chien enragé, i ka mandé Macaque pa a-i: «En ké ba-ou li, compè, atten-ne». Pendant ci temps, Macaque mangé landouille la et i voyé peau la pou chien.

Messié Cric !...

Ça faite min-me et si zô couè en ka menti, gadé en chien, dépi ou vouè li sisé si dèiè a-i, i ka gadé en ciel, pensant qui Macaque ké décen-ne on jou pou i pouan pa à landouille à-i à si li.

Tim Tim Bois Sec

Messieurs, Cric ! Crac ! Tant pis pour celui qui tombe dans un bourbier et qui ne connaît pas la manière de se débarbouiller.

Messieurs, Cric !

Savez-vous pourquoi le singe a peur du chien?
Non... Eh bien! je vais vous conter l'histoire.

Compère Chien et compère Macaque, un samedi de paye se rendirent au bourg pour faire des provisions. Ils arrivèrent en retard, il ne restait plus grand chose et firent ensemble l'acquisition d'une andouille.

Compère Chien prit l'andouille pour la porter. Ils grimpèrent la côte en chantonnant. Compère Chien dit tout bas: Je porte notre andouille, je porte mon andouille!

Compère Macaque s'en aperçut et lui dit: Que viens-tu de dire, compère?

Chien répondit: Je porte notre andouille. Cependant de temps
à autre, il disait: «Je porte mon andouille».

Macaque se fâcha, mais ne dit mot : il surveillait son homme.

Tandis qu'ils cheminaient sur la grand'route pavée, dépourvue d'arbres, il laissa le chien porter l'andouille. Le chien est habile sur les grands chemins, vous le savez.

Mais quand il se vit entouré d'arbres, il dit : Compère, vous devez être fatigué, laissez-moi vous aider.

Que voulez-vous: Chien céda.

Macaque se mit à dire : Je porte notre andouille, je porte mon andouille, je porte mon andouille.

Et il hâte le pas, mes amis, à la vue des arbres.

Compère Chien entend parfaitement ce que dit Macaque, mais compère Macaque hâte le pas, alors que compère Chien s'éssouffle.

Quand il vit Macaque trop loin de lui, il se mit à crier: «Que dites-vous compère?»... Macaque répondit: «Je porte mon andouille». Chien bondit, mais il y avait belle lurette que Macaque avait grimpé à un arbre.

Chien, furieux, réclame sa part d'andouille à Macaque: «Je vous la donnerai, attendez».

Pendant ce temps, Macaque mangea l'andouille et envoya la peau au Chien.

Messieurs, Cric !

Cette histoire est vraie et si vous croyez que je mens, regardez un chien quand il est assis sur son arrière-train, il regarde en l'air pensant que Macaque descendra un jour pour qu'il lui reprenne sa part d'andouille.

Roland BOGAT.

  1. Lorsqu’un groupe de Guadeloupéens se réunit autour d’un conteur, ce dernier avant de commencer une histoire, prend la précaution de demander à son auditoire s’il est disposé à l'écouter en prononçant ces mots rituels: «Tim, tim?» et l’auditoire de répondre «Bois sec» (Vas-y, on t’écoute). Autre formule: «Cric !» «Crac !»
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