Le domaine dappartenance des plantes
Plantes du domaine public
Mentha citrata ou menthe épaisse
Il existe en Guadeloupe une capacité didentifier
non seulement les plantes mais les circonstances dutilisation
de ces dernières. Ce savoir relève dune volonté
de répondre (ou de parer) à toutes les situations
qui pourraient contrarier le projet datteindre lobjectif
fixé: la réussite sociale pour soi et les siens. Les
personnes interrogées utilisent le terme pouvoirs des
plantes avec de multiples sens. Pour certains, les plantes
possèdent de par leur contact avec la terre des vertus qui
leur donnent le pouvoir de résoudre des difficultés
physiques et mentales. Pour dautres, les plantes nont
en elles-mêmes aucun pouvoir, ce sont les officiants qui les
chargent dagir de telle ou telle manière sur les personnes,
les choses ou les événements. Dans le premier cas,
le savoir a été largement diffusé, lusage
de la plante est de notoriété publique et aucune initiation
nest nécessaire pour sen servir. Dans le second
cas, les officiants doivent acquérir un savoir-faire par
le biais de linitiation.
La menthe épaisse appartient au premier
groupe, cest-à-dire au domaine public, comme lindique
lentretien qui a été réalisé en
1994 en Guadeloupe avec madame E. B.:
Lorsque ma fille a décidé
de sinstaller avec son ami dans une maison, je me suis disputée
avec elle, car je ne voulais pas quelle sorte de chez moi
non mariée. Jai vite compris que je ne réussirai
pas à les convaincre de se marier. Pour ne pas perdre ma
fille, jai accepté sa mise en ménage. Nous
avons donc attendu que son ami trouve une maison. Lorsquil
a effectué toutes les démarches pour le loyer, alors
je me suis mise en branle. Jai acheté chez la marchande
de feuilles au marché les plantes dont javais besoin
pour nettoyer la maison que ma fille habiterait. Jai pris
du balai doux, de la lavande et de la menthe épaisse3.
Car cest ce quon met pour préparer et parfumer
une maison. Jai écrasé le tout dans de leau
dans laquelle javais préalablement mis quelques gouttes
de lait diris pour que ma fille soit toujours blanche aux
yeux de son mari. Jy ai ajouté du ce que femme
veut (essence de parfum). Jai récuré
la maison dabord avec du grésil et de lalcali
(ammoniaque) pour chasser toutes les mauvaises influences qui
existaient dans cette maison et ce nest quaprès,
que jai utilisé le contenu de mon seau dans lequel
il y avait mon bain composé
Voilà, ce que je dis, cest
quelque chose que ma maman avait fait pour moi aussi, lorsque
je me suis mariée. Maman connaissait lutilisation
des plantes, mais elle nétait pas initiée
pour autant. elle venait de la campagne de Trois Rivières.
Du discours de cette dame, il ressort quil
est de notoriété publique que les maisons doivent
être nettoyées avec des plantes avant den prendre
possession. Et linformation relative aux plantes à
utiliser peut être communiquée par toute personne ayant
tant soit peu conservé un fonctionnement traditionnel et
sans pour cela avoir subi la moindre initiation.
Cet entretien nous amène à quelques
commentaires à propos des notions de savoir-être. Sagissant
du statut de la jeune fille, celle-ci ne pouvait quitter la maison
de sa mère sans être mariée. La mère
avait un sentiment déchec, le mariage était
perçu par elle comme un moyen de promotion sociale. Il est
important de souligner que dans lentretien cité la
fille de E. B. est âgée dune vingtaine dannées
et agit en accord avec la modernité. Quant à E. B.,
son désir de reproduire un modèle quelle connaît,
la pousse à insister auprès de sa fille pour quelle
se marie. La reproduction du schéma traditionnel apparaîtra
cependant dans la préparation de la maison.
Les démarches et actions menées
par E. B. pour la préparation de la maison peuvent faire
penser à un souci de propreté, mais une telle interprétation
ne prend pas en compte la dimension rituélique du bain. En
effet, cette préparation pour la maison est une démarche
qui concerne les croyances des créoles. Préparer la
maison avec un bain, c'est faire en sorte que les vertus des plantes
s'exercent et procurent aux utilisateurs du lieu bien-être
mais aussi protection contre déventuels agresseurs
tant physiques que spirituels. Ici le bain est une référence
implicite à une cosmogonie créole quil serait
bon daborder dans un autre contexte.
Il nest pas possible dignorer la remarque
à propos du lait diris, en effet, pourquoi chercher
à rendre blanche la jeune femme? Lintroduction de cette
couleur renvoie à des représentations particulières
au niveau des couleurs et en particulier au rapport au blanc. Bien
entendu, cette couleur est synonyme de pureté, mais il sagit
bien ici de métaphorisation. La fille lavée avec ce
lait deviendra, de façon métaphorique, blanche, donc
pleine de vertu et dattraction aux yeux de son compagnon.
Il faut noter au passage la symbolique des couleurs. En effet, les
bains de chance sont réalisés avec des fleurs rouges,
couleur représentant la victoire.
Un autre point suscite lattention. Daprès
E. B., lessence de parfum intitulée ce que femme
veut, aurait le pouvoir dobliger le compagnon de sa
fille à céder à cette dernière. Cette
attitude souligne la représentation du mariage ou de la vie
en couple; en effet, la femme est censée obtempérer
aux ordres de son époux, ce quelle fait en apparence;
en réalité, elle met en place des stratégies
qui lui permettent de toujours mener à bien ses entreprises,
tout en donnant à lhomme limpression davoir
tout organisé. A ce propos, les femmes qui évoluent
dans le roman kôd yanm de Raphaël Confiant, et notamment
la femme du héros, sont des cas exemplaires.
Enfin, la conclusion de E. B. tend à montrer
un mode de transmission de savoir lié à lobservation.
Lorsquelle cite sa mère, elle dit quelle la
vu faire, il est donc normal quelle reproduise ce schéma.
Il faut souligner quE. B. habite les grands-fonds de Sainte-Anne,
qui géographiquement constitue une unité loin des
grands axes routiers, particulièrement tournée vers
lagriculture. Malgré une ouverture due à la
pression foncière, les modes de vie demeuraient protégés
à lépoque de lentretien. Il est probable
quaujourdhui la situation a évolué et
que la modernité soit tout à fait installée
dans cette partie des grands-fonds, rendant caduques les représentations,
les conduites de reproduction, et inopérante la transmission
des savoirs en place dans ce groupe social.
Le cas de Mimosa lutea ou Acacia
Voici, à propos de cette plante, une partie
dun entretien qui a été mené en 1992
dans la commune du Moule en Guadeloupe.
En visite dans la maison de M. C. P., il a été
observé au-dessus de la porte dentrée une croix
formée par deux épines dacacia, le tout était
surmonté dun objet de forme allongée ressemblant
à de la corne.
Interrogée sur la présence de cet
étrange assemblage, M. C. P., sage-femme en chef dans un
grand hôpital, nous présenta les faits suivants:
A la suite du décès de mon compagnon
survenu de façon subite et inattendue, jai été
incommodée par limpression dune présence
du décédé jour et nuit. Dérangée
par ces retours intempestifs et ne pouvant obtenir de résultats
satisfaisants par les prières, je décidai de me
déplacer (je me rendis chez un gadèdzafè).
Ce dernier mexpliqua que mon compagnon avait été
empoisonné et nacceptait pas sa propre mort. Sa présence
était une manière de demander de laide, car
lheure de son décès navait pas réellement
sonné. De ce fait, il ne trouvait ni place ni repos.
Le gadèdzafè me proposa alors
de me prémunir contre cette invasion et ces sensations
désagréables qui, disait-il, pouvait entretenir
chez moi une certaine morbidité. Il réalisa donc
pour moi un montage avec des épines dacacia surmonté
dun os de poisson quil vint lui-même poser sur
la porte afin que le mort ne pénètre plus jamais
dans les lieux. Puis il me proposa de placer mon ami afin quil
nerre plus, ce que jai accepté car cétait
le dernier cadeau que je pouvais lui offrir.
Après avoir écouté ce témoignage,
il a été demandé à M. C. P. quel résultat
elle avait observé après la pose du montage. Elle
répondit quelle navait plus jamais été
incommodée.
Il faut noter, à la suite de cette relation,
que le mode opératoire de lacacia na pas été
révélé à M. C. P. Il ny a donc
pas de transmission du savoir. De ce point de vue, lusage
de lacacia relève du domaine des initiés. Il
est utile de noter par ailleurs que la santé mentale des
patients nest pas indifférente au gadèdzafè,
puisquil prend en compte les risques de morbidité quentraîne
la promiscuité avec le monde des morts. La décision
quil prend de placer le mort dénote la
prétention de proposer des solutions non seulement pour les
vivants mais aussi pour les morts. A ce propos, il est remarquable
que la gestion des décédés et de la mort dans
la modernité créole diffère de plus en plus
de celle qui pendant longtemps a eu cours en Guadeloupe.
Enfin, force est de sinterroger sur la pratique
de ce personnel de santé, qui, théoriquement, du fait
de sa formation professionnelle, devrait replacer son trouble dans
le cadre dune pathologie mais qui sengage sur une autre
voie, témoignant dune vision du monde sensiblement
éloignée de la science et du cartésianisme.
Cest précisément cette dernière
considération qui conduira à sinterroger sur
les modes de transmission des savoirs; en effet, si la Guadeloupe
est entrée de plein pied dans la modernité avec tout
ce que cela suppose de moyens techniques, industriels et de diffusion,
comment expliquer que des sondages révèlent que la
population, tout en usant de la modernité, continue à
se tourner vers des référents traditionnels, surtout
en matière de croyance et de plantes, et ce chaque fois que
les modes opératoires de la modernité sont tenus en
échec?
Quelques modes de transmission
La prégnance du modèle européen
a été telle que les référents des créoles
ont été sinon effacés mais souvent disqualifiés.
Cependant, lorsquil y a échec du modèle dominant,
les créoles ont comme dernier recours les modalités
traditionnelles, cest dans un tel contexte que survit et sinscrit
la transmission des savoirs.
En Guadeloupe, il existe plusieurs types de transmission
des savoirs; certains relèvent du domaine public, cest-à-dire
que les pratiques peuvent être menées par nimporte
qui sans quil ny ait une formation particulière
de celui qui agit; dautres savoirs relèvent dun
mode initiatique. Dans le domaine public, il est aisé dobserver,
dune part, la transmission familiale et dautre part,
celle faite par le voisinage. Dans le domaine de linitiation,
on remarque une transmission qui est élective des divers
intermédiaires entre le monde humain et les puissances invisibles:
prêtres, devins, chiropracteurs.
Selon Van Gennep, il existe trois phases dans linitiation:
la séparation, la marginalisation, lagrégation.
La transformation initiatique implique la division du champ social
en un dedans et un dehors.
Transmission familiale
La famille en Guadeloupe est le plus souvent de
type matrifocale. La mère “poto-mitan”
est tentée par un interventionnisme important auprès
de ses enfants, même lorsque ces derniers sont adultes. Il
sagit souvent, du point de vue de la mère, de sauver
des situations. Cest ainsi que pour des maux simples
qui ne relèvent pas du “gadèdzafè”,
elle conseillera à sa fille telle ou telle démarche
usant des plantes dont les pouvoirs sont publiquement connus. Il
est toujours possible à la fille ou au garçon en difficulté
de se tourner vers un oncle, une tante ou un aïeul qui donnera
des recettes pratiques; il y a donc un véritable réseau
de transmission interfamilial. Un tel comportement est plus aisément
observable dans les milieux ruraux. En ville, outre que ce type
de démarche se raréfie à cause de la modernité,
les réseaux familiaux sont plus distendus, et la transmission
est donc moins importante.
Transmission par le voisinage
Au lendemain de labolition de lesclavage,
ainsi que le dit Lawson Body, lémergence à
la socialité, cest-à-dire linvention des
formes élémentaires du collectif, de la communauté
conjugale, parentale, de voisinage, a préalablement exigé
non seulement la rupture avec la condition de réification
et danonymat, mais aussi celle, plus difficile, avec les stratégies
excessivement égocentriques de protection, que les rapports
dexclusion dictaient aux individus dans les ateliers dhabitation.
Cette étape franchie, une progression constante
vers une société autoproductive sétablit,
les anciens esclaves devenus salariés, colons ou petits propriétaires,
à lorée de leur socialisation, gardaient cependant
les traces de savoirs quils avaient acquis sur lhabitation,
ce qui suscita de nouveaux modes de transmission de ces savoirs.
Aujourdhui relativement au mécanisme
de transmission, on observe quoutre la famille installée
de longue date sur des terres, il y a des voisins qui sont eux aussi
en système familial. Certes, il nexiste pas de liens
de parenté entre les deux groupes, mais les deux familles
ayant évoluées côte à côte, nouent
des liens de voisinage, se soutenant mutuellement au moment où
apparaissent des difficultés de tout ordre (accidents, décès,
cyclones, tremblements de terre) mais également participant
à des travaux dagriculture et de construction en commun
lors des convois4.
Cest au cours de ces rapports que seffectue la transmission
des savoirs à propos des plantes relevant du domaine public.
Transmission initiatique
Des enquêtes montrent quil existe
plusieurs types dinitiation liés aux croyances en Guadeloupe
à propos des plantes. Ainsi des personnes prétendent
être initiées par les rêves, dautres par
les morts ou les saints. Enfin des écoles se chargent dapporter
ces initiations. A cela sajoutent les dons héréditaires.
Sagissant des écoles et de linitiation
volontaire, il existe en effet des lieux de formation où
des initiateurs ont pour but de renouveler le groupe des personnes
qui travaillent, qui sont chargées deffectuer
le lien entre le monde des morts ou linvisible et celui des
vivants.
Les rêves peuvent être aussi source
dinitiation, de nombreux témoignages lattestent.
Par ailleurs, Tessonneau confirme lexistence de ce mode dinitiation
et souligne quil suscite dans la communauté un grand
respect. En effet, il y a une sorte délection du récipiendaire
par une transcendance. Ce choix fait de lui un personnage redouté
et respecté et ce dautant quil nest pas
possible de le payer, seules les offrandes sont tolérées.
Ainsi, il fait de ses patients des obligés.
Linitiation par les morts ou par les saints
demeure très proche de celle par le rêve, mais lidentité
du formateur est ici clairement définie. De surcroît,
cette initiation pourra sétendre sur plusieurs jours,
alors quelle est brève et non répétitive
dans le cas du rêve.
Quant au don, il provient de sources fort différentes:
il sagit de la décision de telle ou telle divinité
de faire dune personne un serviteur ou une servante. Selon
les enquêtes, la transmission du savoir par le don, dun
point de vue populaire, relève dun hasard qui peut
être heureux, si lindividu sy soumet ou contrariant,
si lindividu décide de ne pas sy soumettre.
Sans prétendre avoir fait le tour des moyens
de transmission des savoirs à propos des plantes, force est
de constater que leur nombre et leurs modalités (fort diverses)
révèlent une volonté de ne pas laisser disparaître
totalement et définitivement une relation particulière,
fondatrice, avec les plantes et leurs pouvoirs.
Plantes et espaces: signification
Lhistoire de la localisation des plantes
est étroitement liée à celle des lieux dhabitation
des bossales puis des créoles. Il sera fait ici brièvement
allusion à la case et au jardin créole, puis aux plantes
et à leur localisation dans le jardin.
A lépoque des premières arrivées
desclaves en Guadeloupe, des recommandations avaient été
faites aux colons relativement à lentretien de ceux-ci.
Debien tout comme Thoisy mentionnent quobligation est faite,
en 1646, aux maîtres de nourrir leurs esclaves. Dès
1786, le jardin ou lopin de terre concédé à
lesclave afin de se nourrir, est officiellement autorisé.
Les maîtres distribuaient une quantité réduite
de nourriture aux esclaves. En revanche, lesclave disposait
dun jardin dans lequel il cultivait des légumes et
élevait quelques volailles. Larrêté du
22/4/1803 concernait la nourriture des esclaves. La pratique du
jardin y fut officiellement rétablie: un douzième
de carreau pour chaque individu, pour être cultivé
en vivres et en légumes à son usage.
Les esclaves titulaires de cet espace, laménageront.
Bien que les lopins de terre et les cases nappartenaient en
aucun cas aux esclaves, cétait un espace où
ils mettaient en uvre (malgré les interdits) leur représentation
du monde, leurs coutumes et leurs rites.
Il est important de distinguer deux lieux fort
différents: dune part, un espace en campagne, jaden
(jardin) où les esclaves cultivaient les ignames, le manioc
et autres tubercules nécessitant des travaux du sol conséquents,
et dautre part les quartiers dhabitation où un
espace autour de la case était alloué à lesclave
(jaden bò kaz). Un chemin divisait cet espace en
deux: ainsi, les cases se faisaient face de part et dautre
du chemin central.
On peut observer à travers les descriptions
littéraires de quartiers, relatives à la période
entre 1848 et 1950, chez Zobel ou Schwartz-Bart, lagencement
de terres précédant la case ou lentourant. La
construction était souvent posée sur des pierres et,
au lendemain de 1848, elle resta en létat. Avec lapparition
d'une main duvre salariée, de nouveaux rapports
marchands naquirent, ainsi quune nouvelle socialisation. Les
plantes dans cette conjoncture, entreront dans des rapports marchands.
Mais pendant et après lesclavage, les végétaux
auront en outre des fonctions de balises spatiales,
avec des signifiés que leur assigneront les esclaves puis
les libres.
Des informations relatives à lespace
et à la localisation des plantes ont été recueillies
lors dentretiens avec une informatrice de Morne-à-leau,
et avec une autre de Basse-Terre.
Sagissant des jardins entourant la case,
marquant la limite avec la route ou la parcelle voisine, on pouvait
trouver limmortel ou larbre borne,
au-delà duquel il valait mieux ne pas saventurer car
il marque un territoire. Aujourdhui, il arrive que cet arbre
soit au cur de litiges à propos du parcellaire. Selon
linformatrice de Morne-à-leau, son rôle
est également celui de protection. Servant de haie ou de
barrière, des épineux: raquettes plates
ou cierges (plantes xérophiles).
Toujours dans lespace autour de la case,
on trouvait une bande de terre vide. Selon les régions, cette
bande servait à enterrer les morts. Ces espaces étaient
souvent matérialisés au sol par des coquillages provenant
du lambi. On trouve aujourdhui des exemples de cette disposition
à Néré (Abymes) et dans les grands-fonds de
Morne-à-leau. ces pratiques ont rapidement disparu
avec laccession à une concession au cimetière
et en raison des pressions juridiques et administratives. Plus tard,
cet espace fut consacré à la décoration avec
des plantes ornementales.
Derrière la case, on trouvera des cultures
vivrières légères (malanga, patate) puis quelques
arbustes de rapport (pois dangole, pois savon). Des plantes
aromatiques (persil, cives, thym, piment, citronnier) sont installées
sur le même espace.
Dans certaines régions, sur le côté
de la case on trouvait des petites plantations de “zépiante”5,
café, tabac, et arachide. Toujours sur les côtés,
(en fonction de lorientation de la case), les plantes médicinales
et à usage magique étaient installées.
Dautres plantes étaient disposées
de façon stratégique par rapport à la maison
et à son entrée principale, par exemple la lavande
rouge, une touffe de canne, et une plante à piquants dans
un coin. Plus fort que lhomme6,
le sang-dragon et le pied de six heures
étaient placés stratégiquement dans la cour,
afin de baliser des espaces particuliers qui seront autant de défenses
avant datteindre la case et ses occupants. Ces deux plantes
sont censées détourner les esprits. Certaines plantes
devaient respecter une distance par rapport à la case, à
cause du symbolisme attaché à ces végétaux.
Ce jardin qui entoure la case présente donc
des plantes qui auront pour but de marquer les bornes de la propriété,
de défendre les habitants contre les esprits, contre les
mauvais voisins; certaines plantes sont encore chargées de
satisfaire des besoins spécifiques (chance, argent, amour)
et selon les informateurs, chaque plante entre dans la composition
dun bain.
Ainsi, lespace est marqué et délimité
par des plantes qui sont censées avoir des pouvoirs et qui,
par leur simple présence en un lieu, permettra à un
regard averti de déduire de ses observations, des conduites
à tenir vis-à-vis des plantes et des habitants de
lespace en question.
En conclusion, il est possible daffirmer
que dans la communauté guadeloupéenne il existe autour
de quelques plantes, des savoirs. Des modes de transmission se perpétuent,
dautres se créent. Loin de disparaître totalement,
des savoirs demeurent (même altérés) malgré
la modernité. Enfin, les plantes, par leur seule présence
dans un espace, sont signifiantes.
En raison dun syncrétisme religieux
et magique ancré dans les esprits depuis la période
esclavagiste, en raison dune pluralité de modèles,
les Guadeloupéens sont, en fonction de leurs urgences et
de leurs besoins, en phase avec la raison scientifique ou en phase
avec leurs croyances particulières, alternativement ou, parfois
même, en même temps.
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