Inquiétitudes sur l'avenir de l'enseignement du créole à l'école

Une réunion d'urgence s'impose  

Le Quotidien de la Réunion - Jeudi 9.9.2004
   

«Il y a un réel danger», affirme d'emblée Mickaét Crochet du Mouvement pour le respect de l'identité culturelle réunionnaise (MRICR), qui s'est joint à huit autres organisations, essentiellement de parents d'élèves, dans le collectif Pangar (attention) pour tirer la sonnette d'alarme sur l'enseignement de la langue et de la culture créole au premier degré.

En fait, c'est la position donnée par le recteur Christian Merlin sur ce thème lors des deux dernières réunions du conseil académique qui a fait réagir le collectif. «On a été choqués d'entendre le recteur expliquer qu'il n'y avait pas assez de demande sociale pour cet enseignement. Ce qui est en parfaite contradiction avec ce qu'il avait dit lors d'une rencontre en avril, à savoir que c'était dans l'intérêt des élèves réunionnais.»


Michaël Crochet évoque egalement le plan de développement de la langue et de la culture réunionnaise qui avait en 2001 fait l'unanimité au sein des membres de ce même conseil et qui devait stimulé l'enseignement de la langue et de la culture créole dans les établissements scolaires. «Prendre en considération l'identité du marmaille est incontournable. Ce plan prévoyait entre autres d'utiliser le créole pour l'accueil des plus petits et d'assurer à terme l'enseignement en créole et non plus du créole... Ce n'est pas un simple document de travail.»

Ne pas se fonder sur la demande sociale

Pangar dénonce un manque de continuité dans la politique éducative. «Est ce que monsieur le Recteur a un double langage?» Le collectif souhaiterait que ce plan soit intégré dans le projet académique 2004-2007 du recteur.

Pour qu'il y ait une demande des élèves auprès de leur établissement, encore faut-il qu'il y ait une promotion de la langue créole et qu'on arrête de la présenter à travers des clichés. «C'est à l'état que revient le rôle de promouvoir cet enseignement pour lutter contre l'intoxication et le matraquage de lobbies anti-réunionnais qui répètent que le créole n'est pas une langue», estime Hervé Lauret du FCPE Réunion.

Le collectif Pangar souhaiterait également que la dynamique autour du projet de création d'une cellule d'experts chargée de réaliser un diagnostic sur le contexte local soit relancée. Ces associations demandent à ce qu'une réunion d'urgence soit organsée avant la fin septembre avec tous les acteurs concernés.

«L'utilisation et l'enseignement du créole doit être perçue comme une passerelle vers l'apprentissage d'autres langues. De plus, le créole ne se limite pas à la graphie ou l'emploi du k ou du w, c'est bien plus que ça. C'est toute une culture qu'il ne faut pas négliger», remarque Jismy Ramoudou de l'Association des parents des écoles, lycées, collèges autonomes (Apelca).

Pour sa part, Nicole Bigot, professeur de langue et culture régionale, souligne que 95% des marmailles scolarisés sont créolophones et que pour cette rentrée, il n'existe aucun enseignement du créole au premier degré. On compte actuellement treize professeurs titulaires du CAPES créole. L'année dernière, 278 élèves ont choisi l'option LCR dans quatre lycées et six collèges de l'île. «On a l'impression d'être confrontés à un éternel recommencement avec à chaque fois des propositions qui restent théoriques et qui peinent à se concrétiser», conclut Mickaël Crochet.

C.R