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Le Jardin créole - Janvier 2022

Le Manioc et le Kamanioc, Manihot esculenta

Hector Poullet

Manihot esculenta. Photo Francesca Palli.

Les racines de manioc sont à n’en pas douter la plus belle métaphore de l’Amour.

Combien de temps les Amérindiens ont-ils mis pour faire d’une plante des plus toxiques, une manne capable de nourrir toutes les tribus d’Amazonie?

Une plante qu’on peut facilement reproduire par bouturage de nœuds et dont les racines peuvent être récoltées au bout de quelques mois.

Dans toutes les parties du Manioc, des feuilles aux racines, on trouve des taux importants d’acide cyanhydrique, mais également une grande quantité de fécule. Comment récupérer cette fécule, et la consommer sans s’empoisonner ? Un vrai défi !

Il existe bien une variété de manioc, le Kamanioc ou manioc doux, avec très peu d’acide cyanhydrique, directement consommable, mais cette variété est moins répandue.

Pour le manioc amer:

  • Récolter les racines, les gratter, les laisser à rouir quelques heures dans l’eau.
     
  • Les râper (les Kalinas utilisaient des coraux en guise de râpe).
     
  • Presser la pulpe obtenue pour extraire le lait avec la couleuvre.
     
  • Laisser reposer ce liquide afin que se dépose la fécule, jeter le surnageant qui contient la toxine.
     
  • Rajouter de l’eau et de nouveau laisser déposer la fécule, recommencer deux ou trois fois.
     
  • Laisser sécher cette fécule pour obtenir une substance pulvérulente, blanche que les premiers colons castillants ont baptisé  «enfant du manioc» dit muchacho qui en français devient moussache.
     
  • D’autre part la pulpe, après tamisage sur l’hébichet, cuite à feu doux, sans cesse remuée avec la carette  sur la platine, permet d’obtenir la farine. Cette farine complètement déshydratée peut se conserver pendant plusieurs mois sans moisir ni absorber l’humidité de l’air.

Sèchage sur une platine chauffée par une chaudière;
la spatule en bois sert à travailler la fécule et à la retourner. Photos Francesca Palli.

Un mélange de farine et de moussache forme une pâte qui, cuite à feu vif, permet de faire des galettes: les cassaves. 

Il faut savoir que la fécule ou moussache est constituée de grains d’amidon dont les molécules sont des chaines de glucose. Les Amérindiens, selon les dires des premiers voyageurs, faisaient mâcher une bouchée de manioc par une «vieille sans dents», bouchée qu’elle recrachait ensuite dans un baquet rempli d’un mélange d’eau et de fécule. Après une journée ce mélange se mettait à mousser pour donner une boisson, le  ouicou, avec laquelle tout le village s’enivrait au cours de fêtes qui duraient plusieurs jours. Cette pratique, qui semble si peu hygiénique, s’avère au contraire, non seulement parfaitement réfléchie, mais également efficace: la vieille sans dents n’avait que des gencives avec le moins de bactéries possible, mais sa salive avait des amylases qui coupaient les chaines amylcées en glucose, afin que les levures commencent la fermentation alcoolique! Aujourd’hui encore l’expression moun a vikou désigne ces gens qui font la banboche sans papa ni maman.

Le manioc de nos jours a gagné toutes les zones tropicales, au point qu’en Afrique de l’Ouest il est devenu une culture essentielle. En Côte d’Ivoire on en fait l’atiéké, au Benin le gari. Au niveau international  le manioc s’exporte sous le nom de tapioca.
      

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 Viré monté