Kébek

La société québécoise d'hier s'imposait
celle d'aujourd'hui s'y oppose
advienne que pourra de l'avenir

Monsieur Yves Placide
Intervenant en psychosocial

Deux entrevues sur les thèmes :
L'agressivité et la violence
L'adolescence l'identité des jeunes et le rôle des parents

Marie Flore DOMOND
 

Lac Labelle

Lac Labelle, Québèc. Photo Hervé Saint-Amand, Montréal.

Les méthodes d'éducation servent surtout à influencer le développement de la personnalité. Conséquemment, dans le domaine de la psychologie sociale, les pédagogues accentuent leurs observations sur l'environnement: le milieu où sont impliqués les proches en tenant compte de la société dans laquelle les individus cibles évoluent. Les cas d'agressivité, de violence physique et psychologique ainsi que la délinquance font parties des fléaux de l'échelle planétaire, et le Québec ne fait pas exception. Pour approfondir les sujets, un intervenant en psychosocial a bien voulu nous faire part de son avis. Monsieur Yves Placide a obtenu un baccalauréat en psychosociologie.

Le problème de la délinquance est-il au premier degré un manque évident de civisme considérant que l'éducation d'un enfant se fait à partir de 5 ans ?

Parlant de délinquance, il semble au premier abord être un problème de civisme, mais c'est beaucoup plus profond que ça. Il faut remonter bien au-delà des années 50 pour voir l'éclosion du phénomène de gangs au États-unis avec le trafic d'alcool, de drogue, ainsi que les clans de motards. Maintenant ce phénomène semble être répandu un peu partout. Il n'y a pas si longtemps, le climat social était plus sain, à cause du sentiment humaniste qui régnait, très peu de crainte et de peur, il y avait une paix et une sérénité. Aujourd'hui les ``patterns`` ont changé, ainsi que les mœurs, et les rapaces guettent les enfants mal informés pour faire d'eux les leurs. Aujourd'hui, il faut composer avec tous ces éléments, et espérer.

Il y a un fait observable, partout où le modèle américain s'est installé, on remarque une montée de délinquance et de gangstérisme. Prenons Haïti avant que la télévision soit devenue chose courante, il y avait peu de délinquance et de gang. Aujourd'hui, la population semble avoir accepté qu'il faut posséder une arme pour se protéger; bien sûr, il a y d'autres enjeux problématiques qui corroborent avec l'aspect politique qui crée ce climat. Mais il reste que ce sentiment d'insécurité est partagé et que la majorité imite ce geste de possession d'armes, car le terrain est préparé pour passer à ce stade.

Cependant, dans le contexte social actuel, cette génération a aussi un manque de civisme, une façon de faire qui pourrait à la limite être un des effets de la délinquance. Les jeunes sont en premier lieu le produit de leurs parents et de leur environnement. Mais dans tout ce tohu-bohu il reste que l'enfant, par l'expérimentation, doit forger et former sa propre personnalité, et son caractère, rien n'est coulé dans le béton, mais, il ne pourra sortir du cadre de son éducation et de son environnement.

Dès l'âge de 5 ans, l'enfant devrait déjà accumuler les frustrations ou les aspects positifs qui feront de lui ce qu'il deviendrait, car son inconscient garderait tout ce que sa volonté de personne mûre ne pourra abattre. Il sera appelé et réagira toute sa vie avec les données non conscientes qu'il garde en mémoire; et ces données seront les causes de plusieurs comportements non désirés ou désirés. Certains aiment lire ou écrire, ou se promener le soir, ou aimer ou détester l'eau sans savoir pourquoi, cependant il y a un lien (psychanalytique) avec son inconscient dans le contexte global de ses comportements. Un mot, une action, la déception d'un être cher, peut avoir des répercussions.

Un exemple, un ami qui dès sa naissance a été délaissé par son père, sa mère était le seul soutien de la famille et travaille d'arrache-pied pour donner le meilleur à ses enfants. Le fils adore et respecte sa mère pour tout ce qu'elle a enduré pour l'éduquer, mais déteste parler de son père. Rendu adulte, cet homme est âgé de 43 ans, sa mère vit encore seule et le protège comme s'il était un adolescent. Mais cet homme n'arrive pas à construire d'une manière équilibrée sa vie. Il passe d'une femme à une autre après la naissance d'un enfant. Il se venge d'une manière inconsciente sur les femmes qu'il rencontre.  Son comportement est une réponse agressive pour venger les souffrances de sa mère (qui se résume à cette phrase: si ma mère n'a pas pu être heureuse, pourquoi vous). Il a déjà passé en moins d'un an quatre femmes connues, chacune d'entre elle a eu un enfant de lui. C'est ici, le schéma classique d'un refoulement.

Alors en ce sens certains enfants peuvent être la cible d'une frustration qui modèlera inconsciemment dans l'inconscient les semences d'une forme de manque de civisme ou de délinquance. Mais rendu adulte ou jeune adulte, l'enfant s'il est conscient de ce désordre et accepte que cette frustration soit réelle et présente, par sa volonté, peut se battre contre ce désordre qui veut lui dicter sa voix. Quand cela arrive, il fera le contraire de tout ce qu'il est conscient d'avoir subi; un enfant qui a vu son père frapper sa mère, peut jurer de ne jamais frapper une femme de sa vie… mais s'il n'est pas conscient de cette blessure, ou s'il a oublié, étant trop jeune lors de ce méfait pour se rappeler, répétera ce geste. La majorité des humains se laissent mener et guider par ce lien inconscient qu'est l'inconscient. De ce fait, ils sont très souvent le produit de leurs parents et de leur environnement. Tel père, tel fils!

Mais la volonté est le seul moteur pouvant aider l'être conscient de ses frustrations. Il faut aussi souligner que le développement des facultés de l'homme ne s'arrête pas après l'âge de 5 ans, ni n'est complet, cependant il a emmagasiné assez pour qu'il puisse avoir des répercussions tout au long de sa vie. L'individu peut modifier ou s'adapter à n'importe quel moment de sa vie selon les expériences et son environnement, mais on ne peut changer sa carapace mentale.

Quelle est votre perception sur les parents qui élèvent leurs enfants à l'aide des fessées, de menaces ou des retraits de privilèges?

Vous savez les pulsions sociétales qui gouvernent notre monde battent au rythme des traditions contemporaines. Et la tradition du côté de l'éducation avait pour coutume: punitions (fessées, menaces) et récompenses (félicitation, récompense) dans la manière d'élever un enfant, encore cette tradition fait foi et loi dans bien des foyers.

Aujourd'hui on parle de Modernité, cette modernité se veut être le modèle presque parfait qui doit gouverner le monde, c'est à dire refaire tout ce qu'on pense qui a été mal fait pour repartir du bon pied. Certaines théories, certaines croyances et même la manière d'élever un enfant ont été repensées. Il n'y a pas si longtemps, les femmes, les noirs et les enfants n'avaient aucun droit. Les femmes et les noirs se battent encore pour sortir du tunnel. Mais les enfants ne peuvent se prononcer car la majorité des parents ne leur accordent pas une importance en tant que personne qui peut demander, exiger.

La croyance contemporaine exigeait que l'enfant, le noir ou la femme obéisse. Cela se faisait jusqu'à une certaine époque, car il n'y avait aucune contrainte sociale à ces égards, c'était la norme. Il y a à peine 50 ans, il était facile d'élever des enfants.

De nos jours, les enfants ne sont plus pareils, car le contexte social est différent et nous, nous évoluons, mais en gardant cette carapace contemporaine, cette tradition qui nous enchaîne.

Le code n'est plus le même. Ce choc intergénérationnel dans la communication, dans la perception, dans les mœurs, dans les normes et dans les rôles crée une cassure dans la réalité, et quand les enfants n'obéissent pas, certains parents voient le spectre de la défaite éducationnelle et pour corriger cette situation font appel aux méthodes rapides connues: menaces, fessées. Ces méthodes ne sont pas les meilleures, car elles laissent des séquelles, et créent des pulsions frustrantes et de nature violente.

L'obéissance obtenue est forcée, et sans une vraie compréhension de la part de l'enfant; une saine communication est prônée de la part des intervenants modernes en matière d'éducation. Donc, je suis contre les menaces et les fessées répétitives et sans retenue, et j'appuie les retraits de privilèges qui bien dosés permettent de faire réfléchir l'enfant sur les raisons de ce geste du parent par rapport à la chose reprochée.

La plupart des parents utilisent, d'autre part, le raisonnement pour amener leur progéniture à l'obéissance. Pensez-vous c'est la méthode idéale?

Parlant de raisonnement, on fait référence à la communication. La communication saine est à mon avis l'une des méthodes pour éduquer son enfant et obtenir son obéissance et cela l'amène à réfléchir, à raisonner et à avoir une bonne rhétorique. Un enfant est un tout complexe, capable d'avoir des sentiments, capable d'éprouver des besoins et surtout de les exprimer. Si certains de ces besoins ne sont pas comblés, l'enfant portera des séquelles que des psychologues nomment troubles de comportement. Si l'enfant n'apprend pas à obéir à la maison, il aura du mal à le faire à l'école. Les habitudes se créent à la maison.

Dans les écoles, il y des grilles qui dictent la capacité d'agir, de compréhension. Un enfant qui a peur de s'exprimer, qui ne répond pas à un commandement, un ordre, est un signe pour certains intervenants; un enfant qui ne peut regarder son prof quand il s'exprime en est un autre. Un enfant qui ronge ses ongles, qui n'est pas attentif, qui ne peut se concentrer, qui manifeste de la peur ou qui tremble laisse les intervenants perplexes, à savoir le fonctionnement à la maison comporte un risque et que son développement pourrait être compromis.

Le simple fait de ne pas savoir obéir ou répondre à un ordre est en soi un trouble pour les intervenants, alors l'éducation par le raisonnement est en soi la méthode par excellence.

Il reste que certains chercheurs croient qu'en jouant sur les sentiments ou en retirant son approbation et l'affection, l'enfant est porté à se former une conscience rigide et à être victime de son sentiment de culpabilité. Qu'en dites vous? N'est-ce pas le résultat éventuel des femmes sans défense ou soumises?

La science de l'homme, malgré tous le progrès fait en ce sens est encore à sa genèse, et je pense sincèrement qu'elle le restera, aussi longtemps que la structure de nos savoirs n'est pas complètement démantelée. Nous sommes le fruit de nos savoirs, et nous transmettons ce que nous savons à nos enfants. J'aime à dire que l'homme est ce qu'il sait, et ce que nous savons de nous est tellement mince qu'il est difficile de parler du savoir vrai. Mais les théories et hypothèses sont nombreuses et sont enseignées dans nos universités.

L'homme a besoin de modèle pour imiter, et les besoins doivent être comblés. L'un des besoins le plus naturel est le besoin d'affection, ou d'être estimé. Quand un enfant ne peut combler ses besoins, il vit en retrait et se crée un monde imaginaire. Dans son monde, il est le seul à punir ou à donner des récompenses. Il arrive que certains se vengent dans leur monde sur ceux qui dans la vraie vie ne leur portent pas attention. La majorité des crimes despotiques ont souvent été commis par des hommes ayant ce profil.

Cependant, les femmes en général n'ont pas toutes été élevées sans affection ou approbation. Mais elles ont reçu une éducation d'exclusion dans les affaires du monde, car telle était la tradition, une éducation d'acceptation, d'obéissance et de soumission aux hommes. Dans certains pays, cela tend à changer depuis le mouvement féministe.

Mais la femme a toujours eu de l'affection de ses parents dans le modèle éducationnel contemporain, même si elle était sous estimée par rapport aux hommes. La femme a toujours été l'instrument de l'éducation, comment pourrait-elle transmettre ce joyaux qu‘est l'affection à ses descendants, même si le modèle masculin était fort présent. La société matriarcale a dominé assez longtemps pour prouver le contraire.

Parlons maintenant des attitudes à risques élevés de certains parents. Ceux qui sont irritables, désapprobateurs, nerveux entraînent aussi de nombreux problèmes de comportements chez leurs enfants. Les conséquences sont parfois graves. Ils se retrouvent avec des enfants agressifs et violents. Pouvez-vous établir la différence entre l'agressivité et la violence?

Faisons le point sur la compétence parentale, il n'y a pas de parents parfaits, comme il n'y a pas de modèle parfait pour élever un enfant. Cependant, les parents agissent pour donner la meilleure éducation qu'ils sont capables de donner, ce qui ne veut pas dire que c'est la bonne. Nous sommes le fruit du passé et nous transmettons nos apprentissages. «Connais-toi, toi-même» tel était le cri des philosophes grecs, et tel est encore le chemin qui devrait nous permettre de maîtriser notre vie et de nous diriger vers le logos de notre intrinsèque personnage pour notre plus grand épanouissement, ce qui est l'un des buts de notre existence.

L'agressivité est un comportement inné chez l'homme; c'est par elle que l'homme a pu survivre au temps où la chasse et le combat perpétuel avec les animaux de la terre étaient la norme et bien sûr suivait une violence nécessaire et justifiée pour se protéger contre les animaux. Certains psychologues sociaux associent l'agressivité à la violence. De nos jours il y a une forme gratuite et non justifiée qui se fait jour dans les deux termes.

L'Homme est doté dès sa naissance de deux pulsions fondamentales (Freud), l'une dirigée vers le plaisir ou pôle positif (Éros), l'autre vers la mort et la destruction, pôle négatif (Thanatos). La plupart des psychologues sociaux disent que «l'agressivité est un comportement visant la production des résultats négatifs», et j'ajouterai pour le propre bénéfice de l'homme.

Cependant la violence est très souvent accompagnée d'agressivité et d'une volonté de faire mal, comme une action de tuerie préméditée.

Autres que ces comportements parentaux précités, l'agressivité peut être renforcée par la frustration de l'attention négative, le résultat des reproches successifs. Pouvez-vous nous parler du modèle agressif masculin et du modèle agressif féminin?

De tous les temps et encore aujourd'hui, l'éducation des filles se faisait avec les poupées et des conseils de soumission, comme le respect de son mari, tu es une femme tu ne peux pas faire ceci ou cela, qu'est-ce que les gens vont penser de toi? Lui, il est un homme, c'est différent…..

Ainsi, l'instinct d'agressivité était lettre morte chez la femme contemporaine. Au court de la deuxième Grande Guerre, vu que les hommes étaient absents du foyer, et que les entreprises ne fonctionnaient pas à pleine capacité, les entreprises n'avaient pas le choix, car il fallait produire, ont faite appel aux femmes. Ce qui était le premier grand pas de la femme pour son épanouissement et de la place qu'elle désire occupée. Beaucoup des incapacités associées aux femmes venaient d'être enterrées, car la production n'était pas inférieure à ce que faisait les hommes; toute la machinerie lourde était dirigée et contrôlée par des femmes.

Elles venaient de prendre conscience, ainsi que les hommes, de leur capacité et de leur force. Après la deuxième Grande Guerre le Mouvement féministe éclata. Ce mouvement est une réaction des femmes exigeant une égalité dans toutes choses comparativement aux hommes. Et depuis le combat continu avec agressivité; plusieurs branches de ce mouvement furent créées, allant jusqu'à la dénaturation des rôles préétablis et des normes qui fixent et gouvernent.

C'est avec ce mouvement portant des objectifs différents de ceux préétablis dans leur mentalité de femme de foyer et de plaisir que l'instinct d'agressivité des femmes a pu renaître. Regroupement des femmes un peu partout, dans la politique, cours de karaté pour se défendre. Et un peu plus tard, on les retrouvait dans les gangs, aujourd'hui il y a des associations pour hommes battus.

Le rejet du modèle féminin, faisant de la femme un objet de service est ou presque complètement éliminé dans la conscience collective, cependant dans certains secteurs, l'agressivité des femmes se heurte à l'agressivité des hommes qui veulent encore protéger leur patelin. Au point de vue de salaire, les femmes vivent encore cette frustration car elles n'arrivent pas encore à éliminer cette barrière vers l'égalité qui leur permettra de dominer autant que les hommes.

Il fut un temps ou les femmes étaient mises au rancart, parlant d'agressivité et de violence, aujourd'hui ces données ne tiennent plus. Même si elles n'arrivent pas encore, statistiquement parlant, à faire aussi mal que les hommes, côté violence, ce que personne ne souhaite.

Le fait que les femmes ont pris conscience de leur état, de leur capacité et de l'éducation reçue, elles ont renversé la vapeur et ont fait le contraire de tout ce que la société pensait qu'elles étaient incapables.

Dans nos universités, aujourd'hui les femmes sont les plus agressives et dans presque tous les domaines à l'exception de l'informatique. Les classes sont remplies à 70% de femmes, et les hommes décrochent plus que jamais dans les écoles tant au niveau primaire qu'au secondaire. Il est fort probable que les femmes gèrent les affaires du monde dans très peu de temps. Alors, il est presque assuré la victoire de la femme sur ces inégalités dans certains pays du monde.

Au Québec, les parents qui reçoivent des prestations d'allocation familiale bénéficient souvent des conseils insérés dans l'enveloppe. C'est une initiative du comité de Protection de la Jeunesse. Ne pensez-vous pas que par voie orale cela aurait plus d'impact sur les parents?

Cela dépend de l'information et de certains parents. De manière orale, cela impliquerait des convocations, durant les jours et les heures de travail, ou tout simplement une séance d'information ou des appels téléphoniques, donc cela nécessiterait plus d'agents-es d'information. Bien sûr, avec tout ça, il y aura plus d'impact que des conseils insérés dans une enveloppe.

La télévision est-elle un instrument à contrôler considérant qu'elle représente une expérience visuelle de violence et de comportements violents?

Oui, ce serait préférable qu'il y ait un contrôle, même sévère, sur certains films diffusés, tant de la part des parents aussi bien que des télédiffuseurs, car il y a une imitation certaine des comportements vus, appris et conditionnés. On y retrouve souvent le modèle américain: sexualité, drogue et violence.

Dans la perspective de la lutte des territoires entre les gangs de rue, peut-on considérer les actions posées comme une carence de savoir- vivre ou la conséquence de l'exclusion?

Je dirai plutôt une conséquence de l'exclusion et cette exclusion se vit et apparaît comme un manque de savoir-vivre. Quand le modèle immigrant possédant diplôme et compétence se retrouve comme chauffeur de taxi ou autre, certains enfants se trouvent découragés par le manque d'ouverture du système et décroche avant l'obtention du DEP et machinalement peuvent être récupérés par les gangs de rue. Cet exemple ou explication n'est pas l'apanage de tout jeune qui décroche ou qui voit les difficultés de leurs parents instruits. Il reste que, quand une minorité est exclue dans les sphères de la stratification de sa société, ceux qui sont plus ou moins disposés à la délinquance posent des actions qui ont un caractère de vengeance ou de revendication ou voire d'appel à l'aide.

Appréhendez-vous un mouvement revendicateur provenant des néo-québécois dans un avenir prochain? Si oui, comment figurez-vous ce choc culturel?

Le Québec actuel est en pleine mutation. L'on retrouve, chez les québécois-es dits de souche, des familles de deux enfants et même moins, ce qui ne fait que remplacer les grand-parents et cette stabilité démographique dure depuis près de quarante ans. L'avènement des femmes sur le marché du travail, le mouvement féministe avec ses interprétations vis à vis des hommes sur les droits et les devoirs familiaux, n'ont pas aidé, car ces derniers n'étant pas préparés à faire tant de concession dans leur éducation contemporaine, le taux du divorce est alarmant. Alors que chez les immigrants, l'habitude familiale est très peu changée, coté culturel, et les familles se composent pour la plupart de 3 à 5 enfants ou plus par famille, et le taux du divorce est très peu élevé.

Alors il est inévitable, si la fermeture du système à donner une place aux néo-québécois perdure, la revendication qui se fait déjà dans les assemblées, les corridors, est appelée à prendre de l'ampleur; le Néo-québécois exigera du système sa place, car il est québécois à part entière.

La délinquance ne se manifeste plus de la même façon. A présent, elle peut provenir de haut lieu. Ce qui revient à dire que l'instruction ne garantit plus l'action de l'honnête citoyen. Ne pensez-vous pas qu'il serait tant de changer l'appellation du Ministère de l'Éducation pour le Ministère de l'Instruction?

L'action délinquante ne venait pas seulement et nécessairement des milieux pauvres; certaines actions du mouvement syndicale sont des actions délinquantes; Robin des Bois, Bill Clinton peuvent être vus comme étant des délinquants. Toutes actions hors loi et hors normes sont considérées comme des actions délinquantes.

Quant à changer l'appellation du Ministère de l'Éducation pour le Ministère de l'Instruction, ce serait plus conforme à la réalité, quand on sait que l'école à pour but d'instruire nos enfants et que les parents ont pour mission de bien éduquer les enfants.

Quand on comprend la structure de l'homme, son mode d'apprentissage et le conditionnement duquel il est le résultat, il est plus ou moins facile de comprendre son agir et son comportement. En Haïti, la force physique et la force des armes ont presque toujours fait force de loi. La loi en tant que Constitution n'a jamais été vraiment respectée y compris le droit des personnes. Quel est votre avis à ce sujet?

La Démocratie ne se vit pas dans les théories, mais dans les comportements individuels et collectifs. Cet apprentissage est à sa genèse en Haïti et l'interprétation que les habitants en font se trouve désencadrée au terme exact du mot. Cependant c'est ce désencadrement qui forme l'encadrement actuel, alors il faut sortir du cadre, avoir une autre forme de désencadrement pour se réajuster; cela doit se faire par la formation et l'information et la capacité du pays de répondre au besoin de ce nouvel encadrement.

L'étape cruciale de l'adolescence
Les principaux soucis parentaux
Les analyses des gardiens de la santé mentale

Entrevue sur les thèmes:

L'adolescence :
l'identité des jeunes et le rôle des parents

  par Marie Flore Domond

Tadoussac

Tadoussac, Québèc. Photo Hervé Saint-Amand, Montréal.

Par expérience, la plupart des parents redoutent l'étape cruciale de la personnalité et du développement de leur progéniture entre 12 et 18 ans; tandis que les gardiens de la santé mentale ne sont pas tous unanimes quant à leur perception théorique sur l'adolescence afin d'évaluer avec précision le sens de la recherche de l'identité. Au cours du second entretien, le psychologue Yves Placide, témoignera de l'engagement idéologique des jeunes et de leur ambivalence.

À l'adolescence les jeunes atteignent une période propice à l'idéalisme. Cette étape de transition les interpelle à transformer le monde. À votre avis, la nouvelle génération s'y prend-elle de la bonne façon?

À mon avis, il n'y a pas vraiment de bonne façon. Les humains agissent par vague de comportements, imitation ou conditionnement. Cette génération de jeunes n'y échappe pas. L'adolescent, il est vrai, vit ses idées conceptrices du monde vers cette période critique que l'on appelle la crise d'adolescence. C'est une étape très intense au niveau cognitif, où des idées innovatrices chargées d'émotions les perturbent et les interpellent à l'actualisation de soi ou du monde ou de leur environnement. La plupart du temps, quand les moyens le permettent, certains jeunes innovent par leurs idées et arrivent, tout en bousculant la plupart des idées prémisses et fondatrices de certaines société, à faire naître une nouvelle philosophie de vie.

Cette étape de l'évolution humaine est fondamentale pour l'évolution de la planète et pour ceux et celles qui les théorisent, car elle vient souvent bouleverser nos habitudes, nous arracher de notre narcissisme intellectuel et déranger notre ego à travers son idéal. Cependant, malgré cette croyance dans leur idéal, dans leur théorie matricielle du nouvel âge, ou du temps moderne, ils sont appelés à faire autrement les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs, même s'ils sont mieux outillés que les anciens, car la science du connu ou du savoir est infini, aussitôt qu'on pense savoir, on découvre qu'on ne sait rien.

Les adolescents d'aujourd'hui ont tout le bagage du présent pour en faire une synthèse et créer leur propre idéal du monde. Cependant, le rejet dont ils font montre de la moralité et de L'Église effraie un peu, car c'est sur ses piliers que notre société est construite. Car, dans l'art Idéalisme, rien n'est vrai, rien n'est faux, du bien et du mal. Néanmoins notre société respire d'après le concept du vrai et du faux, du bien et du mal. Quand on y déroge, il semblerait qu'on est dans le faux ou le vrai, ou le bien et le mal. De la vient la notion de liberté.

Déroger aux normes établies parce qu'on est libre, est-ce cela la liberté inconditionnelle? Et sans les normes, on serait très loin de la liberté inconditionnelle, car il n'y aurait rien à déroger, donc absence de choix, parce que c'est le pouvoir de choisir qui rend libre. Et c'est cette étape de choisir librement, cette liberté que la majorité des jeunes se donnent en faisant fi des normes et c'est ce qui fait choc dans l'idéalisme jeune versus adulte dans le devenir de notre société; le conformisme étant l'apanage des adultes de notre société.

Que pensez-vous de l'ambivalente indépendance de certains jeunes alors qu'ils sont sous la dépendance de leurs parents?

Dans notre société, l'indépendance dans toute chose est bien vue quand il s'agit du développement de la personne, nonobstant le milieu du travail, ou l'équipe prime sur l'individu. Tout jeune adolescent aime se faire démarquer par sa personnalité indépendante, comme personne capable de bien gérer ses affaires et de pourvoir à certains besoins sans l'aide parentale. À cette étape, il veut se sentir capable de faire ses propres expériences, en toute liberté; il n'est plus un enfant et n'est pas encore un adulte. De nos jours, et c'est la mode, les jeunes commencent très tôt sur le marché du travail tout en étudiant. Cette activité élève leur estime de soi et leur procure une sensation d'indépendance et de fierté, encouragés ou pas par les parents.

Cependant certains parents, par la force des choses, ou de cause à effet, sentent leur pouvoir de donner et d'autorité diminué, par cette forme de liberté essentielle au développement du sens des responsabilités. Aussi, vers l'âge de 18- 20 ans le jeune adulte ou l'adolescent peut sentir le besoin de plus de liberté et d'autonomie, mais n'arrive pas à se détacher complètement de la cellule familiale qui représente tant pour lui, car cette cellule représente la sécurité affective avec tant de souvenirs.

Cette totale indépendance exigerait possiblement une cassure dans toutes sortes de dépendance en vue de s'autodiscipliner vers les responsabilités dites adultes pour se définir. Cette période est mouvementée en réflexions et émotions. Cela finit par créer cette ambivalence dans leur choix de dépendance et d'indépendance totale, car ne sachant pas tout à fait ce que l'avenir leur réserve, et quel est le bon choix à faire, guidés par les conseils parentaux et leur propre décision de se libérer de l'emprise familiale.

Pour développer un sens d'identité, il faut s'engager à un objectif ainsi qu'un ensemble de croyances. D'après vous les jeunes sont-ils au stade du refus d'une identité propre ou la confusion d'identité?

En général, il est presqu'impossible de passer par le stade de refus d'identité, car tout l'affirme, au même titre qu'il est impossible de refuser de communiquer quand on est en présence d'un émetteur. L'identité c'est la somme de notre cadre de référence qui la conçoit. Cependant, il y a des cas contextuels, où le mot se prête à diverses interprétations. Le refus d'identité ressemble plutôt à un refus d'appartenir à un groupe pour des raisons propres ou d'estime de soi.

Certains fuient leur identité culturelle, pour des raisons personnelles; d'autres personnes n'aiment pas avouer qu'ils sont de telle origine ou ait telle orientation sexuelle à cause des comportements de leurs compatriotes ou certains aspects de leur culture ou de leur personne. L'identité est l'essence même d'une personne, et elle se crée sans même qu'on s'en rend compte.

Dans la revue canadienne «Women's Health Weekly» on peut lire: «vingt-cinq pour cent des jeunes filles de 16 à 19 ans connaissent une période de dépression grave. Chaque année près de 5'000 adolescents se suicident» et selon U.S. News & World Report, «les garçons sont six fois plus nombreux à se suicider que les filles». Ce sont des indices qui poussent à réfléchir sur les jeunes qui traversent le stade de l'adolescence avec leur conflit interne pour se définir et se chercher.

Il y a des cas de refus d'identité qu'on peut toucher du doigt comme certains Québécois qui ne se disent pas, ou ne se considèrent pas comme Canadiens à cause de leur bagage politique et culturel et du coup expriment le refus d'appartenance. Il y a également la situation de certains Haïtiens qui préfèrent dire qu'ils sont d'une autre nation au lieu de s'affirmer comme Haïtien. Ici, c'est un cas de refus de s'identifier à….. à cause de la perception que l'on pense, qu'a, en général, l'extérieur vis-à-vis d'une culture ou d'une Nation, ou à cause d'un passé que l'on considère peu flatteur.

Cependant, dans un cadre plus large, l'identité vient naturellement de la culture, comme notre identité culturelle. C'est une déception flagrante à mon avis, car toute culture est unique et parfaite de par son originalité. Ce genre de refus fait montre d'une faible estime de soi et crée une dissonance chez l'individu qui ne s'accepte pas. Car pour être équilibré, il faut être bien dans sa peau avant tout.

Il existe des aspects complexes où il y juxtaposition de cultures et où un jeune peut se trouver pris entre deux cultures. À un moment donné, il sera appelé à s'affirmer comme appartenant à une des deux, et finira par créer une identité culturelle provenant du contact des deux cultures, et, de là il peut y avoir une confusion, à savoir qui suis-je? Dans d'autres aspects aussi complexes, le jeune homosexuel peut, pour ne pas décevoir ses parents et amis, se sentir isolé, rejeté, finir par refuser cette identité et commettre les pires bêtises en mettant fin à ses jours, s'il n'a pas le soutien familial et de ses pairs.

Bien de jeunes néo-québécois aussi se réveillent brutalement quand ils ne se voient pas acceptés par leurs pairs comme étant Québécois à part entière, ou quand la discrimination basée sur l'ethnicité ou la couleur de peau éclate à grand jour. De là toute une remise en question et de confusion pour arriver à ventiler cette dissonance culturelle.

Entant que psychosociologue, quel est le profil des étudiants décrocheurs?

Il n'y a pas vraiment, de nos jours, de profil type de décrocheur. Cependant on retrouve plus facilement certains traits qui peuvent prédisposer au décrochage chez des jeunes ceux qui sont abandonnés, laissés à eux-mêmes, sans encadrement. Les familles aux parents démissionnaires où les jeunes sont sans surveillance dans les affaires d'école, par manque de temps ou de compétences parentales. Naturellement ils sont perturbants, irrespectueux des règlements, viennent souvent de familles à faible revenu et se trouvent pour la plupart dans les quartiers dits défavorisés.

Là, c'est la grande majorité des décrocheurs. Cependant, depuis quelques années, il n'est pas rare de voir que tous ces clichés ne conviennent pas à tous pour des raisons éducationnelles ou philosophiques. Certains jeunes, ayant le même profil, qui ne sont pas gâtés par la vie et les événements, fassent mentir les recherches et les statistiques en devenant des «marginaux» et réussissent là où ils devraient échouer et deviennent le modèle de réussite pour ces groupes. Quand cela arrive, ce qui est certain, la majorité de ces jeunes, très tôt se donnent un objectif de réussite élevé.

Souvent des élèves appliquent une attitude indésirable à l'école, leurs parents demeurent incrédules à leur comportement. Dans les cas extrêmes, les institutions s'en lavent les mains. Quelles sont les conséquences d'un tel agissement pour les deux parties?

Les conséquences sont sérieuses pour les deux parties, et surtout pour les parents, car l'école est une institution établie avec des règles et des normes. Les règlements ont été faits par l'école pour l'élève avant tout, et pour maintenir la discipline à l'école et encadrer l'enfant; et quiconque y arrive avec un savoir faire et une culture autre, doit se conformer aux règlements de l'école sans égard aux différentes cultures. Si par l'incrédulité d'un parent, une école arrive à s'en laver les mains, aussi bien dire que l'éducation de son enfant risque d'en prendre un sérieux coup. Le dossier du jeune ne sera pas reluisant et ses notes aussi; ce jeune pourra se voir exclure de l'école conventionnelle pour l'éducation aux adultes ou l'école professionnelle (même si ce n'était le choix premier), ce qui n'est pas mauvais, mais qui aurait pu être évité si les parents étaient plus alertes concernant les faits et les attitudes reprochées à leur enfant.

Les jeunes éprouvent le besoin d'avoir leurs propres valeurs. Ils évitent de copier servilement, disent-ils, sur leurs parents, alors qu'ils imitent des modèles extérieurs qui ne sont pas très louables. Qu'est-ce qui explique cette insubordination ?

Vous parlez d'insubordination, et cela reflète le choc que vous ressentez face aux jeunes qui décident de faire autrement que le connu actuel. Plus haut, dans l'entrevue il était question de cette fameuse période transitoire qu'est l'adolescence. Certaines valeurs, de nos jours, ne tiennent plus et c'est le tohu-bohu dans la moralité, les prêtres pédophiles, les vedettes pédophiles …, des hommes de lois se font prendre comme vendeurs de drogues. Le concept de Dieu et de l'Église a en aussi pris un coup. Tout cela semble être les prémisses d'une nouvelle manière de concevoir la moralité, hormis la pédophilie et la drogue, la nouvelle ouverture que se dote notre système encourage le respect de ces comportements personnels et très souvent prônés par les jeunes.

L'homosexualité aujourd'hui est un fait acceptable, le mariage entre personnes du même sexe aussi. Notre société est en déroute ou vogue vers une nouvelle affirmation et définition de ce qui est moral ou immoral. Depuis la fin de la deuxième grande Guerre, les dés ont été jetés, si on regarde au niveau musical, le Rock'n roll prône une débauche sexuelle et le satanisme, et les autres styles de musique suivirent en gardant le coté sexuel.

De nos jours les jeunes s'identifient avant tout à une vedette plutôt qu'à leur parent, en cherchant à s'habiller comme leur vedette et même des fois en jouant le rôle de leur modèle par imitation, langage et comportements. Cela explique en partie le contraste ou cette forme d'insubordination comme vous le dites.

Est-ce toujours vrai que les aspirations professionnelles sont étroitement liées au niveau socio-économique, le sexe et la race?

 Il fut un temps où cela aurait pu être vrai. Mais aujourd'hui, à cause de l'éclatement qu'ont connu les rôles sexuels, parlant d'hommes et de femmes, tout semble être à la portée de tout le monde, mais dans la réalité il y a encore des barrières tabous qu'il faut abattre dans le monde. Parlant de race, dans un contexte d'immigration, il est permis d'avoir de haute aspiration, mais il faut être en mesure de se les payer. Cependant on peut être démuni, socio-économiquement parlant, tout en ayant des aspirations professionnelles très élevées quel que soit le sexe et la race de la personne.

Le support, l'encadrement, l'encouragement des parents sont des éléments clés de la réussite scolaire des jeunes. De plus en plus, certains jeunes restent imperméables à tout cela. Y a-t-il d'autres alternatives de motivation pour ces jeunes?

Vous avez cité plusieurs éléments importants, causes de la réussite scolaire. Et naturellement ces éléments devraient être suffisants pour aider un jeune à cheminer vers son objectif de réussite. Cependant, si malgré tous ces éléments le jeune reste imperméable, il faut aller plus loin en vue de toucher du doigt la problématique, en faisant de l'écoute active et la communication active. C'est à dire, d'être à l'écoute du jeune tout en ayant une saine communication, d'être à l'affût de tout changement dans son comportement, des signes non verbaux, si le jeune a une perte d'appétit, s'il est préoccupé, s'il s'habille convenablement, s'il est intéressé à l'école, ce qu'il pense de la vie et surtout l'aider à faire une projection dans le futur à savoir comment il se voit en tant que professionnel et dans quelle profession.

Très souvent, les jeunes manquent de maturité pour gérer certaine crise ou un surplus de stress découlant de l'environnement scolaire, soit le comportement incompréhensible de certains professeurs face à lui ou encore le rejet des pairs. Le climat familial est aussi à considérer, car le problème peut aussi découler des disputes au sein de la famille même. Il faut se garder du temps en famille afin que le jeune puisse être en mesure de rentrer en relation avec ses parents, le jeune doit avoir confiance en lui et en ses parents, ainsi il se livrera sans contrainte en exprimant ses peurs et ses angoisses. Une fois cette intrusion dans son bulbe, le parent sera en mesure de l'aider plus adéquatement.

Il faut aussi parler des modèles de réussite dans la famille, chez des amis, sans faire de comparaison. Il faut prendre le temps de lui expliquer qu'est ce que ça lui prend pour actualiser sa démarche afin d'arriver au statut de professionnel qu'il souhaite, et surtout d'être un bon ami ou une bonne amie pour le jeune (sans oublier qu'on est avant tout un parent). Si toutes ces précautions sont prises et restent sans effet, alors il faut consulter pour corriger, en vue de créer une nouvelle motivation.

Car un adolescent qui reste imperméable aux éléments ci-haut mentionnés vit un haut niveau de stress soit à la maison, à l'école ou ailleurs, ou n'est pas intéressé à l'école. En tant que parent, il nous revient de rester présent auprès de lui pour l'emmener à se confier et à agir positivement pour son devenir.