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Colloque ‘Pour saluer Léon-Gontran Damas’: héritiers et héritages, (Université d’Anvers, 4-5 décembre 2008) Kathleen Gyssels et Juliette Malfait |
Le colloque intitulé ‘Pour saluer Léon-Gontran Damas’: héritiers et héritages, trente ans après sa disparition (1912 – 1978)’, organisé par le Groupe de Recherche de Littérature Postcoloniale dirigé par le professeur Kathleen Gyssels, avait pour but de rendre hommage à un grand poète et un des pères fondateurs de la Négritude: L.G Damas. Damas étant très discret et moins médiatique que Césaire et Senghor, relativement peu de colloques lui sont consacrés, le dernier hommage remontant à 2007, sous l’égide de Christiane Taubira, à Cayenne même.
Ce colloque, qui se déroula les 4 et 5 décembre 2008, dans de très belles salles et un ancien couvent de l’Université d’Anvers, s’efforça de mettre en œuvre une dynamique à travers de prolixes échanges et de nombreux débats. Ouvert par le Doyen de la Faculté de Lettres et de Philosophie de l’Université d’Anvers, Jef Verschueren, le colloque a réuni une dizaine d’intervenants éminents. Véritable moment de rencontre, il s’inscrivait dans une approche multidisciplinaire et transversale, les participants venant d’horizons divers : des Etats-Unis en passant par la Mauritanie, la Caraïbe et le pays d’origine de Damas, la Guyane.
En effet, il était intéressant de proposer une réflexion qui transcende les frontières géographiques et littéraires pour aborder l’œuvre de Damas. Le colloque donna lieu à de riches échanges composés de lectures croisées, de réflexions théoriques, et de découvertes étonnantes. Quatre sessions plénières, à côté de sessions à plusieurs intervenants, permirent donc d’appréhender l’œuvre de Damas sous différents angles et d’élargir les champs d’étude: des analyses d’une œuvre précise, d’un courant, d’une période autour de la filiation et de la place de Damas furent soulignées. Des questions théoriques, poétiques mais aussi esthétiques furent soulevées souvent dans une approche comparative.
Ce colloque international, de par les interventions de qualité, a donc constitué une reconnaissance forte de l’importance et de la richesse des œuvres de Damas souvent méconnues. De fait, si nous comparons la réception réservée aux ouvrages de Senghor et de Césaire, il était licite de revenir à l’œuvre tant poétique qu’essayiste et journalistique de ce cofondateur de la négritude. Car s’il est vrai que, selon Femi Ojo-Ade (St Mary’s College), les trois pionniers ne peuvent être dissociés, que leurs poésies sont toutes subversives, comme le rappelle Kanate Dahouda (Hobart and William Smith Colleges), il existe, selon Hanétha Vété-Congolo (Bowdoin College), un certain nombre de divergences, notamment sur le concept même de négritude. C’est aussi le message du professeur de l’UAG (campus Schœlcher), Roger Toumson qui lors de la dernière session plénière, insista sur la nécessité d’une étude comparative de leurs poétiques respectives tout en soulignant la nécessité de dégager les traits distinctifs de la poésie damassienne. Anthony Mangeon (Université Paul-Valery Montpellier III) établit quant à lui un parallèle entre le philosophe africain américain de la Harlem Renaissance Alain Locke et Damas.
Par ailleurs, trente ans après le décès de Damas, il était important de s’interroger sur sa place notamment pour les Noirs d’Amérique qui le considèrent comme ‘go-between’, pour reprendre l’expression de Valentin Y. Mudimbe (Duke University) en première session plénière. Mais aussi dans les Amériques hispanophones et lusophones où, comme le souligne Lilian Pestre de Almeida (Universidade de Lisboa) lors de la deuxième session plénière, les poètes ont écrit très tôt des poèmes noirs. M’bou Seta Diagana (Université de Nouakchott), évoqua la place de Damas en Mauritanie: véritable révélation sur la place dominante du voisin, L. S. Senghor et de la criante ignorance quant au Guyanais… Message compris pour les éducateurs et les universitaires, en même temps qu’appel à aider là encore l’Afrique et sa carence en infrastructure livresque.
Damas a également influencé de nombreux auteurs antillais dits de la deuxième et troisième génération. Cyrille François (Université de Cergy-Pontoise) évoqua son importance sur l’œuvre de Daniel Maximin, pendant que Mathias de Groof (Université d’Anvers) s’interrogea sur la production cinématographique du continent noir dont l’enseigne reprend le titre d’un recueil de Damas: Black-Label. De plus, retour et détour furent développés: un détour ‘glissantien’ pour Malik Ferdinand (Sorbonne nouvelle); un difficile retour au pays natal selon Catherine Le Pelletier (UAG), un retour omniprésent dans la littérature postcoloniale francophone pour Bart Miller (University of Liverpool).
Christine Pagnoulle (Université de Liège) est intervenue sur les défis que pose la traduction de l’œuvre de Damas et Marie-Christine Hazaël-Massieux (Université d’Aix-en-Provence) examina, plusieurs exemples à l’appui, les problèmes de transposition du créole.
Enfin, il faut souligner que l’art ne fut pas oublié en tant qu’héritage de Damas et qu’il avait sa place dans cette réunion importante: grâce à la lecture d’un poème de Jayne Cortez dédié à son ami disparu, grâce encore à Fernanda Damas Cabral qui nous fit part de son interprétation personnelle de l’œuvre de Damas, et à la compagnie de théâtre AWA par une récitation de poésie et une interprétation théâtrale.
Tant par la justesse de la mise en scène et une représentation formidable, que par l’obscurité qui baignait la salle, Black-Label et d’autres séquences de poésie bien sélectionnées permirent de faire naître un instant magique.
Ce vibrant hommage à Damas aura permis de rappeler que son œuvre est encore présente (comme en témoigne le projet «Archivos», expliqué par Antonella Emina (Université de Bologne). Ce colloque a permis également de souligner la très grande estime que lui portent les participants appartenant à des champs d’étude très divers.