Élément de grammaire comparée
Français - Créole haïtien

Robert Damoiseau

Élément de grammaire comparée Français- Créole haïtien
Élément de grammaire comparée Français- Créole haïtien

Élément de grammaire comparée Français- Créole haïtien • 2005 • ISBN 2-84450-195-8 • Ibis Rouge • 22 €

La proximité lexicale entre le créole et le français a longtemps joué contre la reconnaissance du créole en tant que langue. Nous n'en sommes plus là: la linguistique, tout en nous aidant à faire la part du lexique d'origine française dans le créole, a permis la mise en évidence de règles de fonctionnement qui fondent l'existence d'un système créole, à côté du système français.

C'est précisément l'objectif de cet ouvrage que d'apporter, sous une forme claire, à toute personne utilisatrice des deux langues, des éléments de repérage permettant de situer le système créole par rapport à celui du français. Les Eléments de grammaire comparée français-créole haïtien s'adressent à ceux qui étudient le créole, mais également au public désireux de cerner les analogies et les différences que présentent le français et le créole dans leur fonctionnement.

Robert Damoiseau, Professeur des Universités à l'Université des Antilles et de la Guyane et membre du GEREC-F (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Créolophone et Francophone), enseigne la syntaxe (syntaxe du français, syntaxe du créole, syntaxe comparée).

Il a notamment publié :

  • Eléments de grammaire du créole martiniquais, Hatier-Antilles.
  • Etude de notions de temps et d'aspect en créole haïtien et en français - Application à l'enseignement du français, Publications de la Faculté de Linguistique appliquée, Port-au-Prince.
  • Eléments de grammaire comparée français-créole, Ibis Rouge Editions.
  • En collaboration avec Gesner JEAN-PAUL, J'apprends le créole haïtien, Karthala.
  • Eléments de grammaire comparée français-créole guyanais, Ibis Rouge Editions.

Avant-propos

L'objectif de cet ouvrage est d'apporter une série de points de repère à tous ceux qui sont concernés par les rapports qu'entretiennent le créole haïtien et le français. C'est le docteur Pradel Pompilus, l'un des pionniers de la créolistique, qui a ouvert la voie aux études comparées créole-français. C'est à lui qu'il revient d'avoir mis en évidence les relations paradoxales qui lient le créole et le français. Ces lignes, écrites en 1973 et extraites de l'avant-propos de son ouvrage Contribution à l'étude comparée du créole et du français à partir du créole haïtien, conservent aujourd'hui toute leur pertinence: «Le français n'est pas notre langue maternelle; la langue de notre vie affective, la langue de notre vie profonde, la langue de notre vie pratique, pour la plupart d'entre nous du moins, c'est le créole, idiome à la fois très proche et très éloigné du français.»

Ce sont en effet les concepts de «proximité et d'éloignement» qui définissent la spécificité de la coexistence entre le créole et le français. La proximité lexicale entre les deux langues a trop longtemps masqué le fait qu'elles mettent en œuvre des procédures de fonctionnement qui sont propres à chacune d'elles. Ainsi, sur des points aussi essentiels que la détermination nominale, la pluralisation, la prédication, la complémentation, l'expression du temps et de l'aspect, les connexions interphrastiques, les procédés d'emphase..., on a affaire à des traits spécifiques qui fondent l'existence de deux systèmes.

Or la réalité de ces deux systèmes, confirmée par l'absence d'intercompréhension entre un francophone unilingue et un créolophone unilingue, n'a jamais été véritablement reconnue par les responsables de la mise en place des politiques linguis­tiques en Haïti, hormis pendant les années marquées par la Réforme Bernard.

Il en résulte que pour l'immense majorité des apprenants haïtiens, il se produit un brouillage des règles de fonctionnement propres à l'un et à l'autre des deux systèmes. Face à cette réalité, s'il est patent que le choix de méthodes d'enseignement du français comme une langue maternelle n'est pas à retenir, il convient également de s'interroger à propos des méthodologies visant à enseigner cette langue, en Haïti, comme une «langue étrangère», ou comme une «langue seconde» au sens habituel du terme, méthodologies qui ne prennent pas la mesure de la complexité des rapports qui lient le créole et le français. Une politique réaliste d'enseignement du français dans ce pays ne peut ignorer le rôle des paramètres spécifiques d'ordre socio­historique qui définissent les conditions de représentation des relations entre les deux langues, et donc leur utilisation, chez les apprenants et leurs enseignants. Si on convient de poser comme objectif final du cursus du cycle fondamental l'acquisition des principes de base de fonctionnement des deux langues, il s'impose de fournir au maître d'abord, à l'élève ensuite, des éléments de repérage par rapport à l'une et à l'autre. Cela implique que dans le cursus de formation des enseignants, une large place soit accordée à l'approche contrastive.

Une telle démarche ne suffira certes pas à leur garantir un niveau de compétence suffisant en français, mais elle aura atteint son objectif si, dans un premier temps, elle conduit à la prise de conscience de l'existence des deux systèmes linguistiques, avec leurs analogies, mais aussi leurs spécificités.

Cet ouvrage se veut être un outil pédagogique propre à faciliter cette démarche. Il ne s'agit pas d'un travail de recherche scientifique: la présentation des notions ainsi que leur appellation sont les plus proches possible de la grammaire traditionnelle. Le cheminement suivi se devait aussi d'éviter le comparatisme pointilliste, qui aurait conduit à détruire chez l'utilisateur toute vision systémique. Si on voulait que ce travail ne perde sa raison d'être, il n'était pas non plus question de présenter chacun des deux systèmes, successivement, dans sa globalité.

A partir d'un certain nombre d'entrées, il a été procédé à une analyse contrastive du fonctionnement des deux langues. En rapport avec certains points, des exercices sont proposés.

Quant au choix de présenter les notions, d'abord en français, puis en créole, il s'explique par des raisons purement pratiques: dans notre démarche comparative, nous sommes parti de l'acquis grammatical des utilisateurs potentiels de notre ouvrage – même s'il arrive que sur plusieurs points l'analyse de certaines notions soit remise en cause; or l'expérience nous a appris qu'il s'agit encore, dans la plupart des cas, de connaissances acquises en relation avec l'étude du français.

On ne saurait terminer cette brève présentation sans rappeler que ce travail s'ancre aux activités d'enseignement et de recherche que m'ont permis de mener, d'abord le Doyen Pierre Vernet, à la Faculté de Linguistique Appliquée (Université d'État d'Haïti), puis le Doyen Jean Bernabé à l'Université des Antilles et de la Guyane. Il s'inscrit dans la démarche de réflexion sur les contacts de langues menée au GEREC-F, en relation avec les enseignements de linguistique contrastive mis en place depuis 1990 à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l'Université des Antilles et de la Guyane.

 
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