Ayiti

Le drame est cornélien !

Jean Erich René
 

Point n'est besoin d'avoir une loupe pour observer les profondes fissures du Corps social haïtien. Quand un gouvernement ne peut pas garantir la sécurité autour du périmètre du Palais National que dire de sa périphérie. Dans ces conditions, comment peut-il garantir les élections sur toute l'étendue du territoire national. Quand le peuple vit sous le concert continu des balles et sous la tyrannie des bandits, le système politique est en crise.

Avec un Premier Ministre qui se déclare publiquement vaincu on est définitivement dans le pétrin. L'impuissance de la Police Nationale à rétablir l'ordre augmente l'audace des chimères. Aussi ont-ils redoublé d'ardeur. En plein jour ils ont mis le feu au Marché Tête Boeuf sans aucune crainte d'être attrapée ni punie. Un enfant de deux est kidnappé à Fermathe et ses parents tabassés, violés et sodomisés. Cette tragédie est la preuve irréfutable de l'incapacité de nos dirigeants politiques à garantir la sécurité des vies et des biens. Le Gouvernement est démissionnaire. Ce sont les truands qui font la loi en Haïti.

L'impasse dans laquelle se trouve le pays est symptomatique d'une atmosphère de fin de règne. Les circonstances dans lesquelles Gérard Latortue est arrivé au pouvoir fragilisent sa capacité de gouverner en toute indépendance. Il est pris entre deux feux.

D'un côté, la Communauté Internationale lui tient la dragée haute en lui faisant des promesses publiques non tenues, ce qui est de nature à ternir son image d'homme politique sérieux et conséquent dans ses discours.

De l'autre côté, les chimères en dépit de l'absence de leur chef hiérarchique augmentent de jour en jour la chaleur du béton au point de rendre le pays invivable aujourd'hui. Leur arrogance met davantage en évidence la faiblesse et l'impéritie de l'équipe en place qui laisse un lourd héritage pour leur successeur. Un prochain gouvernement pourra-t-il réaliser dans 5 mois ce que son prédécesseur n'a pu faire dans 16 mois. Quand les circonstances sont les mêmes les Gouvernements ne seront pas différents. Si toutes les structures lavalassiennes demeurent sur place le pot d'échappement de la machine politique laissera entendre la même pétarade.

La continuité sous l'engeance lavalassienne cautionnée par le maintien du statu quo politique laisse augurer de sombres prédictions pour l'avenir du prochain Gouvernement. Sans le désarmement des bandits et l'instauration d'une Force de Police responsable et bien outillée la crise politique haïtienne persistera pendant longtemps encore. L'incarcération de Yvon Neptune est un précédent malheureux pour la Primature haïtienne Un triste destin est désormais réservé à nos Premiers Ministres qui terminent leurs partitions sur une note d'insatisfaction générale.

Depuis son investiture le Gouvernement de Gérard Latortue s'est fixé des objectifs qu'il n'a jamais effleurés que dire de les atteindre. La restauration de la justice et le jugement des criminels de Jean Dominique, Brignol Lyndor etc... sont relégués aux calendres. Le dossier des soldats démobilisés est mis en veilleuse jusqu'à l'installation du prochain Gouvernement. La mort violente de Ravix Rémissainte a envenimé les rapports entre les ex-membres des FADH et le Gouvernement de consensus.

Tout espoir de changement est pratiquement perdu en Haïti. Seules les élections sont porteuses de paix dit-on. Mais depuis le départ d'Aristide, le pays fonctionne sans Parlement et sans Constitution. Toutes les mesures politiques sont prises de manière consensuelle. Nous tombons dans le piège de l'arbitraire et de la couillonnade. La corruption affaiblit le processus politique. Le manque de crédibilité mine l'autorité de l'Etat.

Tous les secteurs se plaignent du laxisme du Gouvernement en place que narguent les chimères par leurs actes criminels répétés en créant des zones de non-droit Ce déchaînement de la violence en Haïti dépasse le banditisme. Nous sommes en face d'une guérilla urbaine déguisée et menée de main de maître. Cette stratégie ne leur sera pas favorable puisqu'elle renverse tous les esprits contre eux. Tous les paliers de l'échelle sociale sont attaqués de l'industriel jusqu'aux marchandes du marché Tête Boeuf. Lorsqu'on a pris pour cible nos Centres commerciaux et industriels on vise la destruction de l'économie nationale.

Le profil des événements laisse plutôt une empreinte internationale. La dignité nationale est atteinte. Le drame qui se déroule actuellement sur la scène politique haïtienne est cornélien. Le devoir en appelle! L'honneur de la patrie commune est en jeu. D'un juste courroux homme de coeur et de courage lève-toi, va, cours, vole et sauve la Barque Nationale en péril.

Jean Erich René
juin 2005