Ayiti

Que faire? Selon Bazin

Jean Erich René
 

On s'imagine mal la reprise du cri de Lénine par Marc Bazin dans sa stratégie multifonctionnelle d'augmentation de la productivité du secteur agricole. Au moins Lénine voulait porter les ouvriers à renoncer à leurs attitudes mesquines en les invitant à embrasser une cause nationale. Quels sont les germes d'espoir que comporte le "Que faire" de Marc Bazin comme politique d'encouragement à la transformation fonctionnelle de l'Agriculture haïtienne.

L'échantillonage du MIDH met à nu sa méconnaissance complète du milieu rural haïtien ou parallèlement sa supercherie politique. Oyez:

"En zone rurale, la population comprend une grande diversité de personnes. Il y a, bien sûr, les exploitants agricoles. Mais il y a aussi les saisonniers, en attente d'embauche, les paysans sans terres, les travailleurs liés indirectement à l'agriculture à travers les services ou l'agro industrie. Il y a aussi des artisans, des ferronniers qui fabriquent des objets nécessaires à l'agriculture, des artisans qui fabriquent des produits de l'artisanat. Il y a des guérisseurs, des transporteurs. Il y a aussi des gens de maison. Ce large éventail englobe non seulement beaucoup de monde mais aussi des formes variées et inégales de pauvreté.Chez nous, les ruraux tirent une importante
proportion de leurs revenus d'activités non agricoles, de l'ordre de 25% à 40%, même en excluant les revenus du commerce." (Plan du MIDH page )

Cet extrait du programme du MIDH est une preuve accablante de sa perception erronée de la sociologie rurale haïtienne ou encore son appétit glouton pour le pouvoir au détriment des intérêts nationaux. Pour augmenter le revenu rural Marc Bazin propose l'accès pour les paysans haïtiens au Guest Worker 's Program des USA au nombre de 25'000 chaque six mois au salaire horaire américain. Cette initiative, affirme Marc Bazin aurait pour conséquence immédiate de diminuer le flot de Boat People, la pression des braceros à St.Domingue et contribuera à l'amélioration du savoir faire du paysan haitien qui à son retour va augmenter l'investissement et la production agricole.

Marc Bazin, une fois au pouvoir, promet d'entamer ces négociations avec les autorités américaines. Notre chantre de l'espoir vient d'entonner sans le savoir ou à bon escient le requiem de la paysannerie haitienne. Pourquoi?

Aucun participant de Guest Worker's Program ne va retourner en Haïti, voire dans leurs communautés rurales d'origine. Maintenant nous comprenons comment Marc Bazin en tournée à St Marc eut à dire aux paysans: "Plantez maïs moulu".

On peut pardonner aux enfants leurs erreurs de langage puisqu'ils sont en apprentissage social. Cependant un Homme politique aussi fûté que Marc Bazin ne saurait accoucher de telles inepties dans un programme politique. Ne s'agirait-il pas de préférence d'un slogan politique lancé à souhait en vue de
provoquer un raz de marée aux urnes pour les prochaines élections. La rationnalité d'un programme politique compte peu en Haïti. Une chanson ordinairement peut faire les élections en tisonant la ferveur populaire.

Parallèlement à l'exode massive que va provoquer le Guest Worker's Program, paradoxalement le MIDH propose une réforme agraire basée sur la sécurisation des titres de propriété et la création de fonds terriens pour l'achat et la distribution des terres aux paysans pauvres aussi bien qu'une fiscalité de dissuasion contre les absentéistes. Ce volet-jumeau du programme du RDNP rentre en parfaite contradiction avec le déplacement anarchique des paysans qui s'entassent déjà dans les bidonvilles. Le rapport de 2/3 de la population rurale mentionné dans le programme du MIDH n'est plus valable.

Marc Bazin doit changer de lunettes. Sur 8 millions d'Haïtiens, 2 millions sont déjà à Port-au-Prince. Nos villes de province sont assiégées par les bidonvilles. En dépit de la croissance de la population haïtienne l'effectid des élèves de nos écoles rurales ont baissé par suite du déplacement de leurs parents. Le chiffre de 4,8 millions avancé par le MIDH pour évaluer la population rurale est sujet à caution. L'augmentation de la productivité selon l'objectif du "Que faire" est un chimère. La productivité peut être
définie comme le rapport du rendement de la quantité produite par tête selon l'équation:

Y= Q / N

Où:

Y = productivité ou rendement par tête
Q = la quantité produite ou production agricole
N = la population

Toute augmentation de Y ou productivité suppose une augmentation de Q la production et/ou une baisse de N. Mathématiquement, plus le dividende est élevé et le diviseur faible, plus le quotient Y ou productivité sera élevé. Voilà la voie logique de la solution que le MIDH devrait suivre. La production agricole haïtienne étant Labor Intensive avec la diminution de la population rurale par suite de leurs participations au Guest worker's program américain la production agricole haïtienne va baisser davantage par manque de bras tandis que le coût de la production agricole américaine va considérablement baisser avec ces ouvriers agricoles itinérants qui ne seront pas syndiqués et qui ne vont pas bénéficier des avantages sociaux américains. En l'occurrence la productivité prévue selon le "Que faire de Marc Bazin" va baisser proportionnellement avec la baisse subséquente de l'effectif nos ouvriers agricoles. Par ricochet nos importations seront aussi plus élevées.

Avec tout le respect que nous devons au Leader du MIDH et sans vouloir atteindre son honneur nous devons lui avouer que son "Que faire" n'est pas loin de "Mal faire" Sa stratégie multifonctionnelle prévue dans son "QUE FAIRE loin d'énergiser la production agricole haitienne et augmenter nos ressources alimentaires, va certainement, d'un côté lui apporter les hautes considérations de l'Etablishment américain qui était bien forcé de subventionner sa production agricole trop couteuse. Et peu compétitive avec la Mondialisation.De l'autre côté le "Que faire" va aussi assurer son élection en provoquant un raz de marée du secteur rural aux urnes, puisque nos compatriotes sont plus enclins à laisser le pays pour le "el Dorado" américain. Mais le perdant sera Haïti car le "Que faire" de Marc Bazin préfigure un nouveau contrat de "Braceros" américain qui va nous conduire tout droit vers une catastrophe nationale.

Jean Erich René
mai 2005