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À bout d’enfance
Pour entrer dans l’Ecrire

Marie-José EMMANUEL1

Conférence tenue sur le Campus de Schoelcher,
le 28 novembre 2005.

«Tu ne sauras rien du mystère de l’Ecrire mais
tu auras pensé ce qui chez toi le mobilise».
                                  Patrick Chamoiseau           

Quand Patrick Chamoiseau produit  ses deux 1ers  récits d’enfance, Antan d’enfance et Chemin d’école, il a à  son actif plusieurs  romans: Chronique des sept misères, Solibo magnifique, Texaco, L’esclave vieil homme et le molosse et Biblique des derniers gestes et deux essais majeurs:  Eloge de la créolité, manifeste d’une esthétique novatrice dont il définit les contours avec Raphaël Confiant et Jean Bernabé, et surtout Ecrire en pays dominé. D’un côté, il y a une œuvre romanesque puissante et originale soutenue par une réflexion théorique qui questionne le travail qui se fait, la création romanesque s’accompagnant chez l’écrivain  du discours qui le produit, et de l’autre, les deux premiers récits d’enfance.

De ces deux premiers récits nous dirons peu de choses. Le négrillon a décrit avec ses yeux d’enfant cette famille qui nous est devenue familière. D’abord, Man Ninotte, la mère, figure centrale du récit comme de l’enfance, imposante, omnipotente, experte en survie; puis le père, homme énigmatique et taciturne, en pointillé dans le texte et dans la vie;  les deux sœurs, courageuses, épaulant de bonne heure  la mère dans son combat, et enfin, les deux frères, sortes d’extra-terrestres poétiques à leur manière. Le négrillon est le 5ème et dernier enfant du couple qui vit dans la vielle maison de la rue Arago, à Fort-de-France. Après avoir, dit-il, «épluché» tous les coins et recoins, de sa maison, observé en entomologiste sa faune et sa flore, mesuré ses virtualités, le voilà qui interroge la rue de sa fenêtre, puis qui s’y aventure «en mangouste furtive». Ensuite,  il «commet l’erreur de demander l’école». Ce sont ses propres termes. Première séparation d’avec Man Ninotte, en deux étapes qui amortissent le choc de la rupture d’avec la toute petite enfance. C’est d’abord la petite école de Man Salinière, une musique douce, puis le saut dans la grande école, l’apprentissage du français, de la lecture, de l’écriture et de l’ennui, qui est un grand maître.

Les deux premiers textes s’apparentaient plus à des autobiographies qu’on pourrait appeler «collectives», tant le négrillon, dans la mise en narration de l’enfance avait valeur d’exemple, tant il portait en lui toutes les enfances antillaises, tant il rendait compte de  toutes les mères antillaises dans leur combat pour la survie et la réussite de leurs enfants dans ces années-là, fin des années 50, début des années soixante et de la frappe féroce de l’école post-coloniale. Par conséquent, toute une dimension intime, proprement individuelle de l’auteur-narrateur n’apparaissait pas dans ces récits.

 Le narrateur, personne réelle, individu singulier ne se présente pas sous les espèces du «je» propre à tout récit autobiographique mais apparaît sous celui, plus rassembleur, moins prétentieux, de son phénotype, l’indéterminé négrillon, et reste en arrière-plan, préférant une saisie extérieure de son être.

Le narrateur de cette enfance créole est-il pour autant absent? En  réalité, il est bien présent dans son texte. C’est la langue d’écriture qui le prend en charge, et le fait exister. Il est là,  repérable du fait de sa position entre les deux langues, dans ce parti-pris d’écriture, dans cette langue à lui qu’il forge, et  la langue signalant cette position particulière, désigne une place réellement occupée. «C’est par et dans le langage que l’homme se constitue comme sujet» rappelle Benveniste. La langue qu’on utilise rend compte de soi, car elle est le lieu de problématiques personnelles.

Il est là aussi dans  la poétique originale de ces récits d’enfance, qui tournent résolument le dos au déroulement linéaire et chronologique propres à l’autobiographie classique, telle qu’elle est proposée généralement. L’auteur, qui ne veut pas enfermer son écrire dans un genre  et donc obéir à ses lois, parce qu’il a le souci  de la vérité de son discours, et de la prise en compte du réel, se trouve mélanger tous les genres. C’est ce qui explique les changements de typographie, les fragments poétiques qui coupent le déroulé de la narration, les comptines pour dire une émotion, les listes, l’appel à l’assemblée des écoutants comme dans le conte créole et j’en passe.

Il est enfin présent dans la dimension poétique et lyrique du texte et dans l’émotion qui affleure et qui se partage. Généralement, l’enfance est chantée  sur  un mode lyrique, c’est un âge d’or pour chacun de nous, et il place le narrateur dans le domaine de la foi, comme le rappelle P. Lejeune, théoricien du genre autobiographique.

Quinze ans se sont écoulés depuis leur parution.  Et voilà que survient, A bout d’enfance, dans la même collection: Haute enfance, chez le même éditeur Gallimard,  troisième volet, inattendu, de ce qui se conçoit  aujourd’hui comme une trilogie. 

Ce troisième livre, qui s’inscrit dans une continuité générique, est-il la suite chronologique des deux premiers récits? On pourrait le penser  puisque l’auteur y aborde des thèmes qu’il n’avait pas exploré jusque là, notamment celui de la fin de l’enfance. Mais est-il possible de quitter l’enfance? Ne vaut-il pas mieux parler de ce moment de basculement qui fait entrer dans une autre durée?

La première urgence est de devenir grand et pour grandir il faut traverser un certain nombre d’étapes et ces étapes sont repérables dans le récit. D’abord, se situer dans le monde qui vous entoure. Le déchiffrer. Le négrillon a organisé les individus en espèces.

« […] Le négrillon avait  divisé l’univers des vivants en plusieurs sortes d’espèces. Tout en haut, l’espèce des manmans et des Papas - catégories spéciales à ne pas mélanger. En dessous, l’espèce des Grandes-Personnes qui encombrait les rues à la manière d’un nuage de sauterelles. Puis l’espèce des Grands que constituait (avec les mouches et les moustiques) l’engeance pénible de ses quatre  frères et sœurs. Enfin, tout en bas, misérable, merveilleuse, et cherchant à survivre, l’espèce des êtres humains : petites personnes de son âge, benjamines comme lui, menacées d’extinction dans la cour des écoles, accablées d’interdits dans les camps de concentration familiale.»

Ensuite, il faut savoir y faire avec la sauvagerie du «non» qu’on oppose aux Etres-humains. Ainsi quand l’enfant dit non, il s’identifie aux grands, manifeste implicitement une connaissance du oui, et apprend qu’il a le choix entre les deux réponses. C’est donc un espace de liberté qui s’ouvre en lui et qui l’amènera à plus d’autonomie. Il va abandonner la 3ème personne qu’il utilise pour se nommer et dire «je».

Il y a les questions qu’on se pose sur les réelles relations qui existent entre son père et sa mère et la haine féroce qui monte en vous, en même temps que la honte et la culpabilité, la question des origines. Le lecteur reconnaîtra les combustions oedipiennes.

Il y a  la jalousie térébrante envers les sœurs et frères quand on les soupçonne d’être plus aimés que soi-même.

Il y a le ti-bout , le sexe pubère,  qui voudrait vivre sa propre vie mais qu’il faut domicilier tout doucement dans un corps lui-même à découvrir et à habiter. 

Il y a les petites-filles, énigmes qui vous opacifient encore plus le monde.

Il y a les sensations qui vous envahissent, la sexualité qui s’éveille, le sentiment amoureux,  tous ces jeux de garçons très violents et très nécessaires. 

Il y a la mort  aussi,  celle du père  qui vous laisse comme devant une page blanche avec un stylo sec et la certitude de sa propre finitude.

Le négrillon traversera toutes ces étapes à l’instar de tous les enfants du monde, et ce sera l’occasion pour l’auteur de restituer avec beaucoup d’intelligence et de finesse les affres du grandir. Le lecteur retrouvera son ton habituel, cette manière détournée qu’il a de se moquer gentiment d’un négrillon qui l’émeut encore. Il retrouvera une mise en texte qu’il connaît : une narration entrecoupée de courts fragments en italiques pris en charge par «l’homme d’aujourd’hui», qui dialogue avec la mémoire, introduit des contre-points temporels, interpelle le négrillon, les frères et sœurs, la mère , assure en un mot la régie du discours.

Mais il y a plus que cette suite d’étapes  par lesquelles tout le monde passe avec plus ou moins de réussite et que des ouvrages spécialisés répertorient avec clarté. Il y a plus que le développement affectif du négrillon, fût-il restitué avec une inventivité poétique extraordinaire. En réalité le narrateur rend compte d’une double expérience, d’une double douleur. La première, celle dans laquelle il se trouve précipité au moment de la mort de sa mère, à la fin des années 90,  est le moteur de l’écriture de ce livre, celle qui va  obliger le retour à l’enfance et qui colore le récit d’une teinte un peu funèbre. La deuxième est d’une autre nature,  douleur étrange, rémanente, qui ne lâche pas et s’interpose toujours entre lui et les autres, entre lui et le monde. Elle induit chez lui ce sentiment d’un exil dont il ne sait pas la cause, dont la cause lui échappe. Toutes ces considérations font de ce troisième volet d’Une  enfance créole un autre livre, un livre autonome qui ne peut s’inscrire dans la continuité chronologique des deux premiers, et c’est cela qui nous permet de dire que ce livre vise un autre enjeu, d’où le titre de cette réflexion; A bout d’enfance. Pour entrer dans l’écrire. C’est donc la question de savoir comment on devient écrivain,  que ce texte pose.

Il faut savoir que Patrick Chamoiseau a toujours été très sensible à la question de la littérature dans l’espace culturel antillais. C’est pour lui une question fondamentale. Quelle écriture serait ici la plus significative, la plus porteuse de sens? Qu’est-ce qu’être un écrivain à la Martinique? Comment l’écrivain doit-il écrire? Quelles stratégies d’écriture doit-il privilégier? Comment définir cet espace culturel? Pour aller vite on dira que c’est un espace où il n’existe pas de littérature, comme il peut en exister une par exemple en France, en Europe où il y a une longue tradition littéraire, où il y a des modèles que ces peuples-là on élaboré pendant des siècles.

L’Antillais serait  sorti de l’esclavage, où la langue du plus grand nombre  était le créole pour passer d’un seul coup au français, au moment de l’abolition de l’esclavage. C’est oublier que sur les plantations s’est formé une culture essentiellement orale dont le représentant était le conteur. L’école  a privilégié la langue et la littérature françaises, et n’a pas fait grand cas de toute cette oralité des campagnes et des plantations. Si on veut faire une littérature qui rende compte vraiment de tout ce passé qui constitue l’Antillais, alors, il faut essayer de récupérer toute cette culture orale qui était très riche, très belle et tenir compte aussi de notre culture française. L’ennui c’est que cette culture orale a été tellement méprisée, tellement disqualifiée qu’elle s’est perdue, qu’elle s’est folklorisée, qu’elle ne renvoie plus à rien. Alors il faudrait la ranimer, il faudrait lui redonner du sens en l’intégrant au monde d’aujourd’hui. Comment? C’est là toute la question.

Chamoiseau s’est  nommé «marqueur de paroles» pour signaler à quel travail de déchiffrement il lui fallait se livrer  pour rendre compte du réel antillais, réel pris en étau entre l’oralité première des conteurs créoles et la présence de l’écrit en langue française, pour signaler aussi combien le terrain sur lequel il s’engageait manquait de balises, combien il lui fallait fortement s’ancrer en lui-même et trouver la place d’où faire émerger cette littérature vraie et prendre possession de sa langue d’écriture. Tout était à inventer.  

 Puis le «marqueur de paroles» s’est consolidé en  «guerrier de l’imaginaire».

Parce que,  de  trop hanter la chair des mots, de trop arpenter les langues, de trop oraliser l’écrit pour nommer le conteur créole qui habite nos imaginaires, d’explorer en un mot cet imaginaire des langues, il sait dorénavant que  les mots, en plus de leur signification habituelle, recèlent un savoir ancien, une mémoire et peuvent permettre de  conquérir l’inconnu qui nous habite, l’insu qui nous taraude, que chacun porte en soi et qui le constitue en tant que sujet plein.

Mais pour accéder à cet imaginaire, il faut être poète, le poète étant celui qui sait se livrer à l’inconnu des mots, à l’inconnu du monde. Il faut non pas essayer de revenir au passé, ce serait sans intérêt, mais plutôt observer dans le présent ce qui du passé fait signe, en un mot  se faire voyant :

…«Je te vois, mon négrillon, observant, bougeant peu, parlant peu, attentif sans paraître, yeux vifs sous la paupière, l’oreille fine sous la pose indolente… petite éponge de vie, réceptacle de frémissements infimes que son imagination faisait bouillir sans cesse… quand l’écrire surgira, il sera en odeurs, en sensations, en distorsion émue au long d’un alphabet qui ne sert qu’à musique… ô mon négrillon, je me vois te voyant…je te vois me préparant»…p.88.

Repérer la naissance de sa conscience d’écrivain, mais aussi faire le deuil de la mère de l’enfance, ces deux enjeux véritables de  A bout d’enfance  avons nous dit, contraignent à reparcourir le royaume d’enfance.

L’homme d’aujourd’hui va revenir à l’enfance,  convoquer les figures paternelle et maternelle, arracher à l’oubli toutes ces parts de lui-même, en revivre une fois encore les bonheurs et les douleurs, pour enfin donner à chacun la  place qui lui revient, celle que l’on attribue aux personnes très aimées et qui ne sont plus.

 Man Ninotte si forte et si tendre à la fois, engagée de toutes ses forces dans le combat de la vie:

«Man Ninotte était sonore et ne faisait ni bisous ni caresse. Elle criait souvent, tempêtait pour sonner le réveil, hurlait pour l’étude des leçons, menaçait qui tardait à se laver les dents…Elle ne supportait pas qu’on fasse ventouse sur elle ou qu’on essaie de l’embrasser. Qui s’y risquait ne récoltait qu’un geste agacé où se dissimulait un contentement…Le négrillon savait trouver de la tendresse dans  ses grondements, de l’affection dans ses reproches, de l’amour dans ses irritations. » page 43.

 Si bien que le négrillon n’a du compter que sur ses seules forces pour affronter les périls de l’enfance et de la pré-adolescence, gérer tout seul, toutes les peurs et les angoisses qui étreignent les petits Etres-humains, à ce moment-là de leur vie. Chacun était pris  à sa manière  dans ce grand branle-bas de la survie et de la réussite. Le temps n’était pas aux effusions ni non plus aux caresses mais à l’urgence  de tenir ensemble et d’avancer.

Le narrateur enfant  va se sentir en décalage par rapport à cette famille, pourtant si fraternelle, si solidaire,  et va de plus en plus se réfugier dans le monde accueillant des rêves et de l’imaginaire et dans la mélancolie. Et surtout il va lire.

«Les livres n’étaient pas à lire: compagnons d’existence, ils s’instituaient en outils de survie, sorte de vies commensales de ses longues solitudes. Le négrillon ne les abordait pas du tout d’une raison raisonnante : juste dans une gourmandise fusionnelle…Les livres ne devaient s’ouvrir qu’à mesure à mesure, comme sortant d’un sommeil. Cela se produisit quand il délaissa les images pour errer dans les mots ; quand il se révéla capable de ramener une phrase ; quand il accéda un jour à la divination d’un paragraphe ; quand il connut enfin l’irrésistible plongeon dans les remous d’une aventure, et qu’il en devint à jamais dépendant… Je parle d’une addiction. Celle qu’on attrappe par l’ivresse d’un vocable qui devient une étoile, ou par la houle d’un texte soudain plus vaste qu’un océan… Les livres étaient vivants… ». p.34

La relation que ce livre entretient avec les autres livres est considérable, du début à la fin. L’intertextualité est véritablement un motif qui parcourt tout le récit, et qui vient confirmer le lien privilégié que le narrateur a entretenu enfant avec la lecture et l’écriture et qu’il continue d’entretenir aujourd’hui encore où il écrit ce 3 ème récit d’enfance. La lecture a été le recours du narrateur dans les moments de grande tourmente, le tiers pacificateur capable de faire reculer les démons intérieurs et aussi  l’instrument qui apportera les réponses aux questions et aux énigmes de sa petite existence. C’est la littérature qui va l’aider à se construire.  Tous les livres, les chansons de gestes, les contes européens, les contes de fées, les contes antillais, Aimé Césaire, Saint -John Perse, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Baudelaire, les romans photos que Man Ninotte ramène, Alice au Pays des merveilles, les romans policiers,  tout ce qui est écrit sans discrimination.  En même temps que sa solitude croît, devient son compagnon favori, il voyage, en secret, dans des mondes inconnus en compagnie de  héros imaginaires.

Cette sensibilité solitaire, ce goût pour la solitude  nés d’abord dans la famille vont s’élargir à la collectivité  toute entière. C’est de cette solitude, de cette musique mélancolique qu’il va puiser désormais toutes les fulgurances et tous les bonheurs d’écriture qui en font aujourd’hui l’écrivain qu’il est.

L’écriture va aussi permettre la séparation d’avec la mère et d’avec l’enfance. Le père, amoureux du bien dire et surtout Man Ninotte, dans une prémonition programmatrice, ont introduit le petit garçon au Tabernacle des livres. Ils ont su transmettre à leurs enfants, à leur manière, l’amour des livres et du savoir. C’est dans cette filiation secrète que l’écrivain Patrick Chamoiseau s’inscrit encore aujourd’hui. C’est sa manière à lui de magnifier cette  mère exemplaire, de payer sa dette à ses parents et à sa famille et de dire enfin que de l’enfance on ne se sépare pas. On la met seulement à une autre place. Elle peut devenir pour un temps l’arbre qu’on interpelle:

«Certains oiseaux restent fidèles aux grands arbres décharnés….ils viennent encore accoster aux branches mortes…ils n’y font plus de nid, mais ils y viennent comme au temps du feuillage…et c’est sans doute là qu’ils puisent quelque force avant la migration, qu’ils récoltent la provende des ruines: avant l’abîme, ils engrangent la permanence de ce qui ne vit plus…» p. 276.

ou l’épigraphe du début du texte:

«Alors, comment vont les oiseaux quand l’arbre n’est plus là?» 

Elle devient surtout un  fidèle compagnon de route.

Cette perte surmontée, alors, toutes les autres deviennent négociables et l’imposition du mabouya, sorte d’adoubement proposé sur un mode carnavalesque, à la fin du récit, signe alors ce franchissement de l’enfance à l’âge adulte, ce passage à une autre durée, celle que la mort peut sereinement venir limiter. Marcher seul devient alors possible.

Pour finir,  je laisse la parole au poète: 

…..«C’est vrai que toute enfance entreprend très vite de fréquenter le crépuscule, dans un commerce fatal avec la nuit….

….Mais à la regarder, mémoire, la nuit offre l’étoile…

…Donc, cette quête est à bout de souffle: il n’y avait rien à chercher, seulement tout à trouver…L’enfant est au principe du vivant, flamme première et dernière, étincelle du goût de vivre et du savoir partir, vif du vivre qui seul peut garder l’illusion du sens et des saveurs…

…Man Ninotte est là, même à bout de mémoire, dans ses plantes rescapées que l’homme d’aujourd’hui arrose aux chaleurs de chaque jour…

….Et, dans une lucidité de rêves, de poésie et de romans, au cœur même de l’écrire, intact peut-être, attentif  toujours, et même à bout d’enfance, l’enfant est là…».

Marie-José EMMANUEL

  1. Professeur de lettres dans un lycée du Lamentin en Martinique, doctorante en littérature comparée, après un DEA sur les récits d'enfance Antillais.

 

A bout d'Enfance

A bout d'Enfance. Janvier 2005, GALLIMARD
ISBN 207075393X. 15,00 €

Viré monté