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Le ministre mise sur les langues régionales
 
par Bernard Le Solleu
Jeudi 26 avril 2001
Jack Lang, ministre de l'Éducation nationale, veut favoriser l'enseignement des langues régionales. Il parie sur le développement de véritables filières bilingues, de la maternelle à l'université.
 

Au sein de l'Éducation nationale, les classes bilingues étaient jusqu'alors expérimentales et marginales. «Changement de cap», a dit, hier, un Jack Lang qui ne craint pas de froisser le camp des laïcs attachés à l'enseignement de tous par une seule et même langue, celle de la République.

Une circulaire est prête: le breton, le basque, le corse, l'occitan, le catalan, le créole, les langues d'Alsace et celles des pays mosellans vont être reconnues langues d'enseignement à parité avec le français.
En réponse aux demandes ­ toujours plus nombreuses ­ des familles et des enseignants, le ministre veut développer des «filières bilingues par immersion», de la maternelle à l'université. Sur 24 heures de cours hebdomadaires par exemple, 12 heures seraient dispensées en breton, autant en français. Les collégiens pourront également choisir leur langue régionale comme première langue vivante.

C'est «un trésor à préserver et à développer», a expliqué un ministre convaincu depuis longtemps que l'excommunication de ces «langues de la France» était une injustice. Il parie également sur une dynamique.

La formation des maîtres

Jack Lang, depuis son retour rue de Grenelle, s'est personnellement investi dans les discussions avec l'association Diwan. Il a repoussé les critiques émises au sein même de son ministère.
«Nous sommes prêts à intégrer Diwan dans l'Éducation nationale ; il lui appartient de se prononcer. Nous ne voulons forcer la main de personne. Mais j'assume et je suis prêt à signer

Ce développement du bilinguisme régional va toutefois se heurter à des problèmes de recrutement, de formation des enseignants, et d'accueil dans les établissements. Les 17 académies concernées, dont Nantes et Rennes, vont devoir dresser un plan des besoins. Dès septembre, les instituts de formation des maîtres initieront des stagiaires volontaires. Un concours spécial de recrutement interviendra à la rentrée 2002. Pour combien d'enseignants? Le ministère ne livre aucun chiffre. Il se déterminera en fonction des demandes des académies.

Si les syndicats d'enseignants se montrent en général réservés, voire très critiques, des associations et des élus se disent plutôt enthousiastes.
Tel Jean-Yves Le Drian, le député socialiste de Lorient:
«C'est le début d'une réparation historique. Les Bretons qui ont milité pour la préservation de leur langue trouvent là une récompense à leurs efforts. Tout commence, mais les outils du renouveau sont sur la table»

Plusieurs conseils régionaux et généraux sont prêts à s'investir pour les langues que l'on disait jadis et péjorativement «minoritaires». Une convention «exemplaire», souligne Jack Lang, vient d'être signée en Alsace. La Bretagne pourrait en faire autant d'ici l'été.

Bernard Le Solleu