Discrimination positive ou discrédit des élites nègres ?

Raphaël Confiant
 

Attention : danger ! Ces temps derniers, une expression importée des USA flotte sur toutes les lèvres des décideurs français et des leaders d'opinion de la «communauté noire» de France. Il s'agit de la célèbre affirmative action, traduite sur les berges de la Seine par le malencontreux discrimination positive. Traduttore tradittore, disent les Italiens, tout traducteur est un traître. En voici un bel exemple ! Car d'un côté, on a «action » c'est-à-dire mise en place de «mesures visant à promouvoir» et de l'autre «discrimination» c'est-à-dire mise en place de «mesure visant à exclure». Autrement dit, «affirmative action» a un look nettement moins inquiétant que son petit frère «discrimination positive». Mais trêve d'arguties stylistiques puisqu'au fond les deux termes recouvrent la même réalité !

De quoi s'agit-il donc exactement !

Disons-le tout net : cette politique vise à jeter le discrédit sur les élites nègres en particulier et «non blanches» en général. Pourquoi? Parce que trente années d' «affirmative action» aux USA ont montré que cela revenait simplement à faire émerger artificiellement des élites nègres sans que le sort de l'immense majorité des Noirs américains en soit amélioré.

Colin Powell et Condoleeza Rice peuvent parader sur le perron de la Maison Blanche, il n'en demeure pas moins que 70% des gens qui peuplent les prisons étasuniennes sont des Noirs alors que ces derniers ne sont que 15% de la population des USA; 65% des jeunes noirs quittent l'école sans diplôme, n'ayant pour toute alternative que de s'engager dans l'US Army ou de devenir dealer de drogue; 60% des femmes noires survivent grâce au «Welfare», ces allocations qui en font des assistées à vie, scotchées devant leur poste de télévision à regarder les programmes débiles de près de quarante chaînes de télévision; 50% des crimes de sang concernent les Noirs etc…etc…

On n'en finirait pas d'aligner les chiffres désastreux, d'autant plus désastreux que deux autres minorités, arrivées très longtemps après les Noirs, à savoir les Hispaniques et surtout les Asiatiques, parviennent, non sans difficultés certes, à se faire une place dans la société étasunienne sans le moindre coup de pouce du Papa Blanc, cela alors même qu'au départ elles ne sont pas, contrairement aux Noirs, de langue anglaise et de religion protestante. 50% des ingénieurs de la «Silicon Valley» sont des Asiatiques (Chinois, japonais, Indiens, Pakistanais, Arabes etc…) alors que cette communauté n'entre que pour…4% dans la composition de la population étasunienne.

L'égalitarisme républicain à la française ne fait pas mieux ! nous rétorquera-t-on.

Fort bien mais au moins, les rares élites qui parviennent à émerger le doivent à la seule force de leur poignet et de leurs neurones. De l'Antillais reçu à l'ENA ou à l'agrégation à celui qui passe un concours de catégorie C de la Poste ou des Hôpitaux, aucun n'a bénéficié de la moindre mesure de «discrimination positive». Ils n'ont bénéficié d'aucune faveur du « Maître Blanc » et peuvent regarder celui-ci droit dans les yeux.

Aimé Césaire n'a pas fait Normal Sup', Frantz Fanon n'est pas devenu psychiatre, le professeur Roy-Camille n'a pas été élu président de l'Académie de Médecine dentaire, le professeur Dowling-Carter n'a pas atteint les sommets de la cardiologie, Patrick Chamoiseau n'a pas obtenu le Prix Goncourt etc…grâce à une faveur quelconque du système. Ils ont été à l'école, puis à l'université sur les mêmes bancs que leurs camarades blancs, ont subi les mêmes examens, affronté les mêmes concours que ces derniers. Exactement les mêmes.

Mais que dire d'un Colin Powell, aussi brillant soit-il, qui est passé au grade de général au seul motif qu'il est noir et cela alors même que cette année-là, d'autres colonels, blancs ceux-là, avaient les mêmes qualifications que lui ? Que dire de tous ces Noirs étasuniens qui sont présidents de ceci, directeurs de cela, alors que tout le monde sait qu'ils ont bénéficié de l' «affirmative action» ?

Ainsi donc, alors qu'aucune suspicion ne pèse sur les qualités intellectuelles des Noirs ayant évolué dans le système de l'«égalitarisme républicain» (qui oserait soutenir sans rire que Frantz Fanon a usurpé son diplôme de psychiatre ?), il en va tout au contraire de la plupart des Noirs ayant évolué dans le système de l' «affirmative action».

Mais il y a pire: bien que l' «affirmative action» ne concerne finalement qu'un nombre réduit d'individus, ce système est si pervers qu'il jette aussi la suspicion sur les Noirs étasuniens qui…n'en ont pas bénéficié. Qui ont «réussi» par leurs propres moyens. Un exemple : le PDG de SYMANTHEC, la plus grosse société mondiale de logiciels anti-virus (c'est elle qui fabrique le fameux «Norton Anti-Virus» que tout un chacun connaît), est un Noir étasunien, John Thompson. Ce dernier n'a pas bénéficié de l' «affirmative action», il a passé ses examens d'ingénieur en informatique comme n'importe qui, a monté sa propre boite laquelle au bout de dix ans a fini par devenir le numéro 1 mondial dans son domaine. John Thompson, dans plusieurs interviews, raconte comment, très souvent, ses interlocuteurs, blancs ou noirs, laissent sous-entendre qu'il «est un bel exemple de la réussite de l'affirmative action» ! ! !

La chose est donc entendue: s'il est vrai qu'aucun des deux systèmes - l'affirmative action et l'égalitarisme républicain - n'améliorent le sort de l'immense majorité des Noirs, le premier a pour effet de discréditer les rares élites noires et, en fin de compte, de dégrader encore davantage l'image du Noir. Ce qui n'est aucunement le cas dans le second.

Il faut donc s'étonner que maints leaders d'opinion de la communauté noire de France s'accrochent à ce hochet, à cette poudre aux yeux, perverse en plus, et semblent prêt à emboîter le pas à Nicolas Sarkozy. Vous savez, celui qui se vante d'être surnommé «l'Américain» aux USA mais qui n'aurait pas eu le droit de se présenter à l'élection présidentielle étasunienne si son père, immigré hongrois, avait choisi de s'installer à New-York et non à Paris.

Même l' «affirmative action», qu'il tente de nous vendre aujourd'hui, n'aurait rien pu faire pour lui: pour se présenter à la présidence des USA, il faut être né de parents américains. Pur produit du système égalitaire républicain («Mon père faisait la manche à son arrivée à Paris» écrit-il dans un livre), voilà que Sarkozy nous vante l'affirmative action ! Comprenne qui pourra !

Ou plutôt si ! On comprend bien ce qui se cache derrière cette apparente contradiction : fabriquer en France des clones de Colin Powell et des Condoleeza Rice c'est-à-dire des Noirs qui seront toujours éternellement reconnaissants au Papa Blanc de leur avoir donné un coup de pouce. Car si les partisans de l' «affirmative action» étaient sérieux, s'ils allaient au bout de leur logique, ils devraient étendre le système à tous les secteurs de la société. Ils devraient instaurer des quotas pour les Blancs dans l'équipe nationale de basket des USA ou dans l'équipe de France de football ! Pourquoi ne le réclament-ils pas ? Et c'est là qu'on atteint le fin fond de la perversité de l' «affirmative action» qui vise en réalité:

  • à fabriquer artificiellement des élites noires entièrement dévoués à leurs «fabricateurs».
  • à cantonner les Noirs dans l' entertainement, dans l'amusement public, à savoir le Sport et la Musique.

L'égalitarisme républicain n'est certes pas la panacée, mais il produit des gens comme ce jeune Martiniquais qui a été l'ingénieur en chef des travaux de construction du plus grand paquebot du monde, le Queen Mary 2. Personne ne nous fera croire qu'il a été choisi pour occuper cet importantissime poste grâce à la seule couleur de sa peau. Trop de dizaines de milliards étaient en jeu !

Antillais et Guyanais de France, ne tombez pas dans le piège américano-sarkozyste !

  
 

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