A propos de Dieudonné

Ernest PEPIN

Dieudonné
Dieudonné en Martinique, mars 2005. Source

 
L'heure est au lynchage médiatique. Il fait un temps vengeur où soufflent tous les cris d'une curée bien-pensante. Sus à Dieudonné ! Sus à l'antisémitisme et que meure la bête.

Ce serait trop beau si depuis des siècles et des siècles les indignations vertueuses ne faisaient pas forcément les vraies vertus.

De quoi s'agit-il ?

D'un humoriste qui au lieu de se contenter de faire rire, veut de surcroît nous obliger à penser en dehors des facilités de nos bonnes consciences. Non pas penser blanc, non pas penser noir mais penser tout court.

Penser qu'en son temps la négritude fut la bête noire de la pensée française à de rares exceptions près.

Penser que si l'esclavage des noirs a constitué un crime contre l'humanité qu'il a fallu batailler ferme pour faire reconnaître comme tel par la République Française, l'immense majorité des français l'enterre par ignorance, par désinvolture morale ou par arrogance pontifiante.

En clair, ce crime pour reconnu qu'il soit n'est pas assumé par la République.

Penser que le crime contre l'humanité des juifs s'il mérite et reçoit une légitime repentance n'occulte en rien le crime contre l'humanité des noirs auxquels on conseille trop souvent d'oublier au nom d'un passé révolu et d'une histoire achevée.

Penser que nous avions le fouet, le fer chaud, le viol, le lynchage, les tortures les plus raffinées pour matricule dans les camps de concentration légaux qu'étaient les plantations et les habitations.

Penser qu'aucun peuple, qu'aucune culture, qu'aucune ethnie, qu'aucune religion, qu'aucune couleur de peau ne détient le monopole de la souffrance, de l'injustice ou de la cruauté.

Penser qu'aux Amériques et dans la Caraïbe des millions et des millions d'hommes noirs et de femmes noires ont été déportés, torturés, assassinés tandis que passait, impuni, le rouleau compresseur de la colonisation.

Penser aux sorts réservés à la Venus Hottentot, à Cyparis, aux tirailleurs sénégalais autrefois et aujourd'hui à bons nombres d'antillais, d'africains, et de métis qui subissent quotidiennement le racisme ordinaire, bête, humiliant et dégradant.

A ceux qui répondent comparaison n'est pas raison, l'honnêteté commande de rétorquer que la comparaison, en l'occurrence, ne vient que souligner une injustice flagrante dont la majorité des noirs et des «hommes de couleurs» se sentent les victimes.

A ceux qui pensent qu'il est idiot d'établir une hiérarchie dans les crimes contre l'humanité, je réponds oui, mille fois oui, à condition que tous les crimes contre toutes les humanités reçoivent le même traitement.

La question n'est pas de savoir si les juifs ont plus souffert que les noirs, ou l'inverse, la question est savoir, si la France et les français considèrent qu'ils ont l'obligation morale de ne pas minimiser l'immense et durable crime commis envers les hommes noirs et les femmes noires.

C'est le grand et vrai problème que tente de soulever Dieudonné. Il le fait avec courage. Il le fait avec obstination et il le fait parfois avec outrance.

Je condamne l'outrance, je ne puis condamner la tentative.

Même si Dieudonné n'est pas fondé à dire qu'il parle au nom de tous les noirs, c'est une grande part d'histoire qui sous-tend son propos et on peut affirmer qu'il dit tout haut, même mal, ce que beaucoup pensent tout bas.

Le convertir en antisémite, c'est proclamer, par un tour de passe-passe inacceptable, qu'il existe une cause exemplaire, unique, intouchable, pure: la cause juive et c'est prouver, qu'il est interdit aux noirs de se révolter contre la déshumanisante torture du silence, de l'amnésie et du mépris de leur histoire.

La vérité c'est que nous avons tous les mains sales et qu'il faudra bien, un jour, les laver en famille sans exception particulière et sans privilèges abusifs.

Tant de films, de sketches, de blagues, de spectacles ont tourné les noirs en dérision pour la plus grande joie du public sans que personne ne bronche ou ne se sente incommodé par un racisme d'autant plus pernicieux qu'il est «convenu»!

Nous avons le devoir de condamner, sans l'ombre d'une hésitation, tout ce qui peut dresser les juifs contre les noirs, les êtres humains contre d'autres êtres humains.

Nous avons également le devoir de condamner les sous-pesées et les pesées de l'histoire sanglante et folle de l'humanité.

Nous avons enfin le devoir d'assumer tous nos martyrs sans distinction, sous peine de voir, de tant à autres émerger de la nappe du silence un volcan mal éteint, un brûlot sulfureux, un Dieudonné en colère.

Dans cette affaire, n'est pas antisémite celui qu'on croit mais au contraire celui qui affuble l'homme juif et la femme juive du péché d'intouchabilité, d'une immunité historique, philosophique et humoristique.

Dieudonné n'a commis qu'un crime: celui de mal défendre une bonne et noble cause: celle de la discrimination des mémoires.

Il nous rappelle également que les mémoires n'ont ni couleur, ni sexe, ni religion.

Il appartient à l'humanité toute entière de se souvenir équitablement pour redonner à tous les êtres humains leur dignité perdue.

Ernest PEPIN

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