L’envers du décor
Les indispensables artisans en coulisses

Tournage
 Tournage
Rony Siméon à la caméra,
Position assise Roody Robuste
et le regretté Patrick Cherylus.

Entretien réalisé avec
Les réalisateurs: Frantz Louis et Rony Siméon
du Studio S.E.S Films Inc.
Productions et Distributions

 Frantz Saint-Louis «Fabienne Colas aime la caméra et la caméra l’aime
Parole d’un technicien d’expérience.

Par Marie Flore Domond

Les techniciens de plateaux seraient-ils victimes de leur propre mot d’ordre? «Silence on tourne.» Cette consigne qui fait appel à une atmosphère de tournage paisible n’a-t-elle pas eu une répercussion sur les artisans eux-mêmes qui n’échappent pas à un monde silencieux presque fantôme? Les techniciens du domaine audiovisuel sont omniprésents mais quasi invisibles; alors qu’ils façonnent des décors, transforment la vie des artistes sous le feu des projecteurs, inventent des effets spéciaux pour mettre plein la vue aux spectateurs. Frantz Louis et son co-équipier sont des jeunes entrepreneurs aux multiples habiletés dans le champ d’activité du show Bisness à qui je demandé de me parler de l’envers du décor. C’est avec passion qu’ils m’ont confié leur itinéraire respectif et de la synchronisation de leur travail d’équipe.

Les deux font la paire

Monsieur Frantz Saint-Louis et Rony Siméon sont partenaires en affaires depuis 1999. Ils n’ont pas eu le même parcours de formation professionnelle. Cependant, ils ont toujours eu les mêmes contacts dans le cadre de leur profession. Saint-Louis a fait ses études au Collège Canado en électrotechnique (électricité et électronique). P.V.S. Polycarpe Vidéo Studio a été pour lui un bon tremplin, là où il a travaillé avec Théodile Éléacin pour le compte de Reynald Delerme. Éléacin dit-il est un artiste accompli. Il est peintre, décorateur, bref un créateur qui s’occupait du montage des plateau. Car en ce temps, il n’y avait pas encore la possibilité de faire des effets spéciaux. Le mieux, c’était de créer des maquettes. L’entraînement Saint-louis auprès de ce dernier a renforcé ses habiletés de concepteur, de dessinateur et de caricaturiste. Il s’est fait remarqué par les dirigeants de la Télé Haïti et a été engagé comme technicien. De là, il a reçu une formation en réception satellite et n’a pas tardé à devenir employé cadre de la chaîne de télévision, par surcroît, responsable des équipements studios, de la salle le contrôle de rédaction, de régis et autres périphériques.

Il a fait la connaissance de monsieur Rony Siméon qui travaillait pour la boite de production polyvalente: Arc-en-ciel Vidéo Productions qui faisait de la sous-traitance. Ce dernier, étant caméraman de formation a vite développé une affinité avec son supérieur immédiat. Autant dire que leurs formations se complètent. Siméon est un ancien élève de Frères Jacméliens. Au cours de l’entrevue, il m’a confié que toute sa famille a hérité du Don de la sculpture. Pourtant, il a délaissé cette habileté par amour pour la technique audiovisuelle. Saint-Louis de son côté, possède une formation parallèle en production radiophonique.

Aussi loin qu’ils se souviennent, ils ont toujours été au poste de commande, derrière la caméra. Demander leur d’inverser le rôle contre un écran ou un micro, ils prennent aussitôt l’allure de deux indiens dans la ville. Ils n’ont aucune explication rationnelle à cette réticence. Personnellement, je pense qu’ils ont peur de perdre le contrôle de la situation.

Pour débuté l’entretien, je leur ai demandé que signifiait le cigle de la raison sociale de leur entreprise : S.E.S. films Productions et Distributions? – C’est l’abréviation de nos deux noms de famille. Saint-Louis et Siméon.

Monsieur Frantz, selon vous la formation acquise en Haïti est-elle compatible à l’échelle du Canada ou du Québec?

Cela devrait puisque j’ai eu ma formation au Collège Canado qui est une filiale d’ici. Pourtant ce n’est pas le cas. J’ai frappé à plusieurs portes depuis mon séjour qui sont demeurées fermée. Le système est complètement hermétique. Malgré mes formations d’appoints au Sénégal. Mes formateurs étaient des Japonais. J’ai eu également une formation en France sans compter mon stage à la R. F. I. (Radio France Inter) et la Télé T. F. 1

St-Louis

Je suppose que c’est pour cette raison que vous avez décidé de fonder votre propre entreprise ?

F. St-Louis.- Notre groupe de productions audiovisuelles existe depuis 1999. Nous avons eu un autre associé qui s’est désisté au cours de route. – Et le cigle alors?Justement, la lettre du milieu représentait son nom. Et comme il n’est plus là elle a servi de liaison.

Le Show bisness est une affaire de frottement et de contacts. Avez-vous bénéficié d’un parrainage quelconque pour pouvoir vous introduire dans la profession monsieur Siméon?

R. Siméon.- Étant donné que Frantz faisait appel à moi régulière pour un contrat, c’est évident que nous avons côtoyé les mêmes têtes d’affiche, les mêmes dirigeants, le monde du milieu quoi! J’ai débuté ma carrière chez Arc-en-ciel Vidéo productions. Mon patron était un ancien général de l’Armée retraité: monsieur Roland Chavannes. Il y avait Guy Salvador comme caméraman, et moi je remplissait le rôle de machiniste, accessoiriste et chauffeur. Les autres membres de l’équipe de l’Arc-en-ciel Vidéo V.P. étaient donc composés de madame Agathe Fabien, Vénia Victor, Gérard Jean Gilles. Sans oublier la journaliste Anaïs Chavenet et Ednet Jean qui sont actuellement à Communication Plus. Et Moïse Camelio, qui a débuté comme accessoiriste, puis machiniste. Je suis heureux de savoir qu’il est le réalisateur du film: Le 11ième commandement. Après le départ de Guy Salvador pour le Palais National, j’ai été nommé caméraman en chef de la boîte. C’était en 1991.

Le cinéma haïtien a connu un élan subit, une forme d’éclatement de l’industrie cinématographique. Pouvez-vous m’expliquer la cause principale de ce phénomène?

F. Saint-Louis.- L’éclatement comme vous le dites s’est produit après notre départ. C’est en grande partie le phénomène de la vidéo amateur et une percée spectaculaire de l’informatique, des équipements électroniques. Autrefois, une caméra professionnelle pouvait coûter au-delà de 30'000 dollars. Aujourd’hui, on peut se procurer une caméra à prix modique. C’est un ensemble de petites choses qui a causé la popularité du monde cinématographique.

Tournage
 Salle de contrôle de Télé Haïti
au bout à gauche, Frantz Saint-Louis,
au centre Christian Alphonse,
à droite Moïse Guerrier.

Pensez-vous que tout technicien devrait développer des habiletés de dépisteur de talent afin de faciliter une meilleure sélection d’artistes prometteurs?

R. Siméon.- Le rôle véritable d’un caméraman c’est de rendre justice au talent de l’artiste. Car si ce dernier accomplit mal son travail, il peut nuire à la carrière d’une vedette. Surtout si la caméra se montre indiscrète et que le caméraman s’amuse à faire des insères sur les toutes les imperfections. C’est pour cette raison que S.E.S. inc. Productions et Distributions a le souci du travail au niveau technique que ce soit pour une publicité, un documentaire, court métrage ou un long métrage.

Dans le même ordre d’idée, vous avez déclaré que l’actrice Fabienne Cola aime la caméra et que la caméra l’aime. Quel est selon vous le rapport de cette «haute définition» entre l’instrument et le personnage?

F. St-Louis.- Fabienne est une actrice qui a une remarquable prestance devant la caméra. En travaillant avec elle, j’ai appris à l’analyser de fond en combe. Qu’elle performe ou qu’elle s’amuse, sa prestance est constante.

Comment conciliez-vous la tâche de producteur à celle du réalisateur et même du distributeur?

F. St-Louis.- Généralement, nous nous occupons de nos tâches respectives. Siméon est du genre chimérique vis-à-vis de ses équipements. Il règne entre nous une forme de rigidité d’un côté et de souplesse de l’autre.

Êtes-vous des réalisateurs intransigeants du genre à prendre ou à laisser?

F. St-Louis.- Disons que quand notre décision est prise, elle est prise. J’ai remarqué que certains acteurs professionnels sont plus flexibles par rapport à la position du réalisateur. Sur le plateau du film Jeunesse dans l’ombre du réalisateur Germain Gervais, un acteur expérimenté comme Maka Koto pouvait proposer une idée sans vouloir qu’elle soit à tout prix exécutée. Alors qu’au cours d’un tournage, j’ai du changé une actrice débutante qui n’acceptait pas que sa proposition ne soit pas honorée.

En matière d’influence, quel est l’impact de votre entreprise sur l’industrie du cinéma Haïtien dans la communauté?

R. Siméon.- En toute modestie, nous croyons que notre Maison de Productions est polyvalente et se tient en respect en matière des normes imposées par la Régie du Cinéma Québécois. Sur le plan légal, c’est notre vigile. Quand une équipe de productions haïtiennes débarque à Montréal, nous représentons leur lieu de référence, que ce soit en provenance d’Haïti ou des États-Unis. C’est comme si nous étions le passage obligé.

Parlons-en du piratage. Pirater une œuvre est-ce un signe que le produit est satisfaisant. Dans ce geste bien que malhonnête et économiquement néfaste pour les artistes, n’y à t-il pas un message d’appréciation des artistes concernés?

F. St-Louis.- le piratage est un phénomène qui prend beaucoup d’ampleur. C’est un sujet qu’il faut traiter avec des gans blancs. Cependant, chaque chose à un prix. La qualité du produit piraté est nettement inférieure à l’original. Nous demandons à tous les consommateurs partout dans le monde non seulement d’écouter, de suivre et d’appliquer les conseils prodigués dans les publicités de S.E.S. films inc. Productions et Distributions.

D’après vous, les mesures du contre piratage sont-elles assez efficaces pour dissuader les contrevenants?

F. St-Louis.- Sur le plan pratique, il existe des équipements sophistiqués pour dérouter le piratage. Mais ils est dispendieux.

Montréal, est-elle une plaque tournante pour les activités cinématographiques. Combien de films ou de spectacles parvenez-vous à tourner au cours d’une année?

R. Siméon.- On ne peut pas dire que 2005 a été une année néfaste pour le cinéma. Nous avons eu du pain sur la planche avec le week-end du cinéma Haïtien. Vu le caractère multifonctionnel de notre boîte de productions cela nous permet de nous occuper. Nous travaillons présentement sur un projet de film très intéressant.- Voulez-vous en parler ?Nous ne voulons pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tuer. En temps et lieu nous ferons les déclarations nécessaires. Pour ma part, j’ai été caméraman dans: LE PÈRE DE MON FILS. J’ai fait partie de la distribution du film CAP À LA UNE  en jouant le rôle du chauffeur de taxi. J’ai rempli le rôle de caméraman dans CICATRICE  et QUARTIER SANS ISSUE. Pour Frantz, on compte CABALE, JEUNESSE DANS L’OMBRE, QUARTIER SANS ISSUE.

Quel est le pire tournage que vous avez réalisé jusqu’à ce jour. Et le meilleur également?

F. St-Louis.- Mon tournage le plus satisfaisant a eu lieu en Haïti, plus précisément à Kenscoff. C’était un documentaire intitulé: LA FAMILLE ERINA. Le caractère d’improvisation m’avait reversé. On avait demandé à une des interprètes de chanter. Au début, elle a résisté, soudain, elle s’est mise à chanter le décor de notre environnement. Pourtant, elle improvisait. Sa voix était si claire, si naturelle.- Et vous monsieur Siméon? - Moi aussi c’était un documentaire sur la pisciculture du nom de: TI POISON DO DOUS. C’était sous la direction d’une Belge, madame Van Vitch Len. Son professionnalisme m’avait beaucoup marqué. Le pire tournage, c’est quand nous avons tous les deux passé trois heures à attendre un réalisateur qui théoriquement voulait nous faire la leçon alors que sur le plan pratique il n’avait aucune expérience. Nous nous sommes amusés à mettre les équipements en place en attendant ses directives.

Frantz Saint-Louis de régis
Frantz Saint-Louis de régis.

 

 
Logo