Passages

à mes grands-parents

«Mais le poète, errant sous son massif ennui,
Ouvrant chaque fenêtre aux clartés de la nuit,
Et se crispant les mains, hagard et solitaire,
Imagine soudain, hanté par des remords,
Un grand bal solennel tournant dans le mystère,
Où ses yeux ont cru voir danser les parents morts.»
                                                 
(Emile Nelligan)

passé ô passages                     que disent les signes des plus belles saisons ---- mangles arrachés à la source des présages

sur quel pied danser aux grandes dérogations de ce monde quand ce n’est pas nous qui contrôlons la soif du crotale et l’alignement des tertres dérisoires

destinée au seuil de la folie des hommes                    à la veille des grandes manifestations pour la levée des chiffres et des fétiches
guidez-moi ô Maîtres des passes d’eau                     vers l’au-delà des lianes et du gluten --- par là-haut dans l’impatience des femmes et du lichen jusqu’à l’absurde ravissement de corriger les chartes de l’ère nouvelle

passé ô passages sur la chaussée des morts sans irriter l’étranger

au bal de la plus haute autorité à venir                            poètes aux médaillons de constat et aux acquis en dot d’écritures --- chefs de cabinets des langues sous les remparts de la parole
je vous imagine de là-haut dans les murènes du poème à relire

passé ô passagers des stèles et du burgau grands interpellateurs et protecteurs de promesses faites aux filles d’autres races qui sont aussi des femmes en pleine lactation

conduisez-moi dans la mémoire des lieux et dans la salle des solstices inaugurant les répliques du sel et la prudence des onagres                       --- vers l’au-delà des femmes et des chiffres mathématisés sous les délices du terrier aux bouges de nos égarements                       en toutes châsses et dans le meilleur délai accordé au rebelle civilisé

l’âme aux sistres des sept signes de l’humain                        de l’atome aux sources d’un âge nouveau                       au sanctuaire de l’Illuminé qui écrivit tant de poèmes partagés dans l’authenticité du songe

la mort avec son peuple de terriens                            l’amour à l’oreille d’une seule femme                            et le poète aux nœuds de ses soucis et dans ses mots en toutes langues impose la narration de l’inédit au gîte de sa belle

passé ô passagers des hautes messes sur la chaussée des morts sans irriter l’Ancêtre

 

au métissage des peuples qui n’existent plus / qui n’ont jamais défrayé la chronique en hauts lieux                       nous notons ce grand souci des hommes d’autrefois de sourire dans les soutes à poèmes                       sur le chemin des chantiers de l’insoupçonnable conteur d’histoires et maître de cérémonies

maître de céans et gardien des sceaux de l’hôte occulte qui parle au vent

nous notons encore la plénitude de leurs conjurations publiques             des rituels aux pelletées du doigt sans demander d’office              de leurs interdictions aux grands accomplissements de l’homme grâce au métier d’Enchanteur

poètes qui fascinent à la coupée des présages et à la franchise de leurs droits d’aînesse
poètes inconsolables sur l’étendue des aires que nul n’ignore quand ce n’est qu’aux fiançailles de l’antiphonaire --- les mots sans chair d’une écriture nouvelle attestent de l’homme frappé d’aphasie et de son chant d’affluents
poètes intransigeants au buffet des grandes failles où les forceries des vivants font défaut             où la sécession de l’humain n’est que signe d’intempérance

ô passé / ô passagers des hauts lieux en signes de présages …

 
Pierrefonds, mars 2003


 

 
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