Divagations
autour de toi

pour Davertige

«et moi dans les rues fondantes j’ordonne le cours des eaux»
                                                                  (Jacques Brault)

Poète                  un doigt dans la bouche des morts
les mots sur un caillou du train de nuit qui passe toujours par le même chemin depuis que tu arroses des fleurs dans le silence des mômes à genoux

deux pièces lancées au passeur passionnel des exils et des abandons prolongés

et te voilà                  homme de cœur attaché au fil d’Ariane
             inaccessible à la marche des morts / à la douleur des dryades et ondines qui disent à l’oreille des mages la gloire inopportune des gnomes

la nuit qui porta le poème dans tes mains                  vaste que je voudrais davantage                  au lieu de ma naissance                  imprimer tes pas de bonze dans les coffres d’un homme / crâne rasé de l’indigène

que la palme / la gloire prématurée ou l’absence qui t’est échue                  soit ouverte à l’attroupement des mots et à l’injure
Rimbaud qui de tes yeux de curé collecte des roses et des pucelles embauchées aux goûts de sucre d’orge et de porte-bonheur bien ajusté
les bornes dans les yeux des fontaines                  que faut-il ajouter à la femme idéale sinon les mots du poème à s’imaginer dans le lit du donneur

ton livre grand ouvert aux coccinelles des casiers de ma bibliothèque
              l’unique témoin de mes dix doigts bruns dans les tabatières du poète imberbe                  pages de carbone enroulées aux interrogations sans défense
d’auteur habile de nuit qui fait parler l’exil du dormeur au bord des larmes

tu étais cette main créatrice                  ressui du vent installé à l’abattoir des alouettes                  jeune corvée qui n’a pas eu le temps d’aimer les filles et les tribus de femmes que dévisagent les masques dans la harpe du cellier

Poète                  tes pas dans la nuit des orantes sont désormais de ceux qui vont recommencer                  le tombeau des Rois                  la charte des péchés aux chancres de la plus merveilleuse femme amendée
              le pavot de l’archevêque alité tel un enfant                  le doigt dans les affres du vicaire installé à l’ombre d’une mégère

comme cette vierge plus intense que la fusion des atomes                  plus étale et aussi folle que la coulée de tes phrases dans la cour des miracles ô mots de la longue liste des voyelles aux chevauchées simiesques

me parlent les poètes et je les conseille dans leurs tocades et dans leurs intimités d’hommes à odalisques conquises par la nèfle des plaisirs souterrains                  me gâtent jusqu’à l’étourdissement les poètes de mots fragiles dans les livres d’épitaphes courts pour le premier des morts au cœur hermaphrodite

tu étais cette main généreuse                  ressac du vent libéré de la prison des souverains                  regard feuilleté tel un guide chimane Poète friand des mots doux / des archipels où veillent les totems sur la tribu des mers

le cœur inédit d’un oiseau                  rare dans les calendriers des poètes / témoins de la brûlée de la terre des hommes bons et du braconnage de l’antilope massive dans la savane vierge de toute eau lourde et de toute assistance des mâles vétérans du sanctuaire qui t’accompagneront dans la foulée des mots et sous un chant des nobles / poètes du pays voisin que célèbrent les dieux

…. à l’envol d’un oiseau inédit

 

Montréal, 27 juillet 2004
 

 
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