Galerie de peinture mauricienne
Galri lapintir morisyen

Gabriel Fropier

Emmanuel Richon

Gabriel Fropier

Sir Gabriel Pierre Jules Fropier naît en 1808 à Rivière du Rempart, dans le Nord de l’île, qui était encore française pour deux ans. Il est issu d’une riche famille d’avocats et notables mauriciens, il passa son enfance dans l’aisance et l’insouciance, au milieu d’une grande propriété où les esclaves assuraient les beaux jours d’une société “vieille-France” bercée par l’insouciance et la certitude de sa supériorité.

Marié en 1829 à Flacq à Henriette Françoise Le Marié, il décide à son tour de partir pour la France, afin d’y étudier le droit. Il obtient brillamment sa licence en 1839 puis retourne à Maurice aussitôt, où il se fait inscrire au barreau en 1841.

Ses brillantes plaidoieries le distinguent et le rendent vite renommé à titre professionnel. Veuf encore jeune, il décide d’épouser en secondes noces la veuve de Julien Desjardins, le fondateur du Museum, futur Mauritius Institute. En 1847, il devint membre de la Royal Society of Arts and Sciences, l’histoire naturelle étant pour lui comme une seconde passion.

Gabriel Fropier

Parallèlement, il mène à bien une carrière d’avocat exemplaire, qui lui vaut, sans doute, d’être nommé membre du Conseil du gouvernement en 1850. Son violon d’Ingres pour l’étude de la Nature devait l’amener à présider la Chambre d’Agriculture. L’année suivante, il fut élu maire de Port-Louis, cela dans des conditions particulièrement difficiles, puisqu’après le décès de l’illustre Louis Léchelle, l’épidémie de choléra non jugulée, devait ravager Port-Louis et ses faubourgs, ce qui contraint son équipe municipale à s’atteler à gérer une situation humanitaire des plus complexe et délicate.

En 1859, il reprit la présidence de la Chambre d’agriculture et eut l’illustre bonheur de pouvoir donner son nom à un arbrisseau, le bois Bigaignon, de la forêt endémique, réputé pour la qualité de son bois et la succulence de ses baies, le Fropiera mauritiana. L’idée en vint à Louis Bouton.

En tant que président de la chambre d’agriculture, Gabriel Fropier eut également fort à faire, étant donné l’ampleur de la propagation du borer, sorte de lépidoptère dont les larves creusent des galeries dans les tiges de la canne.

Gabriel Fropier

En novembre 1848, le gouverneur, Sir William Gomm, avait fait expédier la goëlette L’Elisabeth à l’île de Ceylan, afin d’en rapporter de nouvelles boutures de cannes. A leur arrivée, on détecta aussitôt la présence de chenilles troueuses à l’intérieur des tiges et, malgré l’interdiction formelle de les planter, celles-ci furent repiquées clandestinement. En 1862, la situation prit une mauvaise tournure, touchant de nombreuses parties de l’île, et c’est ainsi que G. Fropier, en tant que président de la chambre, fut amené à prendre un certain nombre de décisions visant à éradiquer sinon à circonscrire l’intrus:

“un prix de 2000£ fut ainsi proposé à quiconque découvrirait le meilleur moyen de se débarrasser du borer (Eldana saccharina).”

C’est ainsi que nous sommes redevables à la prudence avisée de G. Fropier, qui réfléchit à deux fois avant d’opter pour l’introduction éventuelle d’une fourmi prédatrice d’Afrique du Sud, comme préconisé par Evenor Dupont.

“Messieurs Bouton et Regnard qui ont bien voulu accepter la charge d’inspecter minutieusement cet insecte, conclurent que les fourmis, reconnues d’une voracité extrême ... se seraient attaquées indifféremment aux chenilles et à certaines plantations.”

Par contre, afin de ne pas renouveler la même erreur qu’en 1848, G. Fropier demanda au gouvernement de détacher le collecteur des douanes et de l’affecter à l’examen des cannes introduites, cela pour éviter l’introduction malencontreuse d’insectes nocifs et de maladies dangereuses.

Gabriel Fropier

C’est également à la suite de cette importation fâcheuse du borer, que G. Fropier pria Louis Bouton, botaniste renommé, d’étudier les différentes espèces de cannes cultivées à Maurice, cela en vue d’améliorer la résistance aux larves du borer. Recherche qui devait servir d’embryon à tout ce que Maurice peut aujourd’hui s’enorgueillir de posséder en matière d’étude scientifique de la canne.

Fort de ces succès et d’une notabilité évidente, G. Fropier est chargé par la chambre d’agriculture de défendre les intérêts des planteurs à Londres au Bureau colonial. A Londres toujours, il représente encore Maurice au Congrès international de statistique. Il quitte Maurice pour deux longues années et un périple qui le fait visiter l’Egypte, l’Irlande, l’Italie et la Suisse.

A son retour en 1862, il reprend naturellement la présidence de la chambre d’agriculture. Comblé d’honneurs, il est alors fait Chevalier de la Reine Victoria. Il exerce une dernière fois la présidence de la chambre en 1866, puis connaît de sérieux revers de fortune. Auguste Toussaint déclare pudiquement “des opérations désastreuses ayant compromis sa fortune”, qu’entendre par un tel euphémisme?

Gabriel Fropier Gabriel Fropier

Toujours est-il qu’il est amené à démissionner du conseil du gouvernement et semble alors se retirer en acceptant un modeste emploi de magistrat stipendiaire au district de Savanne et y meurt au village de Souillac en 1870, le 12 novembre, à l’âge de cinquante-deux ans, rattrapé par la malaria. M.V.L. Delafaye le remplacera à la magistrature de cette localité.

En tant que premier président de la chambre d’agriculture, G. Fropier n’a pas ménagé ses efforts et a su donner à cette institution, tout comme Louis Léchelle le fit pour la chambre de commerce, des lettres de noblesse, en intervenant auprès du gouvernement toutes les fois que les intérêts de l’agriculture et évidemment de la canne, étaient menacés ou en jeu.

Ainsi, on doit à cette chambre l’installation du chemin de fer et du télégraphe. En 1862, G. Fropier fut le premier à défendre la conservation des forêts. En 1866, la chambre projeta une étude sur l’endiguement des rivières. C’est G. Fropier qui, de concert avec M. James Morris, fut l’ardent défenseur des Mauriciens afin d’obtenir des prix calqués sur ceux des Indes occidentales. C’est sous la présidence de G. Fropier toujours, qu’en 1862, fut effectuée la première expédition des sucres mauriciens dans l’Inde, qui resta le principal débouché de cette industrie jusqu’en 1911.

Vue de Port-Louis vers 1860

Vue de Port-Louis vers 1860.
 
 
 
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