Ayiti

Pas de gagnants

Jean Erich René
 

Les lois économiques sont conditionnelles et relatives. Elles n'ont pas d'universalités propres. Elles s'appliquent à une période déterminée et dans un contexte social bien défini . La plupart des théories économiques naissent par la suite des grandes crises telles que la famine, la récession qui ont suivi les grandes guerres etc... En partant de l'observation des mêmes problèmes économiques dans deux milieux différents ou à deux périodes différentes de l'histoire, on peut arriver à deux solutions distinctes.

Le sous-développement économique n'est pas identique partout dans le monde. Si on arrive à découvrir une certaine ressemblance dans les pays qui y sont affectés les thérapeutiques sont variées puisque les causes ne sont pas les mêmes.

Des erreurs de symptôme peuvent conduire à des mauvais traitements. Il n'y a rien qui puisse détériorer davantage la santé d'un malade qu'un diagnostic mal posé et une prescription mal ordonnée. Beaucoup de malades sont morts non pas à cause de leurs maladies mais par suite de certaines erreurs médicales. Dans le même ordre d'idées il est dangereux d'accepter sans aucune mastication, sans aucune déglutition les propositions de solutions parachutées en Haïti de manière a priori par certains dits experts internationaux.

Si dans le cas d'un malade il est possible de constater de visu la déchéance afin de cesser le traitement, les phénomènes économiques sont plutôt silencieux nous dit Marshall. Sans tambour ni trompette l'économie haïtienne fait sa descente aux enfers. Pourtant il y a un prix à payer en terme de chômage, de corruption des moeurs, de la qualité de la vie etc... Il est utopique de croire qu'on peut arriver à calmer la tension sociale haïtienne sans une amélioration des conditions économiques du peuple.

Notre plus grande erreur c'est de nous en remettre aux Institutions internationales et de manière spécifique aux bailleurs de Fonds internationaux pour relever Haïti de son effondrement. Dans notre naïveté coutumière nous oublions si le FMI et la BID sont des banques. Nous avons tendance à les confondre à des Institutions caritatives comme la Fondation Care, le Service Chrétien etc...

Et là encore, des Institutions qui furent créées au milieu de la guerre froide comme leviers pour renforcer la politique extérieure des pays donateurs et mieux rationaliser leurs interventions. Les Institutions de Bretton Woods comme toutes autres banques cherchent à maximiser leurs profits.

Elles n'ont pas pour mission de prêcher la bonne nouvelle pour préparer le retour du sauveur. Il revient à l'Administration étatique d'orienter les prêts reçus en vue de promouvoir notre croissance économique ou de les refuser. A quoi servent des dons et des prêts qui retournent aux pays d'origine par l'imposition de certains cadres étrangers et l'obligation formelle de s'approvisionner en fournitures de bureau et en matériels aux mêmes sources de financement. La bourgeoisie haïtienne peut répondre aisément aux problèmes d'investissement.

Elle représente la classe économique théoriquement nourricière de toute la société. Elle détient les richesses du pays. Sans elle le développement économique d'Haïti est compromis. St. Simon a fait ressortir la différence entre les oisifs et les producteurs en comparant les abeilles aux frelons.

Lénine affirme qu'il faut deux conditions pour l'éclatement d'une évolution:

  1. Les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l'impossibilité de vivre comme par le passé et revendiquent des changements profonds.
  2. Les classes exploiteuses et dirigeantes ne sont plus en mesure de vivre ni de gouverner comme autrefois. Tels sont les symptômes des maux actuels dont souffre Haïti. Si nos élites n'arrivent pas à un compromis, il n'y aura pas de gagnants.

Jean Erich René
mai 2005