Ayiti

Pas d'éthique sans étiquette

Jean Erich René
 

Les façons d'agir et de penser des acteurs politiques haïtiens défient toute logique. L'incertitude et l'hésitation qui imprègnent leurs processus de décisions créent un sentiment de malaise. D'où l'éclatement de certains conflits dus à un problème d'éthique.

Sur la scène politique haïtienne on ne sait pas qui est qui et qui peut faire quoi. Tout homme politique sérieux doit avoir une ligne de conduite. Généralement, le leader part à la recherche du juste et du bien. En conséquence, il respecte les principes fondamentaux du droit. Les normes morales guident ses démarches. Pour acquérir une certaine légitimité, ses actions doivent être appuyées par un large consensus. Le mobile des acteurs politiques haïtiens est plutôt personnel et passe en dehors des options collectives, d'où l'insignifiance des décisions prises par nos leaders qui n'ont d'ailleurs aucune envergure ni surface.

A travers des messages verbaux et non-verbaux, des dits et des non-dits se détachent en filigrane les sentiments de mépris et de mécontentement à leurs égards. La grogne commence à monter parce qu'on dévie de la ligne cardinale.

Lorsqu'on agit en son nom propre sans se soucier de la collectivité on s'attire la foudre. Aristote visait la Cité comme condition de la vie heureuse. La recherche du bonheur national ne peut pas être solitaire mais solidaire. On ne peut pas se contenter de remplir ses poches sans se soucier des autres.

Pour célébrer la fête bis de l'Indépendance 38 millions de gourdes ont été décaissées. Lorsqu'on fait partie d'une équipe la bonne éthique exige d'apporter des explications. Ce rapport Malice-Bouqui qui caractérise les relations entre les différentes factions politiques tue les projets de société les plus prometteurs pour Haïti.

La scène politique haïtienne est une véritable boîte à surprise. Il n'y a pas une communauté de pensées au niveau d'un même groupement politique. Les actions ne sont pas coordonnées. Quel que soit le camp choisi, on n'a pas développé des notions communes de ce qu'il convient de faire. On ne connaît pas les limites du tolérable et de l'intolérable. Chaque leader tente de s'enrichir à sa façon. Il faut des repères issus d'un consensus sur les manières de faire et d'agir. Il faut un code d'éthique. Il n'y a pas de génération spontanée, les principes de base de l'éducation sont préalables au code d'éthique. Même lorsque les Partis Politiques ont signé un code d'éthique ou un accord dit de gouvernabilité ,cela ne suffit pas . L'essentiel c'est de suivre la gravure. Certains leaders politiques haïtiens n'ont aucune étiquette. Ils peuvent être convergence aujourd'hui et Union Patriotique demain, Jean Claudiste avant hier et paradoxalement Aristidiste hier. On rencontre même des Socialistes dont les poches sont Capitalistes.
Alors de quelle éthique parlent-ils ?

La fonction politique haïtienne est bornée et monotone: un homme = un parti. Seule la voix du leader domine. L'Aristidisme est une tablette la colle préparée et consommée uniquement par et pour Jean Bertrand Aristide. Les autres formations politiques ne sont pas différentes. La preuve c'est que depuis 1986, on est en présence des mêmes candidats à la présidence avec les même discours rances. A moins qu'ils soient morts. Quelle catastrophe!

Si nous faisons un appel pour chaque Parti Politique haïtien de 1987 à 2005 c'est la même litanie. Oyez: MIDH: Bazin! RDNP: Manigat! PDCH: Claude! PSCH: Eugène! Ainsi soit-il! En quoi ont-ils contribué à améliorer les conditions matérielles d'existence de ce peuple? On ne peut pas parler en même temps d'éthique et de coup d'état.

La politique haïtienne prend l'allure d'une poésie inspirée par le contexte de l'heure. On ne fait pas appel à la raison, on laisse débrider son imagination. Actuellement on réclame le départ du gouvernement même après avoir signé un accord de principe garantissant un mandat de deux ans. Nos hommes politiques ont battu le record des accords qu'ils signent même lorsqu 'ils ne sont pas d'accord. Il y a un problème d'éthique sur la scène politique haïtienne. On ne se soucie pas de ses engagements vis à vis des autres. Les relations politiques sont fragilisées par l'esprit de fourbe.

Un code d'éthique n'a pas plus de valeur qu'un torchon dont on se sert au besoin et qu'on jette ensuite à la poubelle. L'efficacité d'un code d'éthique dépend du coefficient moral des signataires et de leurs sentiments d'appartenance. Il n'y a pas d'éthique sans étiquette.

Jean Erich René
juin 2005