Ayiti

Monsieur l’Ambassadeur

Jean Erich René
 

Mulet
Mulet, roche gravée en Val Camonica, Italie. Source

Ottawa le 6 Juillet 2005

Monsieur l’Ambassadeur,

L’examen clinique des Partis Politiques haïtiens nous emmène à découvrir certaines pathologies relatives à la violence qui sévit actuellement au pays. Ordinairement les agents pathogènes prolifèrent plus facilement au sein d’un organisme déjà affaibli. La violence et l’agressivité tout comme les ronces et les épines poussent anarchiquement sur des terrains abandonnés. Depuis quelque temps on assiste en Haïti à un phénomène social qui s’appelle: Kidnapping. Un sentiment d’angoisse commence à atteindre la population haïtienne et risque de provoquer le démembrement de notre société. Plusieurs têtes sont déjà tombées et personne ne sait à qui sera le prochain tour. L’impact de la violence est tel qu’il provoque la fuite de la population dans toutes les directions. Mr l’Ambassadeur vous avez pointé du doigt les leaders politiques haïtiens comme les principaux agents de cette violence. Nous avons l’honneur de vous inviter à recadrer les repères cliniques de la violence en Haïti afin de dégager certaines pistes.

Monsieur l’Ambassadeur,
Sous la Transition dite Démocratique, montée de toutes pièces par Washington, une nouvelle carte politique est en train d’être dessinée de manière informelle par des bandits armés. Il parait que rien ne peut les arrêter puisqu’il y a une absence volontaire de la prise en charge de ces assassins qui opèrent en toute impunité. Un phénomène socio-économique particulièrement grave se déroule à Port-au-Prince qui abrite actuellement près de 3 millions d’habitants. Non seulement il n’y a pas d’emploi mais les fonctionnaires de l’Etat sont en chômage déguisé. Avec la montée du coût de la vie ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts avec leurs maigres salaires. Il leur faut un supplément qu’ils vont chercher dans les trafics d’influence, les pratiques corruptives, la contrebande, etc...

L’esprit de débrouillardise occupe maintenant le centre de l’informel et atteint les couches les plus nécessiteuses de la population. Le cri de guerre a été lancé par René Préval qui a clairement conseillé de: ”Nager pour sortir”.

Voilà la logique qui nous a conduit à toutes ces formes de violence que vit le peuple haïtien et particulièrement le kidnapping. Ce climat de peur et de violence n’est autre que le produit d’une méchante orchestration de l’Administration Lavalas à la faveur de ce laxisme morbide et même suspect qu’affiche le Gouvernement de Transition. Les bandits s’auto-légitiment comme une nécessité de survie face à la misère qui accable le pays. Un programme de développement préparé par le CCI devrait améliorer la situation économique particulièrement difficile de la population haïtienne mais aucun fonds n’a été décaissé pour la mise à exécution des Projets proposés par le Cadre de Coopération Intérimaire ou CCI.

Monsieur l’Ambassadeur,
Ce contexte politique particulièrement difficile laisse émerger d’autres types de violences liées aux intérêts des Partis Politiques. La cohabitation d’une multitude de Partis Politiques est à l’origine de certaines frictions. L’organisation des prochaines élections crée des tensions passionnelles pour certains leaders qui ne jouissent d’aucun leadership.

Cette situation explosive a donné naissance à des groupes armés qui se manifestent de manière sporadique dans certains endroits pour troubler la paix publique. En intériorisant ce modèle presque tous les Partis Politiques ont recours à la violence pour accéder au pouvoir. A bien considérer certains leaders politiques, sans aucune formation académique, sans aucune expérience professionnelle, n’ont aucune chance de pénétrer au Palais National sinon que par la petite porte. Le nivellement par le bas serait leurs méthodes privilégiées pour faire le vide autour du fauteuil présidentiel.

Le caractère sélectif du kidnapping attire aussi notre attention. Nos commerçants, nos industriels et nos cadres socioprofessionnels sont visés.

La violence prend une orientation anti-nationale et laisse plutôt planer l’ombre d’une main internationale qui profite de la confusion pour aménager l’espace indispensable à l’implantation des structures mondialisantes. A ce compte nous apposons notre signature à l’endos de la lettre de change du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique Bernard Gousse qui dans son discours d’adieu a dénoncé l’hypocrisie de la Communauté Internationale et accusé certaines instances étrangères d’entretenir ce climat de violence.

Monsieur l’Ambassadeur,
Les accusations portées contre nos leaders politiques et sans conteste contre Jean Bertrand Aristide sont justes. Mais elles sont justifiées par la témérité de la Maison Blanche qui a éclaté les FAD’H et démobilisé nos soldats. D’où le vide dangereux qui s’installe en Haïti. Parallèlement, la création de la Milice aristidienne a favorisé la circulation des armes et la constitution de plusieurs bandes d’assassins, de voleurs, de violeurs et de kidnappeurs. En conséquence, vous conviendrez avec moi que le marché de la violence en Haïti n’est pas un monopole purement lavalassien. Le Gouvernement américain en porte une grande part de responsabilité. Nous croyons dur comme fer que le rançonnement des cadres socioprofessionnels à la barbe de l’ONU a pour but de décourager les forces vives de la Nation afin de leur inspirer le dégoût et les porter à fuir le pays.

Monsieur l’Ambassadeur,
Si nous sommes noirs, nous ne sommes pas pour autant des damnés de l’Enfer, c’est le Soleil qui nous a brunis. Nous sommes dotés d’une intelligence et doués de raison.

Jean Erich René
juillet 2005