AYITI

Haïtiens aujourd'hui

Magazine, Juin2006

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Haïtiens aujourd'hui

COUVERTURE

Wes Alcenat

Wes Alcenat ou l’avenir d’Haïti. Il suffit de traduire dans son intégralité le texte publié dans The Pionneer Press (Minnesota, USA) pour comprendre pourquoi ce jeune homme qui boucle cette année ses études aux Etats-Unis d’Amérique pour entrer à l’université, représente à nos yeux la génération de “l’avenir d’Haïti”. A ce titre, et pour honorer tous les autres de son âge engagés dans leurs études, il mérite la couverture de ce magazine. Le texte du journal américain se lit à peu près comme suit:

Westenley Alcenat? L’enfant qui sourit toujours. C’est ainsi qu’on l’identifie à l’école secondaire du Sud- Ouest de Minneapolis. Ce qui est remarquable au sujet de ce sourire c’est qu’il est vraiment l’expression de qui est cet enfant.

Il est heureux, optimiste et convaincu que le bien prélavera – en dépit des circonstances cauchemardesques et terrifiantes des premières années de sa vie en Haïti: terrains de jeux transformés en champ de bataille; écoles durant les jours de congé prolongé à cause de la terreur des soldats, armés de machettes, occupant les rues et investissant les maisons; scènes de tueries nocturnes illuminées d’éclairs d’explosions; femmes dans le voisinage beuglant alors qu’elles sont violées; cadavres couverts de mouches abandonnés dans les rues au spectacle de tout le monde.

Avant que Wes ait 6 ans, ses parents ont été assassinés. Il ne savait pas que son père était perçu comme un partisan du prêtre Jean-Bertand Atistide qui, en parlant de la lutte des classes et de la démocratie, avait gagné les élections en Haïti. Wes était trop jeune pour comprendre pourquoi certaines personnes très puissantes en Haïti et aux Etats-Unis avaient considéré Aristide comme une menace. Wes a seulement su qu’il a hérité de son père le statut de fugitif.

Wes a encore ses grands parents paternels, et les étreintes fiévreuses de sa grand-mère lui communiquent encore la terreur qu’ils ont vécue, aussi proche qu’avançaient de leur résidence les forces de sécurité. Ses grands-parents et d’autres membres de sa famille avaient été forcés de partir alors qu’il n’avait que 8 ans, le laissant seul avec d’autres parents éloignés. Ainsi a-t-il vécu quatre ans de misère, attendant un visa afin de rejoindre ses grands-parents aux Etats-Unis.

“J’avais déjà pensé que, comme ma mère, je n’allais pas vivre longtemps” raconte-t-il. “Je me croyais pris dans un cercle infernal où l’avenir est incertain et sans espoir”.

Il raconte rarement son histoire.

Quand il a reçu sa bourse d’université a été l’objet d’un diner d’honneur en la circonstance, il a déclaré à l’assistance:

“Je pourrais, évidemment, me tenir ici devant vous et vous raconter des cauchemars au sujet de ma vie... mais en le faisant je vous aurais donné une mauvaise impression - parce que je pense plutôt que j’ai eu beaucoup de succès et de triomphes”.

Sa vie a effectivement changé le jour où il est sorti de l’avion qui l’a conduit à l’aéroport international de Minneapolis- St Paul pour se jeter dans les bras de sa grand-mère.

“Quand je l’ai vu, je me suis dit, “c’est fait, j’en suis sorti, sauf et heureux”, raconte-t-il.

Il a été inscrit au Field Community School de Minneapolis, bien qu’il ait reçu une éducation plutôt sporadique en Haïti et ne savait pas un mot d’anglais. Il a étudié l’anglais avec deux professeurs, Sharon Hilberer et John Collier, “qui sont aujourd’hui comme des membres de ma famille”. Ses camarades de classe, qui pour la plupart sont des immigrants venus d’Asie et d’Afrique, sont aussi très aimables. “Si ce n’était grâce à eux, apprendre l’anglais serait de beaucoup plus difficile”, dit-il. “Ils ont été des camarades extraordinaires”.

Il parle encore le français et le créole, mais à l’école secondaire, il a étudié et appris à écrire des poèmes, dans sa nouvelle et troisième langue, et se promet de participer à des concours dans un café du voisinage. Il a élargi ses connaissance et sa façon de penser en lisant des livres d’auteurs aussi importants et divers que Langston Hughes, W.E.B Dubois, James Baldwin et Richard Wright. Il les cite parmi ses héros.

Il a maintenu au High school, une moyenne de 3.2, a servi de conseiller à des jeunes gens de son âge dans un programme dénommé “The Teen Age Medical Services Program” dans son école, et a travaillé comme volontaire à l’Hôpital de Fairview Southdale.

Il est déjà un excellent speaker avec une voix souple, une petite figure qui ne passe pas inaperçue dans une salle.

Parlant calmement durant le diner de remise de bourses d’études à l’hôtel Minneapolis Hilton, devant une large audience, où se trouvaient des exécutifs de corporations, les maires de St Paul et de Minneapolis, il a parlé de façon candide.

“J’ai vu le pire des deux mondes”, dit-il. “Dans un monde, j’ai été témoin des conditions de misère les plus sombres, où des cités sont construites de boue et de pailles, où des rêves n’existent pas, en des lieux où l’espoir est mort, tué et enterré par l’agitation politique”.

“Dans l’autre monde, mes yeux d’adolescent ont vue la lutte de ma grand-mère à joindre les deux bouts pour une famille de six personnes, un monde dans lequel l’on doit se battre vigoureusement pour mettre de la nourriture sur la table, pour payer les bordereaux et maintenir un toit sur nos têtes, un monde dans lequel l’avidité des corporations est souvent plus importante que notre santé”.

Luis Morales, un conseiller pour l’admission aux universités, qui a nominé Wes pour la bourse d’études, observe au sujet de Wes:

“Il a connu de nombreuses expériences terribles, mais il est en mesure de tirer des leçons de chacune d’elles et d’appliquer ces leçons dans sa vie de tous les jours”.

“Il est l’un des rares à être l’exception à la règle, à avoir des gens à le signaler en disant “Regardez”. C’est une combinaison de ce qu’il a vu, ce qu’il a fait et comment il y répond”.

Mais, Wes stimule d’autres, spécialement des adultes en position de pouvoir, à le regarder “comme un ambassadeur de millions d’autres comme lui, certains vivent en Haïti, d’autres en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et aussi aux Etats-Unis.”

Il se présente comme “un exemple vivant, un constant rappel des enfants qui grandissent dans les zones de guerre, des enfants qui grandissent sans enfance, des enfants qui ont besoin d’une maison, d’un père, d’une mère et des enfants sans avenir, à moins que ceux d’entre nous qui en ont les moyens veuillent entreprendre pour eux le changement nécessaire.”

Wes projette d’entrer à l’Université Macalester à l’automne prochain. Il n’est pas encore sûr de la carrière qu’il embrassera, mais il sait que, quelle que soit cette carrière, elle le ramènera en Haïti.

“L’on a toujours dit que les enfants sont l’avenir du monde, mais comme je le vois, c’est l’ignorance qui est la principale cause de la misère dans le monde”.

By Ellen Tomson , “Against the odds” in The Pionneer Press, 23 May 2006.


Editorial

Tout et Tout de suite

Bob Nerée

Le plus redoutable ennemi du gouvernement au pouvoir porte un seul nom. Il s’appelle: l’impatience. Et l’on risque de le retrouver partout, dans tous les secteurs et dans toutes les classes sociales.

Cet ennemi grogne déjà dans la classe politique. Parmi ceux qui estiment n’être pas à leur place, parce que d’autres ont usurpé ce qui devait leur revenir de droit. Ceux-là sont toujours impatients et ne peuvent pas attendre sur le banc de touche quand le spectacle d’un nouvel “ôte-toi que je m’y mette” vient de redémarrer. Ils sont d’ailleurs convaincus que ni les uns ni les autres n’apporteront pas grand chose à ce pays. Alors, plutôt nous que les autres, croient-ils, face à ce qui reste à emporter. Ceux-là, disons-nous, sont toujours impatients et auraient même préféré voir tout chambardé plutôt que d’assister en spectateurs à ce qui risque de redevenir le même grand festin, entre les amis du chef.

Tout compte fait, ceux-là sont peu nombreux, ceux qui ont pu traverser le temps en selle durant ces vingt dernières années d’agitation et de turbulence politique. On pourrait les compter sur les doigts d’une main. Peu nombreux, en vérité, sinon inexistants. Les autres de cette classe politique entrent en âge et sont plus disposés à attendre voir comment les choses vont se tasser et comment, tant bien que mal, ils pourront s’en tirer. Même quand ils n’ont plus de doute sur les couleurs de l’avenir. Aussi, n’est-ce pas de l’impatience véritable, pour le moment. Et le nombre est quand même restreint. A moins de les identifier à ceux qui ne prétendent pas s’occuper de politique. Mais, là encore, ces derniers des affaires et de la société civile sont des routiers de la politique haïtienne et ne sont pas du tout les plus impatients.

Il y a, par contre, d’autres impatients bien plus dangereux que les premiers auxquels on a pensé. Ceux-là qui doivent regagner du poils de la bête et rattraper le temps perdu.

Ceux-là ont pris déjà des “habitudes de pouvoir”, ont goûté aux “générosités du pouvoir”, et se sont déjà fait des idées de leur “retour au pouvoir”. Ceux-là sont impatients, pour de bon et pour cause. Aussi est-ce avec eux et sur eux que vont miser ceux qui ne conçoivent plus l’existence loin du pouvoir. Il faut faire mousser l’agitation, la mobilisation et les manifestations pour que les choses bougent. Pour que le nouveau gouvernement n’ait de cesse, n’ait de stabilité ni de paix. Il faut faire monter l’impatience avec des communiqués, avec des déclarations l’on dirait codées et kabbalistiques. D’autant qu’il y a matières pour évoquer très légitimement ce qui ne va pas encore, comme cela devrait aller.

Il y a l’érosion de la souveraineté nationale avec la présence des troupes étrangères apparemment pour longtemps encore sur le sol national. Il y a la violence et l’insécurité qui ont pris des proportions sans précédent et qui ne semblent pas prêtes de disparaître. Il y a un contexte général d’anxiété, de sauve-qui-peut, de rapine et de corruption entretenu et alimenté, il est vrai, par le chômage et la pauvreté. Mais combien de temps cela va durer?

Combien de temps faut-il pour mettre en place des structures étatiques qui garantissent la Justice, qui placent sur le fonctionnaire public des responsabilités d’exécution, qui atténuent la corruption et s’attaquent à l’impunité? Qui va faire quoi dans ce gouvernement et qui peut faire quoi dans ce pays?

Il y a plein d’organisations populaires qui fourbissent déjà leurs armes de revendications justifiées pour s’élèver contre les privatisations, pour exiger la baisse des prix des produits importés, la baisse du coût des loyers. D’autres organisations évoquent l’urgente nécessité de réforme agraire, de mise en place de structures de production et de commercialisation agricole. Des besoins urgents.

Il ne manque donc pas de matières à alimenter des revendications. Car Haïti est un pays à construire. Tout est à faire. Et il faudrait que tous les Haïtiens s’y mettent tout de suite, pour que les nouvelles générations recueillent le fruit de ce travail dans les dix à vingt prochaines années.

Cependant, il y a un paradoxe dans cet état de fait. Sinon deux paradoxes, qui concernent ceux qui ont en charge de changer les choses dans ce pays. D’abord, pour l’international, qui encourage et soutient financièrement cette initiative de transformation, rien ne presse.

L’ONU dit clairement qu’il est ici dans ce pays, au moins, pour dix ans. Ensuite, pour le président, il y a un mandat constitutionnel ferme de cinq ans. Là aussi, même s’il voudrait favoriser légitimement ses amis et copains de la gauche, rien ne presse. On fera ce qu’on pourra et cela prendra le temps que cela prendra. D’ailleurs, l’une des plus grandes leçons politiques de ces dernières années, nous confie un routier de la politique haïtienne, c’est qu’il ne faut jamais presser le pas dans ce pays: “Ça prendra le temps que ça prendra”.

Il faut donc croire qu’il n’y aura pas grand-chose, réalisée concrètement, dans les cinq prochaines années. Et qu’en sera-t-il des impatients? On ne peut pas savoir dans un pays qui réserve tant de surprises. Même la gauche intelligente ne peut savoir, surtout quand elle ne peut plus s’assurer d’être seule sur l’échiquier.

 

Bob Nerée

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Crabe

POLITIQUE

LE FRANC-PARLER

René Preval
Dimanche 14 mai 2006, lors d'une séance extraordinaire de Assemblée nationale,
René Préval a reçu l'écharpe présidentielle. © LeNouvelliste.
Less poverty, more hope par René Préval.

L’on dira tout ce qu’on voudra au sujet du président de la république. Mais, il y a deux choses qu’il faudra lui reconnaître, et même une troisième qu’on sera contraint de lui accorder.

Il est extrêmement difficile dans ce pays d’être en première ligne. Ce n’est pas tant à cause des responsabilités que cela implique, mais simplement par le fait même d’être, dès lors, la cible privilégiée de tout le monde. Ce n’est pas la peine de disserter longuement à ce sujet, puisqu’il s’agit d’un sort lié au pouvoir et aux situations éminentes parmi les hommes depuis que le monde est monde.

Le pouvoir n’entraine pas automatiquement le respect, la crainte ou même l’admiration. Certes, il y a tout cela dans son cortège. Mais cette distinction entre les hommes, qui fait toujours de ceux au pouvoir une minorité, apporte avec elle, non pas véritablement l’antipathie des autres au contraire, mais toujours l’envie et la jalousie de beaucoup d’autres. Tous les hommes politiques le savent, et c’est pourquoi eux tous recherchent la sympathie même factice de la populace, tout en cultivant, avec adresse et doigtée, le mépris profond des hommes dont on ne pourra jamais se fier aux expressions des sentiments. L’homme au pouvoir se sent seul, et il l’est effectivement.

L’on ne va pas ici continuer à se plaindre de la solitude de M. Préval que le destin place généreusement pour une seconde fois à la présidence de la république. L’on va reconnaître toutefois que, c’est sans ménagement qu’on s’en est pris à son image et à sa personne. Il fallait “barrer la route” à un groupe ou à un ensemble de personnes, et ce n’est pas devant le sacrifice de la petite personne de ce “quelconque agitateur insignifiant” qu’on se serait laisser convaincre par la décence ou même la civilité.

Il fallait “diaboliser” M. Préval.

Affirmer que l’homme est une autre personnification du mal, qu’il ne connait que le mal et qu’il ne peut apporter que ce qu’il connait. Mais paradoxe de tous les paradoxes dans ce pays, plus l’on disait du mal de cet homme, plus l’on incitait la grande masse à aller vers lui. Un peu comme si elle voulait une fois de plus répondre à tous ceux qui parlaient: “Je ne veux pas de vos conseils et je ferai ce que vous ne voulez pas”. Et l’on sait comment des choses se sont passées.

Aussi depuis, et certainement bien avant, l’on a noté que M. Préval ne disait rien. On ne pouvait pas lui reprocher de manipuler les masses, et qui que ce soit. On pouvait parler de “populisme”, “d’anarchisme” et même de “communisme”. Mais on ne pouvait surtout pas affirmer que M. Préval s’en donnait à la démagogie. Il fallait donc reconnaître que le nouveau président de la république n’est pas un démagogue.

A aucun moment, on ne l’a encore surpris à manipuler l’émotion des foules. Il parle dans le langage du bon sens et le plus souvent, devra-t-on encore reconnaître, il parle pour instruire. Même quand il évoque la fibre sensible de ce qu’il appelle “les traîtres à la nation”. C’est un premier constat positif.

Le deuxième constat positif, et dont on ne parle pas cette fois, est pourtant ce qui revient toujours, depuis deux ans, dans la politique haïtienne.

C’est pourquoi d’ailleurs les Haïtiens font de la politique. Curieusement, personne n’en parle et l’on laisse quelque rares publications étrangères le répéter. Sans commentaires. Sans avouer publiquement qu’il s’agit d’un constat positif à la faveur du nouveau président de la république. Quoi donc?

Pour une fois, nous avons un président de la république qui n’a pas volé et qui ne s’est pas enrichi. Est-ce qu’en le disant l’on accorde trop de crédit à M. Préval? Est-ce qu’en le reconnaissant, l’on frise, bon gré, mal gré, la flagornerie et la flatterie? De toute façon c’est un deuxième constat positif très en faveur de M. Préval. Et un constat qu’il faut dresser en tenant compte du contexte général dans lequel cet homme, -pourtant en compagnie de “grands mangeurs”- a suivi sa propre course politique. Peut-être, sobrement, en “grand buveur”.

Le troisième constat de fait positif qu’il faut ajouter ici, réfère au langage du nouveau président de la république.

Certes, il y aura beaucoup d’objections sur le style de comportement du président. L’on dira que sa façon de faire ne contribue pas à rétablir l’autorité de l’état, la solennité de la fonction. L’on sera choqué par cette désinvolture que l’on appellera le “pourrianisme” du président. Toutefois, l’on sera contraint de lui accorder une perception non seulement réservée de lui-même, mais encore une volonté de communication simple, sans fard et sans bluff avec les autres. Un président de la république, comme dit Max Weber, a une morale de responsabilité.

Il ne doit à personne le franc-parler. Si donc on semble retrouver ce franc-parler dans le langage d’un président, il faut de deux choses l’une: Ou le prendre pour de la ruse, de la malice et du cynisme et avoir peur de cet homme; ou le considérer comme le signe positif d’un renouveau national. Dans les deux cas, il faut attendre.

Faut-il faire au nouveau président des procès d’intention? Faut-il lui reprocher d’avoir eu... le diable comme mentor? Faut-il suspecter qu’il ne fait confiance qu’à des “copains-coquins”?

Attendons voir plutôt ce que ce gouvernement nous réserve dans les prochains mois. Et d’ici là, nous n’aurons plus de doutes.

Crabe

POLITIQUE

Un Gouvernement Plus Ouvert

& le tableau de bord d’une déclaration de politique générale

Premier Ministre Alexis

Il a fallu tout repousser d’une bonne semaine, pour donner plus d’allure, de sens et même de décence à la composition du nouveau cabinet ministériel. Quant à la déclaration de politique générale du Premier ministre, elle reste, dans sa version finale, tout compte fait, plus théorique que pratique, et ne risque donc d’appeler, au parlement tout au moins, que des objections de forme plutôt que de fond.

Les tractations politiques de ces dernières heures, qui n’ont laissé à personne, pas même au Premier Ministre, le privilège de détenir une liste complète et confirmée du cabinet avant sa publication officielle, ont révélé des craquelures qui auraient pu être évitées et qui, somme tout, sont mauvaises annonciatrices. Des secteurs du parlement se sont très précipitamment cabrés pour une configuration politique plus large du gouvernement de la république.

Heureusement, les interventions n’ont pas été sans effet, conviant les deux pouvoirs, Législatif et Exécutif, à prendre très au sérieux l’établissement et le fonctionnement des procédures démocratiques dans le pays. A l’orée d’une ère nouvelle, comme le souhaitent tous les secteurs, la démarche est positive, même si par élégance ou même simplement par sagesse et doigtée, l’on aurait pu dispenser le système de ces lignes trop évidentes de cassures.

Ce sont des craquelures qui laissent voir la volonté sourde et sûre, -sans être pour autant légitime- d’un secteur trop proche du président pour tenter aujourd’hui de se réserver tous les pouvoirs. Certes, il est plus facile de diriger avec des amis et des copains, plus facile de n’avoir à négocier avec personne ni même à rendre compte à quiconque. Mais, au lendemain de ce que l’on a vécu récemment dans ce pays, il ne peut plus en être ainsi. Aussi est-il malheureux et en quelque sorte décevant de flairer cette attitude condamnable dans les hautes sphères du pouvoir.

Nous devons apprendre à tous les niveaux à traiter les autres différemment et à opérer dans la machine de l’État avec des dispositions d’esprit plus ouvertes, plus tolérantes, plus disposées à accepter les handicaps de la présence même de ceux sur qui nous ne pouvons pas compter personnellement, mais qui, en principe, partagent avec nous, jusqu’à preuve du contraire, les intérêts supérieurs de la nation.

C’est d’ailleurs à ces dispositions d’esprit qu’appelle le Premier Ministre lui-même dans sa déclaration de politique générale. L’on peut retrouver des priorités de tous ordres dans cette déclaration, mais l’on ne passera pas sur l’urgente nécessité de rétablir l’autorité de l’État, d’apaiser la pauvreté dans ce pays et de cultiver le dialogue et la concertation entre les enfants de cette nation.

Au moment où la communauté internationale porte une attention soutenue à ce qui se passe dans ce pays, la feuille de route que présente le Premier Ministre Alexis devient un tableau de bord pour chaque responsable sectoriel, pour chaque législateur et pour tous ceux qui observent avec intérêt ce qui déroule en Haïti aujourd’hui. L’on aurait pu mettre en cause mille aspects de ce programme de gouvernement, le discuter point par point, lui trouver combien de faiblesses ou d’approches erronées. Mais ce n’est qu’un tableau de bord. Une référence pour maintenir le cap et avancer dans la bonne direction.

Si l’équipe gouvernemental de M. Alexis, si les plus proches collaborateurs du président de la république et si chacun de nous, nous arrivons à saisir que nous vivons aujourd’hui la dernière chance de cette nation de rester une nation, nous donnerons le meilleur de nous-mêmes dans cette entreprise de reconstruction nationale. Autrement, nous serons tous, Haïtiens et Haïtiennes, les parias de l’occident.

Crabe

CULTURE POLITIQUE

L’Elite Sans l’espoir
Dans un texte intitulé “Haïti resteras-tu une nation?” et publié sur le net, Jean-Erich René déplore la situation de ce pays où “des générations d’Haïtiens et d’Haïtiennes les mieux préparées s’égrènent au fil des jours sans pouvoir tirer le pays de ses ornières, sans l’espoir d’une relève digne et compétente”. Entretemps, le Dr Ray Killick, comme pour corroborer, dit pour sa part: “Le plus grand obstacle à la transformation d’Haïti est l’Haïtien éduqué qui a fait et continue de faire tant de mal au pays. Haïti traîne une masse analphabète à cause de l’élitisme de la minorité éduquée.”

Quel changement?
Inquiété par l’allure des choses dans ce pays, l’auteur de “Haïti resteras-tu une nation?” rappelle que: “Massillon Coicou a été fusillé sous le Gouvernement de Nord Alexis. Sylvio Claude a été brûlé vif au Carrefour 4 Chemins aux Cayes sous le Gouvernement de Jean Bertrand Aristide. Antoine Izméry a été assassiné, au su et au vu de tout le monde sur l’esplanade de l’Eglise du Sacré-cour de Turgeau. Jean Dominique a été criblé de balle, sans aucune forme de procès, sous le Gouvernement de René Préval I, son ami personnel. Et l’auteur demande, après 203 ans d’Histoire: “Quel changement ?”

Affreuses périodes historiques au bord du gouffre
Le Recteur de l’Université d’Etat d’Haïti, Pierre-Marie Paquiot, dans son allocution de bienvenue à la Gouverneure Générale du Canada, lui dit que “Notre pays vient de vivre, au cours des derniers mois, l’une des plus affreuses périodes de son histoire. Les violences inouïes dont furent victimes des pans entiers de la population, sont un constant défi à l’esprit de liberté et de progrès qui a présidé à la création de la nation haïtienne. La misère attroce de larges couches de notre société, liée à des intérêts occultes et partisans, a conduit le pays au bord du gouffre.”

Réactions contre le chois du PM
Les réactions se sont multipliées sur le net depuis la désignation du Premier Ministre. Nous en avons retenu ici d’abord celle d’une dame qui écrit:

“On essayait de voir une lueur d’espoir, on croyait que les actions suivraient le discours. Le reveil est brutal... La réalité politique Haïtienne est inchangée, le choix pour une nouvelle confrontation est fait... Préval en faisant ce choix rejette le dialogue et choisit la confrontation. Ensuite, une autre dame commente: “Quant à moi, je me garde de me lancer dans une quelconque polémique à propos de cette nomination qui sent la poudre et la provocation... je fus sur les traces et dans le sillage de ce technocrate hors-pair. Je suis bien imbue de ses REALISATIONS! Je ne dirai pas davantage... Laissons les élites assumer leur fonction.”

Décentraliser pour démocratiser
François L’Écuyer, (responsable des communications et chargé de projets pour Haïti avec l’ONG Alternatives, affirme dans le quotidien canadien Le Devoir sous le titre “Apaisement et optimisme en Haïti” que “le pouvoir haïtien demeure considérablement concentré à Port-au-Prince... Ainsi, selon cet analyste, le nouveau gouvernement devrat-il vite “renouer avec [le] processus de décentralisation et de participation citoyenne”. Et l’auteur croit juste de parler de “machinations” à la capitale haïtienne qui “reflètent..; le rejet par les élites haïtiennes d’une véritable démocratie, d’un véritable pouvoir populaire..” N’importe quoi!

Qui contrôlent la Politique en Haiti?
Geneviève Mésidor, qui ne mâche pas ses mots sur la réalité politique haïtienne récente, esquisse sur le net, les rapports dans ce pays entre le secteur des affaires et le secteur politique. Elle dit entre autres: “Depuis 1971 ce sont les mêmes hommes d’affaires qui contrôlent la politique haïtienne. Ces hommes d’affaires ont gardé leurs monopoles malgré les changements de régime. Ceux qui vendaient du sang et des cadavres avec le Ministre de l’intérieur de Duvalier, [Luckner] Cambronne, sont devenus les associés de Préval et d’Aristide... c’est un petit groupe de 30-40 individus/familles qui achètent nos politiciens.”

Crabe

Nro Avril 2006

Nro Mai 2006

Haïtiens aujourd'hui

 

 
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