Haïti: Les leçons d’un scrutin

Nancy Roc

Mario Andresol
Mario Andrésol. © 2006 Le Nouvelliste
Dès qu’il s’agit de voleur ou de kidnappeur, qu’il soit politicien ou autre, je n’aurai pas d’état d’âme pour faire ce qui doit être fait en vertu de la loi.” - Mario Andrésol, Chef de la Police d’Haïti.

Nancy Roc: M. Andrésol, après avoir pris vos fonctions en juillet dernier, vous aviez réussi à chavirer la situation et à maîtriser les kidnappings. Aujourd’hui la situation a empiré et du 1 er décembre à date, on a enregistré 247 kidnappings dans la zone métropolitaine uniquement. Avez vous perdu le contrôle de la situation?

Mario Andrésol: Je ne dirais pas que j’ai perdu le contrôle de la situation. Il faut dire que la situation qui a prévalu après mon arrivée n’est pas la même qu’aujourd’hui. Du coté de la PNH, je pense que toutes les dispositions ont été prises pour sécuriser la ville.  Comme vous le savez nous nous plaignons toujours du manque de moyens et autres mais il se trouve que jusqu’à présent ces plaintes ne sont pas été entendues. Nous n’avons pas obtenu ce dont nous avions besoin effectuer le travail que nous souhaitons faire. Je dois remercier le premier ministre pour tous les efforts qu il a consenti de faire pour nous donner au moins une partie de ce dont nous avions besoin mais malheureusement cela ne suffit pas pour pouvoir contrecarrer l’action des bandits sur le terrain.

Il faut dire aussi que la PNH a toujours des problèmes d’effectifs: après février 2004 nous avons hérité d’une institution délabrée, il y avait même des membres de la police qui avaient abandonné la PNH. Aujourd’hui, nous essayons toujours de reconstituer la PNH et de l’institutionnaliser. En ce qui concerne la perte du contrôle de la situation, au début j’avais bien compris ce qui était arrivé: les groupes politico maffieux qui opèrent en Haïti étaient dans l’expectative c'est-à-dire qu’ils observaient le leadership que j’allais exercer pendant mon mandat.  Je pense aussi que ces groupes là  n’accepteront jamais le compromis et essaieront toujours de déstabiliser le pays dès que leurs intérêts seront menacés. 

Pour le moment nous avons effectivement une recrudescence de kidnappings dans la zone métropolitaine ce que j’avais craint puisqu’il y a certains secteurs liés aux groupes armés et ces secteurs sont liés à des troupes politiques. Dans les jours à venir, nous aurons à prendre des actions contre ceux qui tiennent la société en otage. Même si nous avons connu une importante recrudescence de kidnappings, notamment à Pétion Ville, la PNH a beaucoup travaillé pour contrecarrer ces rapts: nous avons procédé à des arrestations et avons démantelé des gangs nous essayons de garder le moral en déployant avec nos faibles moyens nos effectifs sur le terrain pour contrecarrer le phénomène. 

Aujourd’hui, selon le porte parole du FBI à Miami, Mme Judy Orihuela, nous dépassons le record de la Colombie avec 20 à 24 kidnappings par jour.  Mercredi dernier, vous avez donné une conférence de presse où vous avez déclaré que la police haïtienne était aussi responsable des kidnappings et de l’insécurité qui prévaut dans la capitale. Vous avez estimé que le quart des 5600 policiers est impliqué à tous les échelons de la hiérarchie et vous avez dit que l’épuration de la police devait être une priorité contre les kidnappings. Mais cette opération M. Andresol, est une épuration qui doit se faire à moyen et long terme; mais lorsqu’on enregistre entre 20 à 24 kidnappings par jour avez-vous un plan d’urgence?

Oui, nous avons une cellule anti-kidnapping et comme vous l’avez bien dit la vitesse des kidnappings a atteint 20 à 24 rapts par jour. Ce qu’il faut comprendre c’est que lorsque l’on kidnappe quelqu’un, nous faisons face à un autre cas deux heures plus tard. Il faut admettre que ce phénomène est nouveau pour la PNH qui n’était pas habituée à gérer ces cas et encore moins des négociations.  Si nous disposons de cette nouvelle cellule anti-kidnapping, il faut reconnaître aussi qu’elle est peu connue du grand public qui n’ose pas s’adresser à nous lorsqu’il est victime.  Il préfère en  général négocier avec les kidnappeurs ce qui fait du tort à la police.  Il y a également d’autres familles qui ne font pas appel à la police car elles ne lui font pas confiance. Ces familles se sentent délaissées et dans ce sens nous essayons de renforcer la cellule anti-kidnapping avec une collaboration entre la PNH et la Secrétairerie à  la sécurité publique.

Ceci aidera à renforcer le travail de la police sur le terrain.  Mais ce n’est qu’avec la collaboration effective de la population que nous arriverons à démanteler les gangs.  Il faut aussi reconnaître que la société haïtienne est une société en pleine déliquescence. Cela découle de toute l’impunité qui a existé durant ces quinze dernières années. Les valeurs se sont écroulées et il y a une tolérance envers le crime qui nous a conduit là ou nous sommes. En Haïti aujourd’hui tout le monde fait ce qu’il veut et il est difficile pour les Haïtiens et particulièrement pour certains secteurs de rentrer dans l’ordre. Il y a toujours du favoritisme, du clientélisme et quand vous voulez mettre de l’ordre on vous le reproche. Cet amalgame fait qu’aujourd’hui cette société est presque inexistante. C’est pour cela que la police est désormais à l’image du pays. D’autre part, même si nous avons mis des structures en place, elles sont toujours à l’étape embryonnaire or nous combattons un nouveau phénomène qui se développe à une vitesse accélérée.

De plus, il est clair que la politique est également liée à ce phénomène. Les premiers cas ont été liés aux trafiquants de drogue qui avaient des policiers comme agents de sécurité et lorsque ces trafiquants devaient récolter leur argent ils envoyaient ces policiers le faire.  De la même façon que lorsque ces trafiquants devaient kidnapper des gens qui leur devaient de l’argent, ils faisaient de même. Il faut se rappeler que cette police était politisée et malheureusement j’ai hérité de cette situation. Malgré nos efforts pour structurer la police le public reste donc sceptique quant à la volonté réelle et actuelle de la police de lutter contre ce phénomène, surtout lorsque l’on sait qu’effectivement, jusqu’à ce jour, des policiers sont impliqués tant dans les cas de rapt que dans l’insécurité qui prévaut dans ce pays.

M. Andresol, de combien de gens disposez vous dans cette cellule anti-kidnapping, quel est son budget et la MINUSTAH collabore t-elle avec ladite cellule?

Cette cellule comprend une douzaine de personnes car, comme nous l’avons dit, elle est encore à l’état embryonnaire. Nous avons effectivement une collaboration de la MINUSTAH. A l’instar de ce qui s’est passé aux Etats-Unis le 11 septembre – toutes proportions gardées- le gouvernement haïtien a voulu donné une réplique à tous les actes de kidnapping et d’insécurité qui prévalent au pays. Malheureusement pour cette interview je ne suis pas venu avec tous les documents concernant le budget de cette cellule mais l’idée de cette cellule a été approuvée par le premier ministre lui-même. Il y a donc eu une réponse politique au phénomène du kidnapping. Il faut continuer à renforcer cette cellule et la vulgariser auprès de l’opinion publique. Il faut l’institutionnaliser pour lutter contre les rapts. Oui nous avons la collaboration de la MINUSTAH et également celle de la police civile internationale qui continuent de travailler avec nous ce qui nous permet d’arriver à certains résultats. Par exemple, du 6 décembre au 5 janvier, nous avons arrêté 138 kidnappeurs et nous avons démantelé 44 gangs dans la capitale. Nous avons également mis la main sur des kidnappeurs qui en ont dénoncé d’autres, ce qui nous a permis d’avancer dans notre travail.  Bien entendu, nous n’avons pas rendu tous ces résultats publiquement, c’est peut être pour cela que les gens doutent de notre travail. Grâce aussi à l’arrestation de certains kidnappeurs, nous avons pu découvrir quels étaient les policiers impliqués dans les rapts. Nous avons, au cours du dernier mois, arrêté 29 policiers.

Vous avez déclaré cette semaine qu’il y avait des motivations politiques derrière les kidnappings or nous avons pu constater que la vague des rapts a suivi un message de Jean Bertrand Aristide qui circulait largement sur le web.  Il a employé un langage codé, il a parlé de son kidnapping du 29 février 2004, de coup d’Etat, d’élections sélection, et il a demandé à ses partisans une mobilisation totale pour son retour.  Ce langage codé était donc formé de mots clés qu’il a utilisés et qui annonçaient le pire pour la fin de l’année. Avez-vous entendu ce message et aviez vous préparé une stratégie en conséquence?

Cette question a une connotation politique mais je dois vous avouer qu’effectivement j’ai écouté ce message et il a certainement son importance aux oreilles des politiciens et du public. Au niveau de la police, nous avons essayé d’adopter des mesures de prévention pour protéger la population. Il y a eu un déferlement de rapts dans la zone métropolitaine qui a effectivement coïncidé à la diffusion de ce message.  Comme vous l’avez dit ce dernier comportait des mots clés mais il m’est difficile en tant que policier de m’exprimer sur l’aspect politique dudit message. Toutefois, il est clair que ces mots ont du avoir des conséquences sur certains secteurs politiques qui ont du répondre par des actes de kidnapping en associant ces derniers aux messages codés auquel nous sommes habitué. Il m’est difficile de donner une réponse politique à votre question mais j’espère que la mienne vous satisfait. 

Vous m’avez dit que ma question avait des connotations politiques mais en Haïti il est difficile de dissocier l’insécurité de la politique. Vous avez vous-même déclaré cette semaine que le kidnapping était lié à certains secteurs politiques. Juste avant d’y revenir, peut on dire aujourd’hui que les kidnapping sont politiques, criminels ou les deux? Ensuite vous avez eu à déclarer cette semaine qu’une cinquantaine de policiers- parmi lesquels des officiers- ont été écartés de l’institution ces derniers mois et qu’ils étaient soupçonnés d’avoir impliquée  d’être impliqués dans des cas de  kidnappings J’aimerais savoir combien de policiers ont été réellement impliqués dans ces cas, ou sont ces policiers, en prison ou en isolement et vont-ils passer devant la justice?

Nous avons arrêté 29 policiers impliqués dans des kidnappings perpétrés dans la zone métropolitaine. Pour répondre à votre première question, les kidnappings sont liés tant au secteur politique qu’au banditisme car justement, les politiciens utilisent les kidnappings pour déstabiliser le pays. Non seulement ils récoltent leurs rançons mais ils créent une psychose de peur qui terrorise la population. Il y a des hommes très intelligents qui créent la confusion sur le terrain. Cette dernière les aide et quand on parle de violence en Haïti, on croit souvent qu’elle est liée à la criminalité alors qu’en fait, elle est liée à la politique. Lorsque j’avance ces dires ils sont basés sur des faits et des enquêtes menées sur le terrain. J’ai également eu à dire qu’au moment opportun la PNH fera ce qu’elle doit faire et lorsque cette dernière aura accumulé des preuves flagrantes pour agir, elle arrêtera quiconque est ou sera impliqué dans ces actes. 

Où sont ces policiers qui ont été arrêtés? Sont ils en prison, ont-ils été remerciés, ou sont-ils en isolement? Deuxièmement, combien de ces policiers impliqués dans ces kidnappings sont passés devant la justice?

Je suis très content  que vous ayez posé cette question car cela me permet d’aborder le problème de la justice. Ces policiers sont actuellement tous en prison mais il faut comprendre le processus. Lorsque ces policiers sont arrêtés, les agents qui procèdent à leur arrestation sont obligés de transmettre leurs noms et les preuves accumulées contre eux afin qu’ils soient déférés devant la justice. Lorsque des policiers sont mis en isolement, c’est qu’il y a une enquête administrative en cours. Lorsque la DCPJ est impliquée  dans ce processus, elle procède à leur arrestation, les interroge, accumule toutes les preuves qu’il y a contre eux et les défère devant la justice. L’instruction en général se charge ensuite des formalités administratives pour procéder à leur révocation.  A partir de ce moment là, c’est au système judiciaire de faire son travail et de procéder aux suites nécessaires.

Je vais revenir aux déclarations des autorités que j’ai évoquées en début d’interview. Le 5 janvier dernier, le Représentant du Secrétaire Général de l’ONU en Haïti, M. Juan Gabriel Valdès, a déclaré au quotidien chilien La Segunda de Santiago que certains candidats en Haïti ont l'intention de financer leurs campagnes électorales avec l'argent des rançons obtenues par des enlèvements. "Il y a des candidats qui prétendent financer leurs campagnes avec ces délits", a-t-il dit lors d'un entretien téléphonique au quotidien. M. Valdès a affirmé que la mission de l'ONU et le gouvernement haïtien ne permettront pas à "des trafiquants de drogue ou à des groupes politiques de se servir des personnes enlevées pour terroriser la population ou bloquer les élections". Il y a 6 mois, M. Valdes avait déjà affirmé que des partis politiques étaient impliqués dans les kidnappings et la violence. On s’attendait à des mesures, rien n’a été fait. Ensuite, l’ambassadeur américain avait tenu les mêmes propos en ajoutant même que certains candidats étaient liés au trafic de la drogue. Rien n’a été fait. Cette semaine, le Ministre des affaires sociales a également fait état des liens entre un secteur politique et les kidnappings en appelant la population à se mobiliser contre ces derniers. Vous-même avez ensuite tenu les mêmes propos. Pourquoi personne n’ose nommer ce ou ces partis politiques? Avez-vous oui ou non des preuves contre ces partis ou ces candidats? Vous avez eu à dire, notamment lors de la mise en  garde à vue de Dany Toussaint au Cap Haïtien cette semaine que, je vous cite,”la police est là pour faire respecter la loi” . Pourquoi ne la faites-vous pas respecter? Ces partis ou ces personnes sont-ils si puissants qu’ils peuvent être au-dessus de la loi? Sont-ils plus puissants que la MINUSTAH, le Gouvernement et la Police?

Effectivement de nombreuses déclarations ont précédé les miennes mais rien n’a jamais été fait. Nous sommes en train d’accumuler des indices et de mener des enquêtes pour pouvoir interpeller toute personne impliquée dans les actes de kidnapping. Et lorsque l’on fait allusion à certains secteurs politiques nous connaissons parfaitement les personnes qui sont visées .Je ne fais pas de politique c’est pour cela que je dois accumuler toutes les preuves pour “attaquer”.  Mais croyez moi, je suis en train d’accumuler toutes les preuves pour agir en conséquence.  Je pense qu’il est grand temps d’instaurer une nouvelle ère dans le fonctionnement institutionnel de la police: vous avez fait allusion à l’incident qui s’est déroulé au Cap-Haïtien et ce jour là j’ai eu à dire que toute personne, quelle qu’elle soit, aura à respecter la loi.  Et je le répète: lorsque j’agirai il n’y aura pas de porte de sortie pour les coupables qui endeuillent les familles, quels qu’ils soient.

M. Andresol, vous venez d’affirmer que vous ne faites pas de politique mais aucun politicien quel qu’il soit ne doit être au dessus de la loi. En tant que Chef de la police, êtes vous prêt à devenir le premier Commandant en chef de la police a arrêter des politiciens pour lesquels vous auriez des preuves qu’ils sont impliqués dans les kidnappings, dans les trafics de drogue, dans des activités illégales et pensez vous, pour cela, obtenir le soutien du gouvernement de la République? 

Là encore, mon souci n’est pas d’obtenir le soutien du gouvernement. Dès qu’il s’agit de voleur ou de kidnappeur, qu’il soit politicien ou autre, je n’aurai pas d’état d’âme pour faire  ce qui doit être fait en vertu de la loi. Malheureusement dans ce pays dès que l’on procède ainsi, on vous le reproche pour une raison ou pour une autre. Prenons l’exemple du Cap-Haïtien: lorsqu’un citoyen, candidat à la présidence de surcroît, est pris dans l’illégalité, le Chef de la police n’a pas à intervenir par rapport à un subalterne. D’ailleurs ce dernier n’avait pas à appeler le Chef de la police dans un cas aussi concret ou un citoyen, candidat à la présidence ou pas, a été pris en flagrant délit d’illégalité. Ce subalterne a procédé à la suite légale prévue par la loi en procédant à sa mise en garde à vue.  Si un citoyen, quel qu’il soit, est impliqué dans l’illégalité ou dans un crime, la police doit et fera son travail et la justice se chargera du reste.  Je le répète je ferai mon travail sans état d’âme, avec ou sans le support du gouvernement. C’est moi qui connais le rôle de la police et les procédures à appliquer. D’autre part, je pense qu’il est temps d’arrêter l’impunité et l’insécurité qui prévalent dans ce pays. Il est inadmissible, que certaines personnes pensent être sur un piédestal, et puissent se permettre de s’imposer par la force des armes, faire des pressions pour s’imposer  et faire des menaces à chaque fois qu’elles se sentent interpellées par la loi.

Le 23 décembre, sous la plume de Joe Mozingo, le Miami Herald révélait que certains candidats à la présidence avaient des liens avec les trafiquants de drogue. Je cite le journal: “Two of Haiti’s best-financed presidential candidates — Guy Philippe and Dany Toussaint — have long been linked to cocaine trafficking by U.S. Drug Enforcement Administration officials”. (Deux des candidates présidentiels les mieux financés - Guy Philippe et Dany Toussaint - ont depuis longtemps été liés au trafic de la cocaïne par les officiels de l’administration américaine pour le renforcement contre la drogue). Le journal cite aussi le nom de Youri Latortue, candidat au Sénat pour les Gonaïves qui, selon Joe Mozingo, a des liens privilégiés avec un gang qui contrôle le trafic de la drogue aux Gonaïves selon des autorités haïtiennes et américaines.”a nephew of interim Prime Minister Gérard Latortue has close links to a gang that controls drug smuggling in the port of Gonaives, according to the Haitian and U.S. officials”. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces allégations?

Malheureusement je ne peux pas rentrer dans cette logique. Vous savez qu’en Haïti, il y a beaucoup de trafiquants de drogue. Il y a toujours des enquêtes parallèles qui sont menées dans ce genre de cas,qu’elles soient locales ou internationales, de façon anonyme c'est-à-dire “undercover”, sur ce genre de questions.

C’est de la même façon que les Américains ou la presse américaine arrivent à obtenir des informations sur ce qui se passe en Haïti.  Il me semble que si cet article qui a été publié par le Miami Herald c’est que ce quotidien a des éléments et des preuves tangibles   Si je pouvais confirmer ou infirmer ce genre d’allégations en tant que Chef de la police, il faudrait que je puisse poser des actions qui suivraient mes propos. Toutefois au niveau de la PNH nous prenons cet article au sérieux et nous menons des enquêtes qui essayent de confirmer les déclarations faites par le journaliste du Miami Herald.

M. Andresol, j’aimerais retourner sur la déstabilisation liée à la politique.  Il y a plus d’un mois, les autorités dominicaines avaient dénoncé la présence de mercenaires Sud Africains en République Dominicaine qui auraient été envoyés par Jean Bertrand Aristide pour déstabiliser le processus électoral.  Quel a été le suivi de cette affaire?

Nous avons fait beaucoup de choses et avons pris ces informations au sérieux.  Nous avons tout fait pour traquer ces individus et savoir si effectivement ils étaient arrivés en Haïti.  Nous avons mené des investigations, notamment avec des informateurs dans les quartiers populaires pour pouvoir confirmer ces informations. Malheureusement nous n’avons rien trouvé de tangible.  Nous avons trouvé des indices mais rien de concret pour prouver que ces mercenaires se trouvaient en Haïti.  Je saisis cette occasion pour dire que, lorsque nous constatons l’évolution des gangs sur le terrain comme à Cité Soleil, nous avons l’impression qu’ils appliquent des stratégies issues de professionnels qui leurs apprennent comment agir ou réagir. 

Par exemple, dans le cas du capitaine jordanien qui a été tué sur la route Nationale 1, nous avons trouvé la cartouche perforante avec laquelle il a été assassiné. Ce tir n’a jamais été entendu et personne ne sait, même les mieux informés, d’où ce tir provenait. A mon avis, c’est un “sniper”qui a exécuté cet homme. Il savait viser, il savait tirer et il a utilisé une arme sophistiquée. En effet, la balle a percé son casque et a explosé sa cervelle. Il me semble que ceci constitue un indice qui confirme que les gangs disposent de stratèges. De plus, lorsque l’on constate l’évolution des gangs et leurs stratégies urbaines, ils sont toujours au courant, en particulier sur la Nationale 1, des mouvements et des stratégies policières et ceci, à un tel point que nous n’arrivons pas à mener à bien nos opérations.

Il est clair aussi que dans des quartiers comme Cité Soleil, la situation a évolué: par exemple, nous savons grâce à nos informateurs, que des Colombiens se sont infiltrés à Cité Soleil et disposent notamment de jets ski.  Hier encore, le commandant de la marine haïtienne m’a confirmé avoir tiré sur ces derniers et sur leurs bateaux.  En vous tenant ces propos, j’ouvre une parenthèse qui, je l’espère, nous amènera à évoquer le rôle de la MINUSTAH dans cette interview. 

Durant ce mois de décembre, nous avons constaté que les kidnappeurs entraient et sortaient librement de Cité Soleil avec leurs victimes, ceci devant la MINUSTAH et la population. Ma question est simple: pourquoi, lorsque vous savez que Cité Soleil est un repère de kidnappeurs, vous n’avez pas bloqué les artères d’entrée et de sortie de ce bidonville?

D’abord, parce que nous ne disposons pas du matériel qui nous permettrait de bloquer effectivement ces entrées et sorties qui donnent accès à Cité Soleil. Nous avions demandé à la MINUSTAH de nous aider dans ce sens, mais malheureusement, cette aide n’a pu être concrétisée. Malgré les faibles moyens dont nous disposons, nous avons déployé des blindés dans ce quartier, mais les bandits disposent d’une telle artillerie d’armes, que souvent nous sommes obligés de faire des manœuvres compliquées. D’autre part, nous devons reconnaître, que, parfois, la disposition des blindés de la MINUSTAH entrave les manœuvres que nous devons faire lorsque les bandits nous attaquent. En ce sens, il me semble que nous faisons face aussi à une absence de coordination, mais les soldats de la MINUSTAH sont obligés d’agir suivant les instructions qu’ils reçoivent. Avant de répondre directement à votre question, il faudrait considérer les articles 6 et 7 du mandat de la MINUSTAH qui évoquent la façon dont la MINUSTAH doit procéder.

Je ne vais pas élaborer sur ce sujet dans l’attente d’une autre de vos questions. Toutefois, l’idéal serait effectivement de bloquer toutes les artères d’accès à Cité Soleil, mais malheureusement les bandits avaient déjà entreposé leurs casernes dans lesdites entrées. Cette zone parfois, pour que la police puisse la pénétrer, il faut quelle puisse disposer de blindés, mais lorsque nous en disposons, ils savent exactement quoi faire pour les contrecarrer. C’est le cas dans la zone de la Hasco et dans celle de Drouillard. La situation évolue au jour le jour et comme je l’ai évoqué précédemment, les bandits disposent de stratèges et même d’instructions militaires qui leur permettent de fonctionner par rapport à l’intervention des forces de l’ordre.

Je comprends les limites de la MINUSTAH, mais ce que je demande, c’est que lorsque la PNH tire sur des bandits, il ne faut pas que la MINUSTAH nous empêche de le faire. De même que si la MINUSTAH dispose d’armes plus puissantes que la PNH, il faut que cette première aide cette dernière. C’est un des problèmes les plus épineux qui se posent et j’aimerais que la MINUSTAH puisse nous aider dans ce sens. D’autre part, il y a eu des incidents qui se sont déroulés entre la PNH et la MINUSTAH, parce que souvent les soldats de la MINUSTAH ne parlent que l’arabe et nous avons aussi l’impression qu’il y a une certaine complicité entre ces soldats et les kidnappeurs et les bandits qui se trouvent dans la zone de Drouillard.

Nous avons recueilli des témoignages au sein de la Police nationale, notamment concernant le cas du Guatémaltèque, membre de l’OEA, kidnappé récemment. Ce témoignage faisait état du fait que ce dernier a essayé d’échapper des mains de ses kidnappeurs en se précipitant sur le char de la MINUSTAH présent sur les lieux, or, toujours selon ce témoignage, les soldats jordaniens auraient tiré dans les pieds de cette victime afin qu’elle n’ait d’autre choix que de retourner aux mains des kidnappeurs. Monsieur Andrésol, puisque nous avons obtenu cette information de la Police nationale, pouvez-vous la confirmer?

Nous avons effectivement eu vent de cette information. Vous m’avez affirmé avoir obtenu cette information de la PNH et je regrette de ne pas avoir votre source pour pouvoir la confirmer et nous aider à résoudre ce problème. Ceci dit, nous avons effectivement entendu parler de ce cas. Si ceci s’avère être vrai, ce serait regrettable de constater le comportement de ces soldats dans ce cas et ceci laisserait vraiment entendre qu’il y a une complicité des soldats de la MINUSTAH avec les kidnappeurs. Nous savons malheureusement qu’il y a eu d’autres incidents et d’autres informations qui font état de cette complicité entre la composante de la MINUSTAH et les bandits. Ceci constituerait un problème grave, car si les bandits bénéficiaient de cette complicité tant à Pétion, qu’au centre ville et au bas de la ville, cette complicité encouragerait le phénomène du kidnapping et nous donnerait beaucoup de problèmes.

Cela expliquerait aussi pourquoi la MINUSTAH refuse que le PNH soit présente dans ces zones de non-droit, en particulier, sur la route de la HASCO et sur la route de Drouillard. Ceci expliquerait également pourquoi les patrouilles policières qui interviennent aux cotés de la MINUSTAH sont attaquées ouvertement et délibérément par les gangs. Ceci nous a d’ailleurs été confirmé par de nombreux policiers blessés lors de ces attaques et qui sont aujourd’hui hospitalisés.

Je pense qu’il est nécessaire que des ajustements urgents soient faits pour rétablir cette situation incompréhensible et envoyer un signal clair aux bandits pour que ces derniers sachent que la MINUSTAH est présente pour appuyer les forces de la police. Dans ce sens, j’ai insisté pour que nous ayons une unité spécialisée dans la zone de Drouillard et la zone de Bâtimat. La route Nationale 1, la route de l’aéroport et éventuellement Delmas. Malheureusement, jusqu’à présent ceci n’a pu être obtenu, mais je pense que l’ancien local de la Socabank, sur la route de l’aéroport, pourrait servir de base à cette unité pour pouvoir quadriller la zone industrielle. Il faut absolument y penser pour pouvoir contrecarrer l’action des bandits qui veulent quadriller la zone industrielle. Ces messieurs ont souvent des accointances politiques et ne souhaitent pas que cette zone soit sécurisée. Ces hommes attaquent de nuit comme de jour et sous les yeux des soldats de la MINUSTAH. Pourquoi 

Comment la MINUSTAH peut-elle refuser à la Police l’accès à n’importe quelle zone métropolitaine ou dans n’importe quelle zone du pays? D’où vient un tel pouvoir?

Je ne dirais pas que la MINUSTAH empêche la police d’accéder à ces zones, mais je pense que la MINUSTAH dispose du matériel nécessaire pour se déployer sur les zones de non-droit, par exemple sur le trajet de la Route Nationale 1 - HASCO - Drouillard - je sais qu’ils disposent de chars déployés à chaque 200 mètres. Nous avons des patrouilles mobiles qui passent devant ces chars. Mais c’est sur ces patrouilles mobiles que les bandits tirent, car ils savent quelles ne sont pas constituées de véhicules blindés. Nous ne pouvons pas répondre à ces attaques, car nous ne disposons pas du matériel adéquat pour le faire. Lorsque les bandits connaissent cette faiblesse, ils tirent dans nos pneus et nous devenons encore plus vulnérables. Voici une réalité qui mérite d’être corrigée.

Là il nous faut avoir une autre approche, car il y a une différence entre l’approche policière et l’approche militaire à ces attaques. Or, je pense qu’actuellement dans Cité Soleil, nous ne pouvons pas avoir une approche policière, il nous faut absolument déployer une approche militaire pour résoudre le problème de l’insécurité. C’est pour cela qu’il a fallu que les Jordaniens utilisent des blindés à chenille pour intervenir lors de l’opération contre Dred Wilmé. Or, selon nos informations, lors de cette opération, ces blindés sont tombés dans des trous et c’est grâce à la proximité d’autres blindés qu’ils ont pu s’en sortir, sinon, les premiers auraient été incendiés. Cela démontre que l’on ne peut pas pénétrer Cité Soleil de n’importe quelle façon pour mener ces opérations. J’aimerais insister sur la délicatesse de ces opérations: lorsqu’un policier qui a quatre mois de formation et n’a jamais tiré avec une arme automatique, si vous lui demandez d’opérer dans Cité Soleil, vous l’envoyez à la boucherie. Premièrement il n’est pas entraîné pour manier des armes automatiques, et deuxièmement il risque de tuer des innocents puisqu il n’a pas été entraîné pour des tactiques de combat. La Police n’est pas entraînée pour répondre à ce type d’attaque et nous ne pouvons malheureusement pas répondre aux besoins militaires qui devraient être déployés pour contrer les actions des bandits parfaitement entraînés pour des attaques militaires sur le terrain. Toutefois, si nous n’avons pas les moyens de le faire, nous en avons la volonté.

J’ai une formation militaire et je ne peux en aucun cas envoyer mes hommes à la boucherie. Je le répète, ces opérations nécessitent une intervention militaire dont nous ne disposons pas, et je ne peux en aucun cas engager mes hommes et leurs vies dans ce genre de combat inégal. J’aimerais maintenant revenir sur le mandat de la MINUSTAH, qui stipule que celle-ci, y compris la Police civile, doit accroître la sécurité et la protection durant le période électorale. Elles doivent également évaluer les règles d’engagement des agents de la Police de la civile. C’est-à-dire que les agents de la MINUSTAH reçoivent des ordres et doivent répondre à ces derniers et ceci, au plus haut niveau. Ceci veut dire que la Police civile internationale doit également répondre aux ordres de la MINUSTAH. Je ne connais pas toutes les instructions et leurs règles d’engagement, mais ce sont des paramètres que nous devons considérer lorsque le monde entier a les yeux fixés vers un bastion du gangstérisme que constitue aujourd’hui Cité Soleil.

C’est ainsi que n’importe quelle action malencontreuse menée dans cette cité se verra taxée de tout épithète par les organismes des droits humains du monde entier. Tantôt la MINUSTAH comme la Police nationale sera accusée, comme dans le cas de Dred Wilmé, d’avoir perpétré des massacres. La MINUSTAH est également supposée être une force de la paix et d’interposition pour nous aider dans notre travail, il faut donc faire preuve de compréhension du coté de la Police nationale, mais aussi du coté de la MINUSTAH. Mais il est un fait certain : il y a une certaine manipulation ínternationale de la perception des faits qui se déroulent en Haïti.

Monsieur Andrésol, nous sommes là pour mettre les points sur les i. Aujourd’hui, je dispose d’ínformations sûres qui font état que la MINUSTAH aurait négocié avec le chef de gang Amaral pour le positionnement de bureaux d’inscription et de bureaux de vote dans Cité Soleil. Avez-vous ces mêmes informations?

Nous avons effectivement entendu parler de cela, mais nous ne pouvons pas le confirmer. Toutefois, il n’est pas exclu que ceci provienne des liens politiques que nous évoquions précédemment. D’autre part, ce genre d’attitude pourrait avoir une influence certaine sur l’attitude des bandits et les encourager, les inciter, à mener des actions contre la population. C’est tout ce que je peux dire sur cette question.

Monsieur Andrésol, je ne comprends pas, et détrompez-moi si je suis dans le faux, M. Amaral est recherché autant par la Police que par la MINUSTAH. Si ce que je viens de vous dire est vrai, cela n’impliquerait-il pas que la MINUSTAH a eu accès à Amaral? Deuxièmement, il y a un dizaine de jours, la chaîne internationale TV5 a eu également accès à ce chef de gang et a réalisé une entrevue avec lui au cours de laquelle il arborait un ‘’T-Shirt’’ à l’effigie de René Préval. Donc TV5 a eu accès à Amaral, la MINUSTAH de même et la Police ne peut pas trouver Amaral? Comment expliquez-vous cela?

Selon les informations dont nous disposons, ce monsieur et ses acolytes disposent d’une ouverture internationale qui leur permettent de devenir de ‘’véritables lieutenants’’. Nous savons qu’íls disposent aussi de leur propre discothèque et nous savons qu’il y a des chanteurs très connus et très populaires qui donnent des bals pour ces messieurs à Cité Soleil. Nous devons admettre que nous n’avons pas ce genre d’accès et que la Police nationale n’est pas présente dans Cité Soleil. Toutefois, les chars blindés de la MINUSTAH s’y trouvent. Concernant les organes de presse, il faut considérer les arrangements qui ont été faits avec les chefs de gangs, car que nous l’admettions ou non, les chefs de gangs ont établi des contacts internationaux et politiques, ce qui est encore pire.

Dans ce sens, je peux vous affirmer que désormais des Colombiens sont à Cité Soleil, disposent de jets skis et de bateaux pour les kidnappings et tirent régulièrement sur la marine haïtienne lors de ses opérations. Auparavant, ils disposaient de voiliers, aujourd’hui ils ont des bateaux rapides à moteur. Nous pouvons donc constater que c’est une véritable industrie qui se développe. Nous avons eu à ce propos de nombreux témoignages de familles faisant état de l’enlèvement des leurs emmenés au large sur des bateaux. Certains de ces derniers ont même été abandonnés sur la rade de Cité Soleil. Il faut donc attirer l’attention du public sur l’évolution de ces gangs et leur professionnalisation, qui connaissent aujourd’hui un véritable essor. Ces hommes, comme je lai dit auparavant, disposent de l’aide de stratèges qui leur permettent d’agir dans plusieurs zones comme la Croix-des-Bouquets, Pétionville, Meyer et dans le bidonville de Jalousie. Or, nous constatons que dans toutes ces zones, les bidonvilles poussent comme dans des champignons et peuvent devenir des repères de kidnappeurs.

De même qu’il ne faut pas s’étonner que de nombreuses habitations abandonnées deviennent aussi de tels repères. Nous en avons trouvé dans la zone de Jivago et dans la zone de Pernier, qui servent de détours pour aboutir à Cité Soleil. Ceci vous prouve qu’avec nos faibles moyens nous devons nous adapter à une nouvelle situation qui se développe à une vitesse accélérée. Si je ne souhaite pas entrer dans l’aspect politique de la question, il faut que le public comprenne l’aspect technique de la question que la Police et la MINUSTAH doivent confronter sur le terrain.

Monsieur Andrésol, je vous remercie pour toutes ces informations, mais ne confirment-elles pas, comme évoqué lors de ma dernière émission avec Hérold Jean-François, que ces gangs deviennent de plus en plus autonomes?

Oui, nous pouvons l’affirmer. Le fait que nous ayons pris autant de temps pour réagir, peut-être par crainte d’une réaction internationale, ces bandits se sont sentis de plus en plus confortables dans leurs actions. Il faut donc que la société réalise que nous devons tous nous mettre ensemble pour combattre ce fléau. D’ailleurs, dans de nombreux cas, ces kidnappeurs prennent souvent la population en otage et utilisent des femmes et des enfants comme boucliers humains. Il faut donc réaliser que dans ces zones de non-droit, la population aussi souffre et est prise en otage. C’est une des raisons principales qui a freiné l’action de la MINUSTAH dans ces zones. Les bandits ont même pris des femmes enceintes comme boucliers et il faut comprendre la réticence des soldats de la MINUSTAH à réagir dans ces cas-là. Cela démontre le degré d’atrocités et de crimes qui se développent au bas de la ville et la population y est à la merci des bandits. De plus, il ne faut pas oublier, qu’en plus de cette pression psychologique, la plupart des bandits séparent les rançons entre eux et la population.

C’est une autre façon pour eux de la dominer. La population est obligée de collaborer avec ces bandits puisque l’État est depuis longtemps démissionnaire. Pendant le mois de décembre, nous avons procédé à plus de 200 arrestations et démantelé plus de 44 gangs, or si la situation s’est aggravée, je crois sincèrement que c’est à cause des motivations politiques qu’il y a derrière ces kidnappings. Des secteurs politiques ont senti leurs intérêts menacés et ont ouvert la vanne de l’insécurité. Nous le savons et le public le sait. Toutefois, il est vrai que je suis le chef de la Police et je dois agir en conséquence, Aussi, j’avance dans mes enquêtes, j’accumule les preuves et je rechercherai tous les voleurs et tous les kidnappeurs qui appartiennent au secteur politique afin de les arrêter. Je sais comment ils opèrent: ils aiment créer des scandales, comme ceux que nous avons connu en 1990, 1991et 1994. Ce sont eux les responsables, mais ce seront les premiers à crier au scandale lorsqu’ils sont accusés. Ils prennent toute la population pour des imbéciles et la prennent en otage dans leur dessein maléfique.

Moi, je peux vous dire que je ne peux pas accepter l’existence des voleurs ou des kidnappeurs, qu’ils soient politiciens ou autres, et je ne leur permettrai pas d’utiliser la police pour arriver à leur dessein. S’il faut pour cela que je défie le système, je le ferai. S’il faut pour cela défier la mafia qui cannibalise la société, je le ferai. S’ils essaient de m’effrayer ou de me freiner, ils n’y arriveront pas. Je vais revenir à l’incident qui s’est déroulé cette semaine au Cap Haïtien: lorsque nous avons arrêté un candidat à la présidence, qui a été mis en garde à vue pour détention illégale d’arme, un membre de son parti a eu à me menacer en disant que son parti me donnerait une réponse à la hauteur de l’humiliation que j’avais fait subir à Dany Toussaint. Qu’est-ce que cela veut dire? Je suis chef de la Police et quelqu’un me menace! De deux choses l’une: ou cet homme est fou ou il est «enragé» excusez-moi l’expression. Si l’on peut me faire ce genre de menaces, cela veut dire que cet homme se sent si puissant, il sait qu’il a de tels appuis, il sait qu’il a de tels assassins, de tels criminels à sa disposition et qui peuvent agir pour lui, qu’il peut se permettre de me dire qu’il me donnera une réponse égale à mon action. Maintenant j’aimerais lui répondre: tous les kidnappings qui se déroulent à Pétion-Ville, je sais où aller. Je me rendrai au Parti MODEREH pour leur poser des questions sur ce qui se passe à Port-au-Prince. Surtout qu’aujourd’hui, non seulement j’ai des informations, mais de plus je reçois des menaces de mort. Ce genre de pression politique, j’y suis habitué. Nous y sommes tous habitués: aujourd’hui, ils assassineront des membres de partis politiques, et le mettront sur le dos de la police. C’est toujours ainsi que cela se passe. Et je les mets en garde. S’ils savent ce qui va arriver, il vaut mieux le dire, car si quelque chose arrive dans Pétion-Ville, il vaut mieux que nous soyons au courant. Et ce que je dis, je l’assume.

Monsieur Andrésol, pourquoi n’avez-vous pas arrêté ce membre de parti qui vous a directement menacé?

C’est une question de stratégie. Il y a deux choses: je ne vais pas apporter de l’eau au moulin de ces messieurs pour les forcer à agir. Ils m’ont menacé à la radio, j’ai la copie de ces déclarations, et je veux utiliser ce moyen pour arriver à mon but. Si effectivement, dans les jours à venir, le pays devient «chaud», ce parti aura montré son vrai visage. L’impunité dans ce pays doit se terminer. Chaque fois qu’on tue quelqu’un dans ce pays, personne ne dit rien parce que tout le monde a peur. Les gens savent qu’il y a des personnalités dans ce pays qui détiennent des gangs qui peuvent écraser quiconque se met sur leur passage. Je m’appelle Mario Andrésol, je suis Chef de la Police, je prends ces menaces très au sérieux et j’envoie un message à toute personne qui fait des menaces: vous financez des manifestations contre moi parce que vous voulez que la population se dresse contre moi pour que je ne puisse pas vous empêcher d’aboutir à vos buts. Je jure de me dresser légalement contre ces gens qui veulent démanteler les structures de la Police. En tant que Chef de la Police, je ferai respecter la loi aux vagabonds qui ne veulent pas le faire. Qu’ils soient sénateurs, qu’ils soient présidents, qu’ils soient rois, qu’ils soient le Pape!

Depuis le 28 décembre dernier nous avons des informations fiables faisant état de lourdes menaces sur Haïti. Vous avez vous-même déclaré cette semaine que des réseaux allaient cibler des personnalités en vue pour salir l’image de la police et provoquer la colère de la population contre sa direction. Apparemment, il y aurait des opérations planifiées pour cette semaine et le mois de janvier. Il en a été de même avant la vague de kidnappings de juin et juillet dernier où des réunions avaient été planifiées par un parti politique qui voulait créer de la diversion par rapport au processus électoral. Êtes-vous au courant de ces menaces et d’autre part, Haïti n’est -elle pas en train de devenir un terroir fertile pour le terrorisme international?

Oui, je le pense d’ailleurs, je peux vous confirme encore la présence de Colombiens à Cité Soleil. De plus, nous avons certains informations, non encore confirmées, qui font état de gens convertis à l’Islam dans ce quartier. Il y a donc beaucoup de choses et d’activités qui sont menées dans ce quartier qui comprend plus d’un demi million de personnes. Ces dernières comme vous le savez vivent dans des conditions de misère abjecte qui peuvent faciliter l’implantation du terrorisme. La prolifération des bidonvilles à Port-au-Prince permet aussi à ce fléau de s’installer et de s’étendre à travers la capitale. Haïti est un pays qui a toujours suscité des complots même de la part de ses propres enfants. En tant que peuple nous avons fait faillite et nos divisions intrinsèques font qu’aujourd’hui, nous n’avons pas de pays. Cela permet aussi à des hommes douteux de mener en toute impunité leurs activités sous une couverture politique. Il n’y a personne qui ne sache qui est impliqué dans ces activités mais personne n’ose rien dire. Tout le monde se tait sous la peur car les gens savent que s’ils parlent, on peut leur envoyer un gang pour les éliminer.

Aujourd’hui il me semble qu’il faut absolument qu’on se révolte contre cet état de fait et que nous puissions extirper de notre propre sein les mauvais éléments de la société. Ce n’est qu’à partir de ce moment là que nous pourrons commencer à penser à reconstruire ce pays. Comme vous l’avez soulevé, il y a effectivement des tentatives de diversion pour pouvoir arriver à des buts précis. De plus ces gens sont tellement audacieux qu’ils ont accès à la presse et à force d’y répéter leurs mensonges, certains finissent par les croire. Ce sont des gens qui ne fonctionnent que par la force des armes et par la pression exercée sur les autres. Ceci constitue un des problèmes les plus aigus à l’heure actuelle. En Haïti celui qui détient les armes fait toujours pression sur l’autre pour obtenir tout ce qu’il veut. Quand déciderons nous de divorcer de cette pratique? Quand déciderons nous d’arrêter la culture d’impunité qui règne en Haïti? Je pense qu’il est grand temps que les citoyens, les gens qui savent lire, ceux qu’on appelle «les gens de bien»se mettent ensemble pour contrecarrer ces bandits et ces hommes qui sous couvert politique se permettent de tout faire. Si l’on ne le fait pas, nous serons complice de ce qui se passe car «qui ne dit rien consent».

C’est pour cela que les kidnappeurs se sentent aussi forts, que des hommes sous couvert politique se permettent de nous bluffer alors que ce sont eux qui gangrènent ce pays et qui nous tuent. Nous sommes tous en train de mourir: la presse est victime, les anciens militaires, et tant d’autres et personne ne dit rien Certains se permettent même de se présenter aux élections et sont approuvés par le CEP! Il est temps que tout un chacun assume ses responsabilités et si cela ne se fait pas, je le ferai. Je pourrai échouer mais au moins j’aurai essayé. J’irai jusqu’au bout de ma tache et je peux affirmer devant la population qu’elle peut compter sur moi. Je n’ai pas peur de mourir on a déjà tiré sur moi, on m’a déjà emprisonné, et on a essayé de m’assassiner. Mais tant que je serai en vie je continuerai à lutter contre ces bandits et je les préviens: «Ranje kò ou» (Faites gaffe).

Est-il vrai que M. Bob Manuel aurait la main mise sur 35% de la PNH?

C’est une belle question et je suis content que vous me l’ayez posé vu la grande écoute de votre émission. J’affirme que moi, Mario Andresol, Chef de la police d’Haïti je ne soutiens aucun candidat. Je suis cohérent et consistant dans mes paroles et dans mes actes. Cette information circule depuis longtemps. Elle est véhiculée par un des secteurs bien déterminés qui a peur. J’ai toujours dit qu’à chaque fois que les forces publiques s’impliquent dans la politique cela crée un plus grand chaos. Que ce soit la police ou l’armée dans le passé. Par exemple, en 1957, les chefs militaires se sont acoquinés à un candidat et ceci nous a donné comme résultat Fort Dimanche et des poteaux d’exécution.

Après 1986, les chefs militaires se sont également mêlés à la politique, en 1989-1990, des officiers vicieux se sont liés à un candidat et ceci nous a donné deux occupations. Beaucoup de gens sont morts et le pays a connu d’importantes turbulences politiques.

L’histoire nous a donc prouvé qu’à chaque fois que les forces de sécurité s’impliquent dans la politique le pays s’enfonce davantage dans le chaos. Il en a été de même en l’an 2000 lors de l’opération «Coucou rouge»: ce ne sont pas les gens qui me l’ont dit, je l’ai vécu. Lorsque j’ai voulu intervenir à l’époque, on m’a volontairement écarté. On sait ce que cela a donné, une police politisée. Tant que je serai là, ceci ne se reproduira pas.

Pour répondre clairement à votre question, et je comprends pourquoi vous me la posez, car d’autres se sont questionnés sur la raison pour laquelle un candidat était assuré de la sécurité de la police et pas les autres; je le répète: il y a un décret qui a été signé avant que M. Aristide ne quitte le pouvoir en 1996 - c’est une des raisons qui lui a permis de se déplacer avec sa propre sécurité à Tabarre - ce décret est resté valable jusqu’en 2001 lorsque ce candidat en question, en l’occurrence René Préval, a laissé le pouvoir. Ce décret stipule que toute personne ayant été Président de la République bénéficie de la sécurité des forces publiques pendant cinq ans et nous sommes toujours dans la fourchette de ces cinq ans. En tant que Chef de la police, je ne peux donc pas m’opposer à ce décret qui a toujours force de loi. Ce sera aux hommes politiques de décider de son retrait ou pas.

Parallèlement, il y avait un autre candidat qui s’est présenté avec ses propres forces de sécurité. J’ai alors fait publier une note de presse où j’ai précisé que les policiers n’avaient aucun droit de prendre des initiatives personnelles pour assurer la sécurité d’un candidat. Lorsque j’ai découvert qu’il y avait cinq policiers avec ce candidat, c’est malheureusement celui qui a été arrêté au Cap Haitien, j’ai demandé la révocation de ces agents. Le décret que j’ai évoqué a peut-être donné la perception que la PNH protégeait un candidat. Mais je pense que ma réponse est claire. Bob Manuel n’a pas la main mise sur 35% de la PNH mais c’est sans doute de cette perception imposée à la PNH par ce décret, qu’est née cette information.

Hier encore, un candidat à la présidence a osé dire qu’il a entendu que j’étais aux ordres de Bob Manuel. Je ne comprends comment on peut affirmer une telle chose alors que je n’ai aucun contact direct ni avec des politiciens ni avec des candidats à la présidence. Je ne supporte aucun candidat à la présidence car l’histoire m’a déjà donné raison en démontrant que chaque fois que les forces de police s’allient à un candidat le pays plonge davantage dans le chaos. Je ne ferai pas cette erreur et je resterai neutre.

Monsieur Andresol, je vous remercie pour cette interview et vous souhaite bonne continuité dans votre lourde tâche.

Nancy Roc, Montréal le 7 janvier 2005.

boule

Qui est Mario Andrésol?

Muradieu Joseph
8 janvier 2006

Mario Andrésol, ancien élève au College St. Pierre de Port-au-Prince et ancien Capitaine des Forces Armées d'Haiti, est, une fois de plus, face à son destin après avoir occupé, sous le régime déchu de Jean-Bertrand Aristide, le poste de directeur de la police judiciare. Le nouveau commendant en chef de la police a failli, on se le rappelle, laisser sa peau dans les géôles de l'ancien prêtre devenu président, pour avoir voulu appliquer la loi contre les trafiquants de drogue et les bandits liés au régime lavalas. Mario Andrésol avaient échappé à un attentat en plein jour contre sa personne.

En acceptant d'assumer, aujourd'hui, la tâche la plus difficile en Haiti qui est de ramener la paix dans les rues de la capitale et des provinces, Mario Andrésol veut signifier aux plus sceptiques qu'il a la capacité d'assagir les criminels lavalas et que le cas d'Haiti n'est pas perdu. Cependant, le nouveau responsable de la PNH, malgré sa détermination et sa bonne volonté, aura besoin des moyens logistiques et des policiers professionnels et dévoués à ses cotés pour réussir cette gageure. Il faut aussi que le gouvernement lui laisse une marge de manoeuvre pour qu'il puisse extirper les éléments nocifs du sein de la police nationale.

Mario Andrésol n'est pas un policier formé sur le tas. A sa sortie de l'académie militaire d'Haiti au début des années 80, il s'était rendu en France où il avait reçu une formation solide en gendarmerie, puis aux Etats-Unis où il s'était spécialisé en artillerie.

boule

Le nouveau directeur général de la Police nationale
promet d’éradiquer le phénomène de l’insécurité

dépêche de Radio Métropole
22 juillet 2005

Le nouveau commandant en chef de la Police Nationale d’Haïti (PNH), Mario Andrésol, promet d’éradiquer le phénomène de l’insécurité qui empêche à la population de circuler en toute quiétude à la capitale.

Dans sa toute première déclaration en tant que directeur général de la PNH Mario Andrésol a annoncé, vendredi, que l’heure est «au renforcement des mesures de sécurité pour éradiquer le phénomène du kidnapping et de la violence afin de créer un climat propice à la tenue des prochaines élections en Haïti. «Nous allons prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’ordre et la paix dans la cité dans le respect des lois en vigueur», a-t-il déclaré d’un ton ferme lors de la cérémonie de passation des commandes à l’Académie de police (Routes de Frères), vendredi.

Mario André a félicité le courage des policiers qui, ces derniers mois, mettent leur vie en danger pour affronter des «terroristes» bien armés. Il a du même coup saluer la mémoire des agents de la PNH tombés au cours des affrontements avec les bandits et tous ceux lâchement assassinés après leur enlèvement à Port-au-Prince.

Mario Andrésol remplace au poste de directeur général de la PNH Léon Charles. Ce dernier a été nommé ministre conseiller à l’ambassade d’Haïti à Washington par le gouvernement de transition.
 

 
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