Potomitan

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Commentaires en ligne sur les langues en Haïti

Emmanuel W. VEDRINE

Mars 2006

Grand-père
Grand père est parti, il a laissé sa chaise, son baton, sa bouteille, son vieux chapeau et personne n'ose y toucher. - Francklin Pierre.
 

«J'ai quitté Haïti depuis 73 à peine si on avait quelque lecture en créole. De ce fait je vois la posse du créole sur un point assez négatif.  N'est il pas  aussi une façon de s'élever un peu plus haut que nos illettrés qui savent parler le créole mais ne peuvent pas l'écrire. D'un autre angle je vois que l'impérialiste américain est derrière cette tentative pour nous éloigner du français car petit nègre d'Haïti ne peut pas parler français. Sa langue doit être une qui le met a l'écart de la communauté internationale et même s'il parle l'anglais c'est un modèle purement touristique peut être dérisoire car il parle comme un homme decave dont les phrases ne contiennent que  quatre mots». (Daily Chapot, Haitian Politics Forum -Thursday, March 9, 2006).

Cher ami, je ne suis pas d’accord avec vous là-dessus en accusant les Américains. Tout le problème réside dans l’Haïtien. Même beaucoup de Canadiens ne savent pas de la collaboration énorme des Haïtiens au Québec en matière d’éducation (ceux qui sont venus d’Haïti dans les années 60, et ceux qui sont revenus d’Afrique). Les Haïtiens, qui avaient accès à aller à l’école, n’ont aucun problème avec la maîtrise du français. Beaucoup d’auteurs haïtiens (francophones)  sont reconnus partout dans le monde pour leur contribution à la langue française. Certains sont encore vivants (si on veut les citer):

Dany LAFERRIERRE (Prix Carbet de la Caraïbe, pour L'Odeur du café [1991]; Prix Edgar-l'Espérance, pour Le Goût des jeunes filles. [1993]; Prix Carbet des Lycéens, pour Le Cri des oiseaux fous [2000]; Prix RFO du Livre, pour Cette Grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit?) [2002]; Prix Zénith (long-métrage fiction, première œuvre), au Festival des Films du Monde de Montréal, pour Comment conquerir l'Amérique en une nuit [2004]

FRANKETIENNE (Prix Carbet de la Caraïbe, pour H'Éros chimères)

Gérard ETIENNE (Prix du meilleur éditorialiste (Éditorial du Voilier [1988]); Médaille de l'Association des écrivains de la Guadeloupe[1991; Prix de la meilleure émission de radio communautaire, pour "Apprenons à nous connaître" (CKUM-FM) [1994]; Médaille d'or de La Renaissance française (Montréal) [1997; Prix Cator de Vermeille, pour l'ensemble de son œuvre. [1998]

Jean METELLUS (Prix André Barré de l'Académie française [1982]; Prix de la Fondation Roland de Jouvenel de l'Académie française [1984]; Prix littéraire de l'APLER (Association du Prix littéraire Émile Roux) [1991])

René DEPESTRE (Prix Théophraste Renaudot [1988]; Prix du roman de la Société des Gens de Lettres (Paris) [1988]; Prix Antigone de la Ville de Montpellier [1988]; Prix du Roman de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (Bruxelles) [1988]; Prix Tchicaya U'Tamsi de la poésie africaine, pour l'ensemble de ses travaux (Asilah, Maroc) [1991; Prix Guillaume Apollinaire de poésie, pour Anthologie personnelle (Editions Actes Sud, Arles) [1993]; Lauréat de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation [1995]; Premio Grizane Cavour, pour L'Albero della Cuccagna, la version italienne du Mât de cocagne [1996]; Grand Prix de Poésie de l'Académie Française, pour l'ensemble de son oeuvre [1998]; Prix Carbet de la Caraïbe, pour l'ensemble de ses travaux [1998])

et tant d’autres…

Quelle dommage, la vraie littérature haïtienne n’est jamais enseignée en Haïti pour honorer nos écrivains! Donc, le vrai problème en Haïti c’est plutôt d’avoir accès à l’éducation (que la langue d’enseignement soit le français, le créole ou l’anglais). J’ai appris à écrire le créole à l’université (à Boston dans les années 80) avant de devenir écrivain/chercheur créolophone, pourtant je maitrisais déjà le français, l’anglais, l’espagnol et l’allemand. Voyez-vous notre retard en Haïti (en terme de donner à la langue maternelle sa vraie place dans notre société, particulièrement dans l'éducation)? Un éminent professeur de la Sorbonne qui était mon professeur de linguistique appliquée et qui s’intéressait au créole haïtien (pour ses recherches) m’a encouragé à écrire en créole. Comme étudiant ex-lettres, sans aucune connaissance de la linguistique, j’étais réellement dans un autre monde comme beaucoup de mes compatriotes, non pas d’être à cheval sur deux langues mais plutôt sans savoir le rôle de langue maternelle dans la vie de chaque jour et d’apprendre à l’apprécier aussi.

D’autre part, oui les Américains ont certaine influence sur le choix de la langue française comme langue officielle d’Haïti (reconnue pour la première fois dans la Constitution de 1918), une Constitution écrite et révisée sous l’ordre d’Oncle Sam (à Washington). Mais avant, Il n’existait aucune «langue officielle» en Haïti. Donc les Américains pouvaient, en même temps, faire d’une Pierre deux coups en reconnaissant la langue vernaculaire (le créole) à côté du français (langue véhiculaire) comme «deuxième langue officielle» mais helas, on attendrait une telle reconnaissance jusqu’en 1987 (date de la nouvelle Constitution).

Ce que nous devons faire c’est plutôt d’encourager ces 3 langues vivantes en Haïti (le français, le créole et l’anglais) et même l’espagnol (une quatrième) parce que si on parle de diaspora haïtienne, il existe aussi plusieurs millions d’Haïtiens qui parlent l’espagnol comme leur langue dominante (par exemple, ceux qui sont nés en République Dominicaine, à Cuba, à Porto Rico ou au Venezuela…).  MAIS, nous avons aussi un grand problème avec l’école en Haïti: qu’est-ce qu’on enseigne vraiment là? Existe-t-il une éducation pratique (en terme de tout ce qu’on enseigne, en terme du curriculum utilisé)? Ici, on parle de langues, une très bonne discussion. Les langues étrangères ne sont pas encore enseignées en Haïti (inclus le français, une langue étrangère pour tous les Haïtiens parce que la langue maternelle de tous les Haïtiens est le créole). Si on les enseigne, c’est peut-être à Union School ou d’autres écoles américaines et dans certains instituts.

Imaginez-vous quelqu’un qui enseigne le français, l’anglais ou l’espagnol (en secondaire) et n’a aucune maîtrise de la langue cible, aucun diplôme universitaire dans le domaine, aucun training pédagogique pour montrer une certaine qualification, n’a jamais effectué aucun voyage au pays où cette langue est parlée voir l’enseigner?  Donc, voilà l’école haïtienne! C’est comme une veille maison dont sa base est à refaire (si on veut parler vraiment de réforme scolaire en Haïti). En même temps, nos élèves ont réellement une grande soif d’apprendre (tout) mais dommage, il n’y a pas assez d’enseignants qualifiés et dévoués pour leur donner le pain de l’instruction dont ils ont besoin.

boule

RÉACTION / FEEDBACK (#1)

Thanks, Vedrine, for your contributions to our Creole, which I think we call simply ‘Haitian”.(Laude St. Preux).

Laude, thanks for your recognition! At the same time, I must correct you or comment a little bit on that phrase, “which I think we call simply 'Haitian”, once for all. I pretty much doubt that 8 million people in Haiti call their language Haitian. They rather call it Kreyol. The term “Haitian” to refer, to the Haitians' language by some scholars, has nothing do with these 8 million native speakers.

As a long time researcher and writer who has been producing in Haitian Creole (Kreyol), it would be funny (to me) to suggest the Haitian people to call their language Haitian, but it is not an insult either if the term is being used by some people. Also, remember that hypothesis is not evidence. If you go to Haiti to research on that, just hang around Blv. Jean-Jacques Dessalines and ask 20 Haitians for the name of the language that all Haitians speak. It's a test, so I am not giving you the answer. We must be careful with what some people are writing (just because they have a university degree or a title) and (sometimes) don’t respect sample evidence for research.

I have laughed at Professor Bryant Freeman who has been producing the most voluminous bilingual dictionary entitled, Dictionary Of Haitian – English (5th edition, 2005- 1020 pages, 57,000 words and expressions) in collaboration with Jowel Laguerre in which many of my books are being cited in his bibliography. I credit him for such a seminal work that he has been working on for the past two decades and updates it quite often. Frankétienne says the same thing (in an interview with Charlot Lucien) where I quote him also. Do I have to listen to them as a native speaker of Kreyol? Let’s see what Yves Dejean say about that in his article, “Ki non lang nou an”? (What’s the name of our language?)

In the introduction of his dictionary, Freeman is like people to call the Language Haitian for “dignity” and he says: “We use the term Haitian, since this is the language of the Haitian People, just as the Italian People dignify their language by the name Italian (in spite of many similarities to Spanish and French), or the Norwegian people dignify their language by the name Norwegian (in spite of the many similarities to Swedish and Danish) Creole is vague term referring to various languages related to French, Portuguese, English, or Dutch, etc. and bearing among them little or no lexical similarities” (xii). But, it’s funny when going into logic: What do Brazilians, Cubans, Dominicans, Egyptians, Iranian, Mexicans, Moroccans, Quebecois… call their language? Hm! That’s the trap with making funny hypothesis sometimes and when testing them, they fail the test.

The term Haitian has been technically used by mostly some (non-Haitian) linguists as a “short cut” to refer to Haitian Creole. Here are some examples of that with some titles of articles that appeared in my latest book (An Annotated Bibliography on Haitian Creole).

  • A comparison of NP structure in Haitian and related languages (pp.104, 462)
  • A Haitian grammar for English speaking people (pp.104, 269)
  • A note on the existential construction in Haitian (pp.454, 459)
  • A resumptive non-verbal pro-predicate in Haitian (pp.444)
  • A riddle on negation in Haitian (pp.443)
  • A survey of self-reports of language use, self-reports of English, Haitian, and French language. (pp. 410)
  • AGR in languages without person and number agreement: the case of the clausal determiner in Haitian and Fon (pp.458)
  • Be or no Be? French vs. Haitian (pp.444)
  • What's in a name: An awakening of the Haitian Linguistic consciousness (pp.104, 147)

In short, I want to leave the readers with something to read from Yves Dejean about Haitian Creole.

boule

RÉACTION / FEEDBACK (#2)

“Vedrine could there be a way to simplify the Creole spelling...?” (Natania Etienne).

Great comments, hm! … So far, everything is in the IPN* orthography. I find it quite simple, despite of the optional use of apostrophe & hyphen (that they did not take out, or fully explained - no doubt about Pierre* Vernet's choice since he was one of the main researchers on the team working with Université Descartes to finalize it). But later with some suggestions (such as from the renown Yves Dejean, et al.) to remove it has been successful and of course we can notice that simplicity (you mention) through the writings of many authors /organizations that are writing in Haitian Creole (Kreyol) nowadays, including some of the key editors, (e.g., Indiana University, Kansas University, Educa Vision, Mason Integrated Technology, Vedrine Creole Project, Bon Nouvèl, and writings by the Dejean Brothers (Yves and Paul).

For the apostrophe and hyphen, they really don’t have (real) semantic values (in terms of changing the meaning of a word), but would rather complicate the writing system since many people would throw them everywhere. In these phrases for instance,

  1. M ap fè w mache èsès”.
  2. M ap fè w mache ès-ès”.

meaning (literarily), I am making you walking straight (accordingly, abiding by the rule). The hyphen in #2 can also be an option here if we separate the two phonemes (ès ès) to clear out any ambiguity that native speakers may have (in term of the right pronunciation of the word (which also carries a meaning) where we would notice such ambiguity in #1, we would notice a sort of ambiguity (in terms of pronouncing a word ¨¨s¨¨s [εsεs] that would have no meaning). So, these are certain nuances that one may find in the new orthography and the spelling of certain words.

Instead of proposing this is the way such and such word should be written, we instead have seen certain orthographic options (e.g., jodi a / jodiya, lavichè / lavi chè, kout je / koutje). But really, I don’t think that would be such a big problem for teachers and people in Haiti to use as excuse not to encourage literacy in the native language and its full use in school and in the government. Not at all! Yves Dejean and Felix Morisseau-Leroy, in some of their comments, say: “Òtograf yon lang se kouwè yon kostim, li ka chanje” (The orthography of a language is like a suit, it may be changed). But hopefully, we are not going back in changing the IPN Official Orthography to go back to the Pressoir’s one (which is also consistent), but sciences is a field that is constantly in progress in terms of the latest (IPN) that reviewed the former that was greatly in use (the Pressoir’s). Here, we are just commenting on certain nuances in terms of orthography that one would find in any world language. The French, English, German orthography are quite complicated and people write about that whereas in Kreyol, things are quite simple: we write what we hear (Gramè Kreyòl Védrine). I hope to have the second edition of my grammar available on-line soon this year, which gives more details on the issue. (E. W. Védrine).

Notes

*I.P.N : Institut Pédagogique National. “For almost fifty years, Haitian linguists had debated the spelling rules for Creole. But in the late 1970s, the National Pedagogic Institute (Institut Pédagogique Nacional--IPN) developed an orthography that included elements of the two systems previously in use. The government gave semiofficial status to the new orthography as part of the education reform of 1978”.

*Pierre Vernet. Dean of the Faculty of Applied Linguistics, State University of Haiti.

boule

RÉACTION / FEEDBACK (#3)

«Le point n'est pas d'éliminer le créole mais de voir que l'on puisse communiquer avec l'extérieur pour un lendemain meilleur sur le plan économique peut être culturelle». (Serge Pierre-Pierre).

Depuis plusieurs années on écrit ces phrases dans les journaux en Haïti et dans certains livres, pourtant Haïti est en contact avec le monde depuis 1804. Et même avant 1804, les officiels français ont du prononcer leurs discours en créole pour que que tout le monde décodait le message des représentants du gouvernement français (re: les discours de Sonthonax et al.).

Au lieu de reconnaître les ingrédients importants de notre culture, certains d'entre nous préfèrent prolonger une littérature inutile. Pourquoi l'Haïtien ne peut pas être fier de ce qu'il a?  “Soulye peyi chire chosèt”... (Les souliers fabriqués dans le pays déchirent les chausettes ou an anglais, Home made shoes tear up socks). Un tas d'excuses pour mépriser ce qui est le nôtre. Pourquoi l'Haïtien veut vivre pour «l'extérieur» tout le temps? Est-ce que «l'extérieur» vit pour Haïti? Je crois que c'est une mentalité esclavagiste parmi certains d'entre nous, quelque chose qu'on doit déchouquer et l'école est l'un des meilleurs endroits pour commencer à le faire. Donc, il nous faut une nouvelle école haïtienne pour véhiculer des idées anti-esclavagistes, des idées progressistes afin de retrouver notre perle perdue depuis plus de 200 ans.

Combien de pays au monde parlent-ils le japonais? Aucun des créolistes voteraient pour l'élimination du créole à mon avis, mais plutôt pour sa reconnaissance à tous les niveaux en Haïti et ailleurs. C'est tout! En outre, ce serait aussi une richesse pour notre chère Haïti de faire avancer les quatre langues à la fois (le créole, le français, l'anglais et l'espagnol). Pourquoi pas? Non seulement elles font partie de notre sanglante histoire (malheureusement), mais aussi elles nous appartiennent puisque ce sont des langues de la région Caraïbe et de toute l'Amérique, notre continent. Soyons fiers de les apprendre pour communiquer avec nos voisins. Mais d'abord, commençons avec ce qui est la nôtre, le créole, la langue qui nous cimente.

Dans mes commentaires, je mets aussi l'accent sur l'accès que tous les Haïtiens doivent avoir pour aller a l'école (gratuitement). Ça reste encore une utopie pour beaucoup d'entre nous et c'est vraie. C'est dans la Constitution de 1987 (tous ses articles concernant l'éducation). Donc, essayons de commenter là-dessus: le devoir du gouvernement de fournir une éducation gratuite à tous est quelque chose qui n'est pas une faveur, mais plutôt un devoir constitutionnel.

Seule une vraie campagne d'alphabétisation dans la langue vernaculaire, le créole, porterait du succès avant le passage au français ou a d'autres langues régionales. Regardons le progrès linguistique des Îles de Seychelles avec ses trois langues officielles (le créole, le français, et l'anglais)! Haïti a beaucoup à apprendre de cet archipel. Je dois mentionner aussi la République Dominicaine dans notre discussion linguistique. J'ai eu la chance de rencontrer le président, Dr. Leonel Fernández, à trois reprises lors de ses voyages à Boston avant de se lancer dans la campagne présidentielle. En détaillant son projet de gouvernement, il a mis beaucoup d'accent sur un bilinguisme dominicain, où il encourage l'apprentissage de l'anglais à tous les niveaux. Donc, en gros, je ne crois pas que le mouvement créole est la pour éliminer certaines langages en Haïti, mais est plutôt à la recherche d'une reconnaissance linguistique, de cette langue cible, à tous niveaux tout en encourageant l'apprentissage des autres langues de la région caribéenne. (E. W. Védrine).

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Emmanuel W. Védrine
E. W. VEDRINE CREOLE PROJECT, Inc.
P.O.B. 255962
Dorchester, MA 02125-5110 (U.S)
evedrine@hotmail.com, e_vedrine@yahoo.com

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