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Annou voyé kreyòl douvan douvan

Vide

Umar Timol

Nous venons du vide et nous retournons au vide. Nous ne savons pas tout à fait ce que nous sommes, encore moins ce que sont les autres. On ne cesse pour autant d’éructer notre arrogance, de prétendre au savoir, d’exulter notre présence au monde. Mais nous ne sommes rien. Ou pas grand-chose. Sans doute fétus de paille à la dérive sur un océan trop vaste pour combler nos peurs. Nul ne le sait. Mais il importe peu. Il nous arrive parfois, dans les plissures d’une nuit, d’apercevoir la vérité ou du moins un de ses fragments. On s’abandonne alors à des exaltations, à des conquêtes et à des frénésies qui ne durent, cependant, jamais très longtemps. On ne le sait que trop bien, la vie soudoie toutes les promesses, les plus vives, les plus fortes, les plus tenaces. On croit ainsi comprendre, posséder et parfois dominer mais le temps sème à tout vent nos œuvres, faites de sable. Mais on a envie de croire. Il le faut. Les plus aveugles adorent la matière. Les plus fervents érigent des sacrements qui conjuguent le sens. Les plus lucides se contentent de glaner des esquisses qui signifient l’éphémère. Certains choisissent la demi-mesure, d’autres l’excès. Certains se confondent à l’ombre de peur d’ébruiter leur être, d’autres s’emplissent de lumière parce qu’ils ont le vouloir de l’apparence. Mais il importe peu. Nous sommes tous réunis sur l’autel d’un trop grand désir, éperdus de sens, tendus vers un ailleurs qui toujours fuit alors que nous sommes du domaine de la chair et des larmes, nous sommes les créatures d’une impossible nostalgie et nous remédions à l’absence en perpétuant l’attente. Ainsi sommes-nous, sans doute pas grand-chose et fragiles mais parfois essentiels car les dépositaires du seul rêve qui vaille, l’amour, car les dépositaires du seul secret qui vaille, la beauté. Nous venons du vide et nous retournons au vide.

Viré monté