Potomitan

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Annou voyé kreyòl douvan douvan

partir

Umar Timol

Que faire si la nuit revendique le sang ? La mousson déverse sur ces terres encore englouties un fleuve de lianes et de blessures, qu’il te sied de démêler. Elle prétend qu’il faut s’en aller. Que faire? Que faire? Tes yeux sont comme un phare au lointain qui ressasse on ne sait quelle ode aux contrées de l’infini. Les mots fissurent l’ombre. Partir et avec tout ce qu’il y a de décharné et d’inassouvi en toi fonder un corps dont le geste est le déclin selon ton vouloir. Partir parfois. Il suffit de célébrer les retrouvailles avec tout ce qu’il y a d’empli et de vaste en toi. Il suffit de peu. Partir, partir en effet. Fêtes et noces. Tes mains arrachent mes entrailles. Tes mains m’inscrivent dans les nuances de la soie. Partir et je prédis des fulgurances hautaines. Je prédis un bleu si lumineux que vous vous efforcerez de déchirer les sanglots de la chair. Je prédis qu’on s’efforcera de résilier le désaveu des grands vents, ceux qui enflent les voiles des insoumis. Que faire? Sinon demeurer à la lisière de cette plaine laiteuse, - est-ce le chant qui émane de tes confins - , qui rameute les pluies. Sinon déraciner les veines qui ensemencent les terres. Il reste la foi, me dis-tu. Je crois en cet éphémère qui épuise la beauté et ses vertiges. Je crois en cette parole qui esquisse des signes plus tenaces que des minuits féroces. Je crois en tant de choses. Ou en rien. Je ne sais plus. Il faut archiver la source pleine de tes serments. Et tu es. Tout simplement. Que faire? Si ma seule permission est l’offrande. Si ma seule sagesse est le don. Partir alors. Ne pas s’arrêter. Car je crois en toi. Tu es caravane qui sillonne les mers, qui s’en va loin, toujours plus loin. Et je suis le compagne un peu vagabond de ces exils qui parjurent les frontières. Partir donc. Ne pas s’arrêter.

umar

Viré monté