Potomitan

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Au soleil levant

Max Rippon

La Désirade

La Désirade depuis la pointe des Châteaux. Photo Francesca Palli.

Pointer ses attentes aux portes mêmes de l’Anse Bois d’Inde, proche de l’Anse Feuillard, quand la nuit n’est plus noire et le jour hésitant encore à se lever. Oublier les avens de Gueule-Grand-Gouffre et les lames capricieuses balayant Caye-Plate…

Contempler en silence la voisine Désirade, si proche et qui semble venir à notre rencontre, poussée par les vagues alanguies contre le flanc bleu de la mer.

Faire l’inventaire attentif des richesses de sa base rocheuse plusieurs fois centenaire. La deviner dans l’intimité de ses contours. Dater à son propre carbone chaque recoin où poussent les oliviers charnus. Tutoyer les lisières marquées de cette odorante forêt sèche. Faire la cour aux épineux rebelles, aux pointes acérées et hirsutes des cactées mal peignés. Eviter les cierges dressés, indexant les nuages. Marquer la considération devant les tiges de bois-gayak protégés, défiant l’acier le mieux trempé. Découvrir les hordes de caprins bêlant en débandade… Prolonger sa curiosité devant ces visages résignés sous le feu du soleil tôt levé. Tout ici est à voir et embrasser sans réserve.

Quitter la Place du Mendiant et aborder à pas mesurés chaque récif, pour converser avec les murènes ventrues, et les crabes honteux. Visiter le moindre fossile. Dialoguer avec les tessons de l’ancienne léproserie, comptable de l’histoire de ce pays.

Longer le bord de mer.

Salut Désirade, langue de terre fertile à la mesure des hommes qui y vivent… Lieu propice pour braver l’océan chaque jour que Dieu fait, et ramener à terre la palette de poissons de roches aux tons et aux formes multiples autant que variées.

Les noms vagabondent dans la tête des visiteurs en soif de connaître: Grandes gueules. Kalkabou. Pagres dent de chien. Soleils. Trompettes. Cardinals. Barbarins, tous sautillant dans les casiers, et tant d’autres saveurs que la mer ici procure…

Visiter à portée de voix Petite-Terre, si petite et pourtant érigée en réserve naturelle, où nichent les oiseaux en transit aux côtés des iguanes et des crabes nombreux, résidants permanents. Un phare trône en son centre. C’est la réserve naturelle qui interdit toutes pêches et ramassage du moindre coquillage.

Puis suivre le tracer du soleil qui illumine la crête de la Grande-Galette... Marie-Galante se dévoile lentement, à mesure que nous longeons «Barre de l’île», à tribord. Nous voilà déjà sur les hauteurs de Canada, non loin de Buckingham. Autant de lieux qui racontent l’histoire de la troisième plus grande île de l’archipel.

La rosée persistante du matin naissant donne au paysage encore humide des teintes rosées et brumeuses qui voilent si peu les tiges debout des agaves en fleurs.

Deux terres jumelles se prennent par la main, à la tombée de l’horizon. Les vaguelettes au loin se blessent contre le tranchant des cayes et forment des dentelles d’écumes que le vent fait chavirer.

Une bataille porte leur nom. Archipel en soi, les Saintes s’offrent à nous. Chapelet d’îlots aux séduisantes altérités, Les Saintes sont un archipel dans l’archipel, elles s’offrent à nous, impudiques, par temps clair, mamelons aux vents.

Terre-de-Bas, rurale et calme est à l’image du temps qui prend son temps, avec ses marqueurs temporels, dont la Poterie Fidelin, ses extraits de bois d’inde, ses anses accueillantes et ses habitants qui inventent chaque jour des trésors de gentillesse.

A chaque détour, la quiétude à l’angélus, rappelle Millet, dont la copie du tableau orne l’intérieur fleuri des maisonnettes où l’on cuisine de succulents tourments d’amour et des punchs aux baies de méku.

Les Saintes (Terre-de-Haut)

Les Saintes (Terre-de-Haut), vue depuis le Fort Napoléon. Photo Francesca Palli.

Terre-de-Haut, plus offerte au tourisme des visites animées, est la porte d’entrée qui conduit au Fort Napoléon, au site du Chameau, à quelques rares plages visitables à pieds, les plus belles sont à l’abri de criques qui supposent l’approche par la mer. 

Quelque soit l’animation, ces bourgs sont des haltes qui s’imposent. Voir passer un iguane qui cadence la circulation, est un instant qui se garde en mémoire.

Toujours feuilletant l’horizon, voilà la Basse-Terre avec La Soufrière qui domine les monts. Le flanc de montagne est à vif et chaque saignée de latérite est pareille à une série de blessures balafrant la grande île. Le vert est partout en nuances, sauf quand tranchant la montagne, une saillie blanche nous indique Les Chute du Carbet. C’est la reprise du spectacle offert à Christophe Colomb depuis l’Anse Ballet, qui dirigea ses caravelles vers Sainte-Marie, en droite ligne vers Capesterre.

La montagne devient colline annonçant Petit-Bourg, riche de ses bords de mer, de ses cascades et son ouverture montagneuse aux portes des Mamelles et du Parc National, fierté régionale.

Soudain, plus rien ne chevauche le lointain. La rupture de la ligne de partage entre ciel et mer. C’est la région de Pointe-à-Pitre, Jarry et Baie-Mahault, connues pour être des lieux en dessous du niveau de la mer. Marie-Galante est ce point de vue privilégié qui permet cette observation.

Laissons l’intensité commerciale de la zone et les Abymes, et déjà La Grande-Terre exprime ses charmes en une enfilade de plages, de cannaies et de moulins à l’abandon, jusqu'à La Grande Vigie.

Pointe de la Grande Vigie

Pointe de la Grande Vigie. Photo Francesca Palli.

Au terme de ce voyage qui m’a permis de faire pivoter mon périscope d’un bout à l’autre évoquant la richesse du pays, j’ai fait un choix subjectif, pour nous ouvrir à vous.

Maints autres sites méritent une halte à travers nos îles archipels.

Je mesure alors la diversité de ce que nous avons à offrir en partage…

Les bords de mer.

Inédit. Durocher janvier 2021
Max Rippon

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 Viré monté