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Spiritualité de Max Rippon : la geste
du bonheur conquis

Jean-S. Sahaï

 

 

 

 

 

 

 

 

Débris de Silences, Max Rippon. 2002.
ISBN: 2-912594-44-8 - Ed. Jasor, Guadeloupe.

Débris de Silences

Max Rippon vient de faire paraître Débris de Silences, son dernier recueil de textes poétiques. Stéphane Pocrain, de la télévision parisienne, mais aussi Urbain Rinaldo, compositeur pianiste, Dominique Deblaine, maître de conférences à l'université de Bordeaux, critique spécialiste de Max Rippon, Moïse Rippon, danseur, ex-chorégraphe de Kassav, ont fait le déplacement pour un lancement réussi de l'ouvrage en Guadeloupe.

Ce fut autour d'une heureuse formule de conférences avec appui artistique offerte par les Editions Jasor, le soutien de toujours du poète.

Avant que d'absorber cette mesure de Silences, il ne serait pas inconvenant de parler de la spiritualité de Max Rippon raconteur. D'autant que, réchappé d'un avatar récent, le poète s'est promis de ne pas laisser passer de fin de semaine sans se recueillir dans une église.

Par église, parachevant la relation, entendons lieu de ressource intérieure, contact avec l'absolu. Max Rippon n'échappe pas à la religiosité, une des forces-souche de l'âme de notre peuple. Le titre du recueil Marie la Gracieuse est interpolation de la salutation à la Vierge mère, île terre, mer qui amena les caravelles colombiennes, avec l'amer en filigrane.

Gracieuse, en plus de galante, cette prose maritale témoigne d'une générosité où le récitant-conteur va jusqu'à troquer sa place avec l'auditoire qu'il laisse lui conter, à sa place. Mystik... rak dit donc l'assemblée d'abord, et mystik... rik, répond le conteur. Démocratie du racontage, où l'écrivain n'est qu'une petite main dans la main divine de la nature, du pays, des éléments, de l'esprit du peuple souche.

Cet acte de renversement des rôles donneur-receveur est bien de l'ordre d'une spiritualité accomplie, où la déférente confiance en ce qui est conduit au sommet du morne créatif.

Max Rippon se veut montreur et transmetteur. Point besoin chez lui de flatter quelque goût bas du lecteur pour l'attifer, de narrer scènes d'orgie pour complaire à son palais. Le créole reste fondamental, le français reste créole, la parole est relayée sans inutile transcodage moderniste à fin que s'opère la déconstruction intérieure, que survienne, par l'achevage des poncifs et le renversement des proverbes, la transformation de soi.

La fidélité de Max Rippon envers Source et Êtres s'avère rituelle, respectueuse. Curieusement elle sait se faire provocatrice, pour préserver en renouvelant.

Max Rippon n'a ni déchirement à nous vendre, ni étripage procédurier à faire à notre histoire ou à nos races, ni besoin de tisser de romanesques rodomontades historiques. Comblé par la vie, ayant avec succès transmis aux siens l'héritage philosophal, l'homme s'estime serein par devers soi. Ayant bercé non sans tendresse le souvenir de la souffrance passée, en ayant récusé les contingences, il s'insère dans le couler du vivant, anticipe patient une évolution sûre plutôt qu'il ne flanque à son monde un projet de sa concoction. Il a compris, en croyant conquis, que l'avancée de vie c'est le temps donné à la graine de palétuvier pour s'accorder à l'eau des mangles, lui faisant prière de lui trouver terre. Il faut que la graine du mango soit d'abord couverte de poussière, oubliée, et que la terre gonfle, avant de faire tige, arbre, branche, fleur, fruit, graine.

Cette spiritualité est donc pétrie d'une noble humilité qui religieusement chante son ode à l'ordre naturel, lui vouant considération et respect, s'engageant à changer sans démorer ni le bousculer, à le partager sans imposer.

Max Rippon déploie ainsi les racines de foi et de croix-yance héritées de l'histoire coloniale, expurgées de l'oppression, consolidées de la foi vigoureuse d'un peuple déterminé, en une spiritualité transcendante et infuse qui sous-tend l'écriture sans la rendre inutilement provocante. Les sons, les mots, les atmosphères et les étapes rythment l'émotion, soulignant le mouvement inéluctable vers la conscience de nous-même et la maîtrise de notre entour.

L'expansion de la conscience ne saurait certes supporter les limites boisées du jardin insulaire de l'assiette renversée.

Mais il ne s'agit pas de fuir pour respirer, ni ne suffit-il de s'enferrer créole. Il s'agit de s'agrandir en son propre Soi, d'observer la puissance du temps qui passe en silence, de l'occuper responsablement en marquant son passage, vivant heureux au cœur de la contemplation des mystères de l'acte divin.

Jean-S. Sahaï, 12 mars 2005.

Viré monté