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Moris

«Kreol» à l’école: un pas à franchir!

Kreol

Un épineux dossier. C’est ce que l’annonce de l’introduction du «Mauritian kreol and bhojpuri as optional subjects in schools» est venue remettre sous les feux des projecteurs. S’il existe une vingtaine de documents déposés dans le cadre du forum national organisé à cet effet, nombreux sont ceux à douter d’une quelconque concrétisation. Alors que d’autres ne peuvent s’empêcher d’espérer en un système éducatif plus respectueux de l’enfant.

Le kreol morisien fera-t-il réellement son entrée dans le système éducatif? C’est la question que semblent se poser maintes personnes.

Ce, alors même que l’État a annoncé, dans son discours-programme du 8 juin, que le kreol et le bhojpuri seront introduits comme langues optionnelles. Et qu’il encouragera l’utilisation des langues maternelles pour faciliter l’apprentissage de l’écriture et de la lecture.

Pour Steven Obeegadoo, député de l’Opposition et ancien ministre de l’Éducation, «rien ne va se faire. On va tourner en rond».

Il a d’ailleurs adressé une question en deux volets au ministre de l’Éducation, Vasant Bunwaree, concernant les objectifs du forum national et les délais établis pour la concrétisation du projet. C’était lors de l’Assemblée nationale du mardi 29 juin dernier.

Les réponses du ministre sont loin d’avoir rassuré Steven Obeegadoo. «Il semble qu’il y ait confusion. Le kreol sera-t-il introduit en tant que médium, en tant que matière, ou les deux?»

La pertinence d’un forum national divise aussi. Dans un contexte où il existe déjà la grafi larmoni, des ouvrages, des expériences pédagogiques positives dans l’utilisation de la langue maternelle pour apprendre, un dictionnaire, etc.

Beaucoup voient là l’occasion de retarder le projet. «C’est bien de discuter, mais il faut que les choses avancent», estime Steven Obeegadoo.

Propos repris par Lindsay Morvan, du Groupman Kreol Arkansyel (regroupant une vingtaine d’associations créoles) qui a été parmi ceux ayant déposé dans le cadre du forum.

«Si ça peut aider, c’est bien. Mais il faut des décisions concrètes et des actions… une bonne fois pour toutes

«Forme de génocide»

Alain Ah-Vee, de Ledikasyon Pu Travayer estime, quant à lui, qu’il est important d’avoir un forum. «Me bizin elarzi so bann atribision.»

Pour ce grand défenseur de la langue maternelle, la priorité reste l’arrêt, le plus rapidement possible, «di tor ki pe fer zanfan». «Hearing ki nou ti organize lane pase inn rekonet ki nou sistem edikatif fer boukou ditor bann zanfan. Bizin servi lang maternel kouma medium. Fer zanfan aprann matematik ek sians an kreol par exzamp.»

Pour Cindy Desalles, présidente de l'Asosiasion Profeser Lang ek Kiltir Kreol, l’initiative de l’État mérite d’être soutenue, car comme l’a mentionné l’Unesco, «priver un enfant de son droit d’apprendre, de parler dans sa langue maternelle est une forme de génocide».

L’association a d’ailleurs déposé un document dans le cadre du forum national et propose de mettre ses compétences au service de l’État pour la concrétisation de ce projet.

Droit humain

Plusieurs voix se sont fait entendre pour dire que l’introduction du kreol à l’école est difficilement réalisable: graphie inappropriée, absence de littérature…

«Se enn pretex», rétorque Alain Ah-Vee. «Par ekzamp, ena grafi larmoni mem si le vre ki bizin amenn de-troi ameliorasyon. Ena boukou liv kinn ekrir an kreol osi.» Et de proposer, pour d’éventuelles traductions d’ouvrages dans un court délai, de «lancer un concours national», avec des prix alléchants.

Pour Lindsay Morvan, l’avis des détracteurs du projet n’ébranlera en rien les motivations de l’État. «Je suis confiant que les choses se concrétiseront parce que c’est une recommandation des Nations unies et le gouvernement doit la respecter. Il est aussi dans l’intérêt de l’État, par rapport à notre économie, qu’il y ait moins d’échecs scolaires.

C’est dans la logique des choses. À moins que l’on se moque complètement de l’avenir du pays.
»

Notre interlocuteur est d’avis qu’il est grand temps qu’il y ait un changement. «J’ai tout lieu d’espérer que les choses aillent vite. Je suis fatigué de voir, à Roche-Bois par exemple, deux écoles qui restent dans la ZEP (Zone d’Éducation Prioritaire). Des enfants qui échouent au CPE. L’introduction du kreol ne va certes pas résoudre tout le problème de la pauvreté, mais il faut bien commencer quelque part.»

Et de rappeler que «les détracteurs de la langue kreol ont toujours existé. Or il faudrait que toute cette initiative soit vue comme une affaire pédagogique et de droit humain et non une affaire de classe et de race».

C’est dit!

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