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Vierges

                                    pour Jasmine

«Ô fraîcheur dans la nuit où fille d’ailes se fit l’aube
(…)
Enchante-moi, promesse, jusqu’à l’oubli du songe d’être né…»
(Perse)

Saint-John Kauss

Albert Desmangles
Albert Desmangles © Galerie d'Art Nader

vierges ô vierges confondues et gages de bonheur           filles à l’avant-garde des hautes narrations entre l’amant qui propose et la fiancée des sources qui se promène parmi les feuilles du terroir

 

des filles neuves qui n’ont d’aire ni de gîte sinon l’amour sous l’allongement des cœurs et des plus beaux poèmes de ce monde

 

et pour toutes ces filles de grâce et de beauté en bas âge           des hommes en rut aux prérogatives incertaines            sous l’insigne du sel et de la colombe           murmureront bonheur et gage de bonheur des gloses pour l’irruption des femmes de tout âge

 

c’est de mes deux filles qu’il s’agit            femmes aux lèvres mortes des offrandes fascicules des syllabaires d’un autre âge           gages de bonheur à l’empennage de l’aimé

et si un homme se hausse le cœur sans leur offrir le cubèbe à la limite du désir

 

partager l’instance d’un amour suprême qui fit de l’homme et de la femme les assistants à la tentation dans toute l’intimité des fleurs en marche vers des joies nouvelles

 

vierges ô vierges alarmées et gages du plaisir en plein air           filles d’espèces disparues à la brûlée des fables du caravanier            ô filles des hautes narrations à l’ordalie du poème           amandes pures sans leur aide de camp

 

fini le temps où l’on appréhende la bien-aimée à coups de craie à l’étale dans un déferlement d’attouchements sans fin et la partialité de jours moins lourds pour la moisson nouvelle           ô vierges que j’interpelle

 

filles de modèles en mousseline sous l’étirement des hautes terres sur la route des hommes                      riches d’ombres et de séquelles accomplies ferment d’hommes sur la terre des femmes           futures aventurières des grandes orgues dans le vent            Ô faces taillées des mains de l’Occupant tel un mannequin évadé des grands schistes

 

et que dire de celles qui n’ont d’aire ni de gîte dans la mêlée des cœurs et dans leur bogue d’étincelles           sinon la liberté de l’instant

           Ô mutisme de l’humain pardonné devant l’hymen

 

c’est de toutes femmes qu’il s’agit           meneuses d’hommes au grand désordre de l’amour            chercheuses de bulbes et de chaires des hautes passes dans la coulée des peuples           jeunes filles en marche vers la chronique du poète            souvenirs ô souvenirs des pas des grandes eaux et des chasseurs fouettés de tertres et d’alcools

 

c’est de toutes filles qu’il s’agit           vierges sans fascicules / gages de bonheur à sens unique dans la grandiloquence du poème

et           si un homme se meurt à l’avant-bras d’une d’entre elles pour l’accomplissement dans la mémoire de toute somme de palmes et tous rêves d’ascèse

et c’est de poésie qu’il s’agit quand j’interroge d’aire en aire les voiles de l’antiquaire / les sorbes de la baie aux tambours de pierre            et le poète lui-même contemplateur d’eaux libres et fraternelles

c’est de poésie qu’il s’agit si une femme soulève les dalles de mon amour pour elles sans solliciter les divinations de l’oracle au pas des mots

 

vierges ô vierges abusées et gages de bonheur           fines fleurs à la tombée des hautes feuilles / des hautes narrations entre l’aimé et la dernière préposée à l’amour

 

c’est de haute fortune au front de l’Initié qu’il s’agit           femmes sollicitées aux frais des grands Ascètes            irréprochables pour l’accouplement

des sources et des relais de fleuve           vierges de toutes races et de tout âge que j’interroge dans l’échéance du poème

 

et c’est de poésie qu’il s’agit…

Montréal, été 2005

Viré monté