Potomitan

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Poème du Pacifique

à Dimitri
     
à Taïna

Saint-John Kauss

Sculpture Maori

Sculpture Maori, Wellington, New Zealand. © karimsahai.com

«Mer vous vous moquez de ma demande
vieille usurière riant sous cape
et déroulez comme un roi fou votre manteau d'écume.
Mais ayez pitié de ceux-là qui furent bourreaux par cupidité
et donnez-moi la force de croire qu'ils furent des hommes comme moi

                                                                                (René Philoctète)

plus rien de ton amour qui s'efface avec toi dans un chaos où la guerre n'était que chimère           inoubliables chimères de la plante fugitive qui chercha vainement divagations de la mer pacifique

plus rien de ce regard d'anémone           des Maoris et autres indigènes qui s'annoncent vestiges de la mer océane s'offrant à la nuit / cette nuit qui fait ses premiers pas de totem dans un roulement de linceuls de tambours et de maniboulas acclamés par la quenouille comme la fougère heureuse

plus rien que la grisaille dans tes yeux bernés en porte-à-faux           le vide de ta soif d'être           immaculé dans le Pacifique en berne           des premiers sapins en luzerne / spirale quand on entend siffler le vent des aulnes et des envahisseurs           ce vent de l'empire du soleil levant / bridé à chaque roulement de tambours / de marée haute dernière qui s'acheva quelque part dans la transparence des caravelles et des profiteurs à gages

s'achevait avec ces rafles le temps béni des dieux et des icônes / mères de l'océan qui se lance et se fracasse contre les lobes du temps           usurier pathétique des innommables heures à repérer le vent

 

poésie ô poésie
témoin coupable de cette absence et de nos solitudes Poésie gardienne fidèle des citadelles d'histoires Roulement primaire des mots jusqu'à l'épiphanie du verbe Papiers peints des épopées muettes qui me rappellent ton visage et cet hamac d'indigène battu jusqu'à la déraison
poésie ô poésie

au souvenir de tes indifférents combats avec la vie           pacifique Sud de l'équation chimique de l'eau lunaire et de ses dérivés / fleurs obèses et gourmandes imaginées entre les spasmes de ton visage
ô poésie de la fission de l'atome et des hommes
ô poésie

le poète aveugle / Homère des berges précipitées d'où je réclame avec force et regret la magnificence des étés et des lambeaux d'instants neufs à découvert O toi poète du sable / des grands espaces méditerranéens pleins d'échos et d'arrogantes fleurettes de la mer Égée          je te rends l'amour de l'histoire crétoise sans la sévérité de la langue du minotaure

serait-ce l'écho de la rumeur du monde / des promesses et de la terre promise que j'appréhende par cupidité dans mon rire fou de bohème / de salamandre heureuse dans son amphore

serait-ce par sincérité de la fleur habitée des dieux           fleur océane qui naît tel un écho où erre la déchéance / la douleur de l'atlante qui m'était familière

autant de vacarmes façonnés autour de la terre qui gronde sans pardonner à la foule / ce lot d'accoutumances de déboires et de débauches Si peu de silences dans cette nuit du monde irréfléchi fumant le calumet d'opium pour apaiser les dieux que nous tenons avec tristesse dans nos mains lourdes et sévères

 

mon côté gauche   (je l'admets) est héritage d'une fleur ancienne           l'ombre de mon ombre s'agitant et tissant ce poème / poème que je relis dans la nuit / à chaque nuit territoire de l'être et de la Joconde

l'énergie du point zéro à déformer les tissus de l'enfantement / de la conjugaison des cœurs qui élisent domicile dans le territoire de l'homme / du bohème et de ses afflictions           point zéro de l'écriture et de la consécration des signes confédérés au poète

maître des mots et de ces alphabets partagés entre l'allée et l'odyssée des poèmes / des siècles qui accompagnent lilas et pissenlits sous l'ellipse muette du soleil

l'œil / l'iris / le cristallin / la cornée et la rétine où passaient ces images vagabondes qu'accomplissent l'exil les randonnées la pénitence des fleurs tachées de toutes les saisons naufragées mais pour aimer

boucaniers aux épiphyses réduites par les longues marches de la chasse           fils des Andes et des dunes           cannibales heureux de tout ce qui fut eau salée à l'abondance / mer nourricière des trappes et de la foule assise sous l'ajoupa et près du feu indicateur des lieux dits des contes et légendes

poésie ô poésie terrassière de nuit et compagne des yeux           haute comme l'illusion d'une journée de prière           éternelle comme l'histoire des grandes découvertes Poésie taciturne quand il le faut mais absente quand tu te caches entre deux croissants de lune
poésie ô poésie

 

 

plus rien de ces histoires de peuples à raconter debout           contes tirés près du feu et des bois           glyphes des dieux elliptiques à dessiner et à retenir pour la célébration de l'eau et des mots de la joie à conquérir

poésie ô poésie située dans l'affrontement mais pour la grande amitié entre les hommes Poésie de ma propre condition d'homme des mots et des eaux Poésie de l'île à rebâtir dans l'espérance et dans la naïveté des hunes et du chiendent
poésie ô pacifique poésie

plus rien que ces statues du temple ces sacrifiés aux mains du prêtre cette course folle sur la berge ces femmes distantes jusqu'à la mort des fleurs ces chants fugaces jusqu'à la dernière goutte d'homme ces oiseaux et ces filets ces gondoliers aux yeux cernés ces sentinelles taciturnes ces filles agiles comme l'abeille ces bambins et ces vieillards abandonnés

cette solitude et ce poème dédicacé à la mer           cet oiseau fou halluciné ces débauchés ce vieux marin ces mouchards et ce passeur paraplégique ce missionnaire et ce marchand de fleurs

vous tous mes mots d'amour mes déchirures mes mépris et mes désirs mes tourbillons mes angoisses mes lourdeurs et mes errances mes noyés et mes fissures mes nausées mes conquêtes mes malaises mes néons de l'illusion mes amours à perpétuité mes mégots et mes brisures ma vérité et mon destin ma prison mon avenir mes itinérances et mes marées en échange mes exploiteurs ma charité mes courants d'air et mes hantises ma douleur et mes frissons mes sautes d'humeur et mes soumissions au passé mes victoires et mes défaites ma souffrance et mes espérances mes brouillards dans l'omoplate mes silences et mes instants du dedans mes tendresses et ma pudeur mon emblème et mes risques à prendre mes vibrations dans le fémur mes absences et mes airs oubliés mes éclosions et mes caresses mes chants si présents mes moisissures ma nudité et mes vêtements mes baisers et mes tâches de rousseur

 

vous tous
mes démesures
et mes battements de cœur
mes sifflements
et mes éclats de lumière
mes souvenirs
mes cadastres
et mes espoirs
mes incantations allégoriques
mes soupirs au thé de camomille
mes bains d'eau de citronnelle ointe
mes marionnettes et mes objets
mes débris mes nids d'oiseaux à la dérive
mes hirondelles ma déraison
mes doigts figés à chaque regard
mes contorsions et mes regrets
mes rasades de clairin vierge
ma signature consignée dans les livres
mes fractales
et
mes échanges
mes dulcinées au rendez-vous

mais vous tous
mes bien-aimées
et mes bas-fonds
mes agendas de l'innocence
mes hasards et mes promesses
mes trahisons et mes bienfaits
mes démunis mes cohésions mes malheurs et mes erreurs
mes reflets et mes ombres mes sans-asile et mes bibelots
mes emplois du temps et mes visées mes réverbères et mes trottoirs empilés
mes horizons et mes lenteurs mes mendiants mes sans-abri
mes érosions et mes rechutes
mes cassures et mes signes de rien mes germinations et mes attentes
ma détermination
mes conjurations et mes accompagnements
ma nostalgie mes envoûtements et mes désastres
ma lancinance ma dissidence
mes revendications et mes consignes
ma lassitude ma liberté et mes tas de soleil

ainsi va pour la mer pour le sultan et ses poèmes pour le tombeau des Rois et la botanique des fleurs
ainsi va pour la déraison et pour Rimbaud / marchand d'esclaves et de sarcelles / meneur suprême de caravanes et de chameaux à Tadjoura           ville poussière dans le désert et dans la répugnance des hommes
fuis le poète pour fuir la littérature et ses maux           l'or et l'orgue et les mots de voyance Rimbaud et ses manuscrits inachevés dans la divagation des éventails sans ressemblance

poésie ô poésie gardienne de nos amours désespérées O Pacifique terre que je salue au cellier du poème réanimant les escarres la femme et le floral           O compagnons condamnés massacrant la fleur boréale O Pacifique mer des dieux des glyphes et des poètes sauvages / cannibales marins depuis la démesure et l'inimitié du noroît

mon côté gauche (et je le répète) est héritage d'une fleur dénaturée en ombelle qu'il m'en aura coûté de ne point la célébrer ô femme de la tourmente           capitale de mon génome           vieille usurière qui n'eût de cesse que d'être femme majeure libre et folle emballée par le vent

voilà ce que je dois à la largesse des hommes des femmes et aux mailles du temps souverain de tout

serai-je oublié demain comme ces mégalithes / pierres de la mémoire des hommes utiles et nécessaires à la reconquête et à la concrétisation des sentines et ruines du Pacifique

Delmas 3 et 5 (Port-au-Prince),
juillet 2000

boule  boule  boule

Translation of Marcien Constant

Poem of the Pacific

                                                                              to Dimitri for Taïna
                                                                
Sea you are making fun of my request
old usurer secretly laughing
and unveiling like an insane king your coat of scum.
But have pity on those who were tormentors by cupidity
and give me the courage to believe they were men like me.”
                                                             (René Philoctète)

 

nothing left of your love which is erased with you in a chaos where war was the only an illusion    unforgettable mirages of the fugitive plant which vainly sought divagations of the peaceful sea

nothing of this glance of anemone      Maoris and other natives who  see themselves as relics of the ocean waters  being offered to the night / this night that takes its first steps of totem in a bearing of shrouds of drums and maniboulas acclaimed by an overjoyed female crowd like a happy fern

nothing but the grayness in your eyes suspended in cantilever     the emptiness of your desire to be       immaculate over the hanging Pacific      of the first fir trees in spiral alfalfa/ when one hears the whistle of the wind of the alders and the invaders       the wind of the empire of the rising sun / attached with each drum rolling / of the last high tide which was completed somewhere in the transparency of the caravels and the scroungers with pledges

with these raids ended the blessed time of the gods and icons / mothers of the ocean which launches out itself and crashes into pieces      against the lobes of time       pathetic usurer of the unnamable hours to locate the wind

poetry ô poetry guilty witness of this absence and of our loneliness’s       faithful poetry guardian of the citadels of stories       primary rolling of the words until the epiphany of the verb      wallpapers of the dumb epics that remind me of your face and this hammock of indigenous people beaten with dementia poetry ô poetry

to the memory of your indifferent battles with life        pacific Southof the chemical equation of the lunar water and of its derivatives  /  obese and greedy flowers imagined between the spasms of your face             ô poetry of men and atomic fission ô poetry

blind poet / Homer of the precipitated banks from where I claim with force and regret the magnificence of the summers and the rags of open new moments     Ô you poet of the sands / big Mediterranean spaces full of echoes and arrogant flowerets of the Aegean Sea        I’m returning to you the love of the Cretan history without the severity of the minotaur language

is it the echo of the world rumor  /  the promises and the promised land which I apprehend with cupidity in my insane laughter of a bohemian  /   happy salamander in his amphora

is it with the sincerity of the flower inhabited by the gods            oceanic flower born such as an echo where forfeiture wanders /   pain of the Atlantean which was familiar to me

this much noise around the world that thunders without forgiving the crowd  / this batch of habituations vexations and vices       so little silence in the night and this thoughtless crowd smoking the opium pipe to appease the gods that we hold with sadness in our heavy and severe hands

my left side (I admit it) is the inheritance of an old flower the shade of my shade being agitated and weaving this poem / a poem that I read again and again at night / every night that becomes the territory of Mona Lisa and the living soul

the energy of point zero to deform the fabrics of the conception / the conjugation of the hearts which elect residence in the territory of man / of the bohemian and of his afflictions           point zero of the writing and consecration of the signs confederated to the poet

master of the words and of those alphabets shared between the alley and the odyssey of the poems / centuries that keep company to the lilacs and dandelions under the dumb ellipse of the sun

the eye / the iris / the crystalline lens / the cornea and the retina that witness those vagrant images created in exile     the excursions and the penitence of the stained flowers during every shipwrecked season but still likeable

 

buccaneers with reduced epiphyses because of long walks of hunting  the sons of the Andes and the dunes        happy cannibals of everything related to that abundant salted water / sea that nurtures the traps and the crowd sitting under the ajoupa (indigenous tent) and next to the indicating fire of the places known in the tales and legends

poetry ô poetry of the terrace in the night and companion of the eyes        as tall as the illusion of a day of prayer           as eternal as the history of the great discoveries       silent poetry when necessary but vanishes when you hide between two moon crescents poetry ô poetry

no more of these stories of people to tell upright       tales around the fire and the woods             glyphs from the elliptic gods to draw and retain for the celebration of the water and the words of the joy to conquer

poetry ô poetry located in the confrontation but for the great friendship among men       poetry of my own condition as man of words and waters         poetry of the island to rebuilt in the hope and the ingenuity of the mast and the grass  peaceful poetry ô poetry

nothing but these statues of the temple forfeited to the hands of the priest      this mad and crazy race on the river banks          these distant women till the death of the flowers         these songs volatile to the last drop of human remnants           these birds and these nets       these gondoliers with shadows circling their eyes      these silent sentinels        these girls agile as a bee            these neglected youngsters and these abandoned elders

this loneliness and this poem dedicated to the sea                  this insane bird with its hallucinations         these scarlets this old sailor these informers and this paraplegic frontier smuggler this missionary and this merchant of flowers

you all my words of love my tears my contempt and my desires my swirls my anguishes my heaviness’s and my wanderings my drowned and my cracks my nauseas my conquests my troubles my neons of the illusion my forever loves my cigar butts and my fractures my truth and my destiny my prison my future my itinerancies and my tides in exchange my exploiters my charity my drafts and my obsessions my pain and my shivers my sudden mood changes and my submissions to the past my victories and my defeats my suffering and my hopes my fogs in the scapula my silences and my inner self moments my tenderness and my decency my emblem and my risks in taking my vibrations in the femur my forgotten airs and absences my blossoming and my caresses my songs so present my moulds my nudity and my clothes my kisses and my reddish spots on the skin

 you all
my disproportions
and my palpitations
my whistles
and my glares of light
my memories
my land registers
and my hopes
my allegorical incantations
my sighs with chamomile tea
my water lemongrass anointed baths
my puppets and my objects
my remains my bird's nests to the drift
my swallows my insanity
my fingers solidified with each glance
my contortions and my regrets
my glassful of virgin clairin
my signature consigned in the books
my fractals
and
my exchanges
my lady-love at the rendezvous  

 

but you all
my beloveds
and my hollows
my diaries of innocence
my chances and my promises
my treasons and my benefits
my impoverished my cohesions my misfortunes and my errors
my reflections and my shades my exiles with no asylum and my ornaments
my timetables and my aiming my reverberations and my pavements piled up
my horizons and my sluggishness’s my beggars my homeless people
my erosions and my relapses
my breaks and my casual attitude my germinations and my hopes
my determination
my conspiracies and my accompaniments
my nostalgia my curses and my disasters
my plague my dissidence 
my claims and my confinement
my lassitude my freedom and my lot of sun

thereby go to the sea for the sultan and his poems for the tomb of the Kings and the botany of the flowers
thereby go for the insanity and for Rimbaud / slaves and teals trader / supreme commander of caravans and camels in Tadjoua dusty city in the desert and the loathing of the men
flee the poet to flee literature and its evils gold and the golden organ and the words of clairvoyance   Rimbaud and his unfinished manuscripts in the divagation of the ranges without resemblance

poetry ô poetry guardian of our desperate loves        Ô Peaceful land that I greet at the cellar of the poem reanimating the scares the woman and the floral   Ô condemned companions murdering the boreal flower Peaceful       Ô sea of the gods of the glyphs and wild poets / marine cannibals since the disproportion and the enmity of the north-west winds

 

my left side (and I repeat it) is the inheritance of a flower denatured into umbel that will have cost me dearly for not to celebrating it           ô woman of the capital torment              storming  my genome            old woman usurer who would elect to only be a free adult    an insane  woman packed up by the wind

here is what I owe to the generosity of the men of the women and the meshes of  time sovereign of everything

will I be forgotten tomorrow like these megaliths / stones of the memory of  men useful and necessary for a new conquest and the concretization of the bilges and the ruins of the Pacific

Delmas 3 and 5 (Port-au-Prince),
July 2000

boule

Viré monté