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Félix MORISSEAU-LEROY, le Djon d’Haïti Tonma

Saint-John Kauss

Félix Morisseau-Leroy, né à Grandgosier (Haïti) le 13 mars 1912.  Il s’adonne très tôt à l’écriture. A quatorze ans, il publia son premier texte, une lettre d’appui à Jacques Roumain. En 1929, son premier poème en français: Debout les jeunes. Licencié en Droit en 1934, il se rendit aux États-unis pour se spécialiser en éducation à Colombia University.

Créolophile consommé, Félix Morisseau-Leroy a d’abord publié en français: Plénitudes (1940), Le destin des Caraïbes (1941), Récolte (1946) et Natif-Natal (1948). Il publia également, en collaboration avec Jean-François Brierre et Roussan Camille, Gerbe pour deux amis (1945).

Dès 1953, cependant, Félix Morisseau-Leroy se dédia définitivement au créole avec Diacoute-1 (1953), Antigone (1954), Diacoute-2 (1971), Jaden kreyol (1977), Kasamansa (1977), Roua Kreyon (1980), Ravinodyab (1982) également traduit en français, Vilbonè (1982), puis Diacoute-1,2,3 (1983).

Félix Morisseau-Leroy a séjourné en exil (Nigeria, Ghana et Sénégal) pendant plus de 20 ans (1960-1981). Au Ghana, il fut Directeur national de la section théâtre et littérature au Conseil des Arts (1960-1967). Au Sénégal, il fut Conseiller technique de la Fédération sénégalaise de théâtre populaire pendant quatorze ans.

En 1981, Il quitta l’Afrique pour les États-unis, à Miami, où il mourut le 5 septembre 1998 à Jackson South (Coral Reef). Une avenue de cette ville (Little Haïti, Miami) porte son nom. Félix Morisseau-Leroy a fait paraître en 1996, chez L’Harmattan (Paris), Les Djons d’Haïti Tonma.

 

NATIF-NATAL
(fragment)

or en l’an 1985 il y aura
dans un village d’Haïti situé
près de la mer et des collines
une fillette inquiète appelée Mélanie
elle souffrira voyagera
reviendra
deviendra
la poétesse
la prêtresse
bien-aimée de son peuple
et puis à la fin sans légèreté
ni fierté
contera ceci
on n’a jamais rien tant aimé que cette mer
que cette plage que ce sable
que cette source froide
et cette multitude
d’amis égaux
rien autant que la maison natale
que le cimetière
on n’a jamais rien tant aimé que la mer
elle répète la même insulte
le même défi jusque sous les fenêtres
des mourants et des bébés
quand la pluie enveloppe les villages
du plus grand des éperviers
tu retiens ton souffle
rien n’est alors plus insupportable
pour nos populations
que ton silence
pour peur que dans l’ouragan sifflent les noms des camarades
nous voici devant toi
adolescents
surgis de la légende où l’on tranche la tête du soleil
tenu par les cheveux d’azur
rien autant que cet arbre marin
que la montagne coupée droite
avec quelle patience
par  tes dents de sel mais
rien autant que cette pierre fidèle
au point de n’avoir pas attiré sur soi le tonnerre
pour le seul plaisir d’être témoin
de ce retour et sans avoir espéré cette joie
dont on va crier tout à l’heure
(…)
jetez de l’eau ma fille
jetez de l’eau trois fois
au pas des portes
pour tous tes ancêtres insultés

 

  • MORISSEAU-LEROY (Félix): Plénitudes, poésie, 1940; Le destin des Caraïbes, essai, 1941; Gerbe pour deux amis, poésie, 1945 (en collaboration avec Jean-François Brierre et Roussan Camille); Récolte, récit, 1946; Natif-Natal, conte en vers, 1948; Kasamansa, Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1977; Roi Kréon, Sankoré, Dakar, 1980; La ravine aux diables, Karthala, Paris, 1980; Vilbonè, Jaden Kreyol, Miami, 1982; Diacoute 1, 2, 3, 4, Haitiana Publications, USA, 1990; Les Djons d’Haïti Tonma, L’Harmattan, Paris, 1996; Teyat kreyol, Libète, Port-au-Prince, 1997.

Viré monté