Potomitan

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Formulaires

à Nadia Papillon

«Sur l’étang, le reflet peut bien fréquemment se brouiller : sachons l’image»
(Rilke)

Saint-John Kauss
 

nos vies sont faites de grands formulaires d’oiseaux campés à la dérive des continents de ruines dans les poèmes profonds de l’enfance
nos filles sont nées de fleurs arrachées au lit bienaisé           un jour d’offrande mais de prodiges sans merci
nos femmes sont tissées de lianes du souvenir de vin et de la pluie de bonne heure                                             de petits bateaux à la rivière des coeurs

 

et puis je les aime parmi les pluies de la dernière sécheresse               dans le van des maux de la terre et de la mer / mère de toutes les folies guerrières d’Espagne ou de Tolède liane brutale des saisons peintes de rêves créoles

 

                    ne me parle pas mes chères de la fumée des mots des poèmes d’autres enfants à aimer de tiges somnolentes à l’entour de mes cils trop proches du ciel
                    ne me parle pas d’écrits que je n’ai pas soumis
                    de théories d’allégeance à la mer de tes yeux Ô fille de mon adolescence Nadia de mes mensonges d’enfant

 

faut-il dans la poussière étonnée des orchidées en chiffons dans les brassées tièdes de l’eau et ses paroles                  chanter le soleil et ses secrets la grande lune et tes yeux

 

                    les bras pleins de ce petit sourire tes doigts tes mains ton ombre en minces filets quelque part dans ma nuit

 

                pourtant j’ai tout perdu tes aquarelles d’automne posées au crépuscule tes coquilles données à la folie des cœurs tes allées et venues dans le silence des rues

 

nos vies brèves recherchent encore le sens du soleil de ses rocamboles et de ses chants naufragés              ses embruns de chagrin ses soifs marines ses dimanches pleins de gamins ses mensonges préférés ses inévitables amours déclarées ses paradis perdus sa nostalgie amère

 

                      nos filles formulaires de rêves isolés d’heures vagabondes           feu du soleil sur la route du poème
                      nos femmes à l’embrasure de nos mains rêvent d’orgies de sueur et chantent toutes les chansons

 

et j’ai noté d’instinct la voie du vent léger

 

lentement pour

 

que mes enfants reviennent à l’étable des tambours du bonheur

 

 Orlando, juin 2009

Viré monté