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Galerie de peinture mauricienne
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Serendat Belzim

Emmanuel Richon

Serendat de Belzim
Autoportrait de Serendat de Belzim, après restauration.

L’ignorance dans laquelle ce peintre demeure à Maurice témoigne du manque local de référence artistique dû en grande partie à l’absence de fait d’une Galerie Nationale d’Art digne de ce nom. Le marasme dans lequel l’art mauricien subsiste malgré tout tient à une volonté délibérée de tenir les artistes dans la méconnaissance la plus complète possible du pourtant riche passé pictural et sculptural de l’île.

Le Mauritius Institute possède bien une collection de peintures à faire envie à tous les pays de l’océan Indien et comparable en qualité à celle du Musée national Léon Dierx à La Réunion, pourtant digne propriétaire d’une collection Ambroise Vollard.

Le Sidaner, Prosper d’Epinay, Serendat de Belzim, Numa Desjardin, autant d’auteurs de chefs d’œuvre malheureusement inconnus du public mauricien.

Serendat de Belzim
Serendat de Belzim, autoportrait, avant restauration. Gerçures visibles de la couche picturale, déchirures multiples, déformations de la toile.

Serendat de Belzim, né à Port-Louis le 26 juin 1854, fait pourtant partie des peintres d’immense valeur et de talent reconnu outre-mer, dont Maurice aurait légitimement pu et du s’enorgueillir, mais qui, par quelque ostracisme stupide dont la politique a le secret, demeure dans l’oubli programmé d’une indifférence coupable. Il apprit son métier de peintre auprès du déjà illustre Alfred de La Hogue qui avait lui-même de qui tenir, ayant fait ses gammes en France dans l’atelier de Gros.

Serendat de Belzim
Détail de la restauration, phase finale du rentoilage de l'oeuvre.

Serendat de Belzim se rendit lui-même au pays d’Ingres et de David pour y approfondir son art encore en gestation. Il entra alors à Paris dans l’atelier de Carolus Duran puis, après un temps, il fut admis comme élève de Cabanel, peintre considéré aujourd’hui comme «pompier», mais à cette époque, au sommet de sa gloire et adulé par le public de la bourgeoisie du Second-Empire.

Si Serendat de Belzim mérite d’être connu, c’est d’abord parce qu’il fut un artiste engagé et qu’il fut, tout au long de sa vie, impliqué dans la défense de ses collègues et de la profession d’artiste. Il devint tout d’abord trésorier de la Société des Artistes indépendants, fondée en 1884 et qui sut s’émanciper des jurys de sélection et lui valut d’être personnellement mis sur la touche par l’officielle et par trop académique «Société des Artistes Français», qui lui refusa deux ans durant plusieurs peintures pour le fameux Salon, lui faisant cher payer son engagement.

Serendat de Belzim Serendat de Belzim
Autoportrait de Serendat de Belzim, détail avant restauration.
Détail de la restauration, après intervention.

Il renonça ultérieurement aux Salons officiels et se bâtit sa propre réputation au contact de son propre public fidèle. Peintre de femmes, on lui doit de nombreux nus et des portraits magnifiquement traités. En 1887, un portrait de marquise, une Parisienne, Judith. En 1890, lors de la fondation du Salon des Indépendants, il présenta un portrait de femme et une «jeune fille lisant». Sa dextérité sut à merveille rendre la Femme avec un grand «F», dans une idéalisation artistique somme toute typiquement de son siècle. Il passa ensuite le flambeau à un James Tissot. Joseph Pelladan dira de lui: «M. Serendat de Belzim, s’il veut rendre une femme de dos, à profil détourné, ne peut compter que sur l’air de tête qu’il inventera.

Il sut également peindre les sujets religieux. «Vœux à la Madone» et «Sainte-Ursule» en 1892, puis l’année suivante, «Prière à Ste Anne d’Auray». A ce titre, l’une de ses œuvres les plus remarquables fut sans doute le triptique de l’Eglise de Carquefou, près de Nantes.

Serendat de Belzim Serendat de Belzim
Serendat de Belzim, détail des gerçures
de la couche picturale dans le fond vert du tableau.
Détail du fond de l'oeuvre après restauration des gerçures.

En 1904, c’est cette fois grâce à l’Association syndicale Professionnelle des sculpteurs français, qu’il put présenter six toiles.

Il sut cependant ne jamais oublier son île natale puisque dans son exil, il put faire de nombreux portraits de ses compatriotes de passage en France, notamment, Sir Eugène Le Clézio, portrait qui se trouve à la Cour suprême, portrait de Carvalho, du Dr. Le Juge de Segrais, de Brown-Séquard, du Dr. Tholozan, de Louis Sulpice Bouton, de de La Hogue. La plupart ont été conservés au Mauritius Institute pendant de nombreuses années, pour avoir été récupérés récemment par la Société Royale des Arts et Sciences qui en réclamait la propriété. Ils se trouvent actuellement sous la protection de la Banque commerciale.

Impliqué dans la Société des Indépendants, Louis Serendat de Belzim sut défendre une foule de nouveaux talents. Il présida même l’Association Syndicale Professionnelle des Peintres et Sculpteurs Français, fondée en 1897, premier syndicat de défense des artistes. Il fut également le fondateur du Salon d’Hiver et en fait le promoteur de la multiplication des possibilités d’expression et des occasions de pouvoir présenter des œuvres d’artistes professionnels. Il mourut décoré et reconnu (N'est-ce pas la rosette de la Légion d'honneur que le peintre arbore ostensiblement sur ce magnifique autoportrait?), aimé de ses confrères mais bien loin de son pays d’origine, à Saint-Germain en Laye, le 25 mars 1933, à l’âge de 79 ans, son épouse, Marie-Charles, lui survécut.

Serendat de Belzim
Autoportrait de Serendat de Belzim, détail de l'oeuvre avant restauration.
Serendat de Belzim
Autoportrait de Serendat de Belzim, gros-plan sur le visage après restauration finale.

 

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Visage du peintre après restauration de l'oeuvre.

L’autoportrait que nous pouvons admirer ici se trouve faire partie des œuvres appartenant à la Municipalité de Port-Louis. Il s’agit sans doute d’un des rares autoportraits que compte le pays et, à ce titre, une œuvre remarquable. Le regard soutenu de l’artiste et la finesse des traits, le rendu de la peau, l’harmonie calculée entre le vert foncé du fond et les yeux de l’artiste tout en fait une peinture absolument remarquable.

Le tableau, comme tous ceux en possession de la municipalité, avait beaucoup souffert et montrait de nombreuses éraflures, une déchirure importante dans le fond, une autre dans le costume. Quelques écaillures de ci de là commençaient à vouer l’œuvre à une disparition rapide, n’étant plus exposé au public.

Après rentoilage avec une colle émulsive polyvinylique, la réintégration a été faite avec des peintures acryliques surfines.

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