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Chronique du temps présent

Interrogations...

Raphaël Confiant

3. Décembre 2010

ANG SAN SU KYI

La libération de l’admirable et intraitable opposante à la dictature birmane, Ang San Su Kyi, ne peut que réjouir tous ceux qui à travers le monde se battent pour la liberté des peuples. Cette femme, d’apparence frêle, a tenu tête, pendant presque aussi longtemps que Nelson Mandela, à une clique de généraux obtus, brutaux et paranoïaques qui lui ont – ce n’est qu’un exemple – interdit de voir une dernière fois son mari (anglais) atteint d’un cancer. Elle n’a jamais plié ni cédé aux avances de la junte laquelle s’est trouvée finalement dans l’obligation de lui rendre sa liberté.

Toutefois, il convient de s’interroger sur un certain nombre de réactions internationales, en particulier celle du président étasunien Obama qui l’a qualifiée d’«héroïne», ce qui est tout à fait justifié. En effet, on aurait aimé que tant de sollicitude s’appliquât à d’autres combattants de la liberté, notamment le Palestinien Marwan Barghouti, incarcéré avec 30.000 des siens dans les geôles israéliennes et condamné à la prison à vie. On aurait aimé que le sort des militants indien («Peau-Rouge») Léonard Pelletier et noir américain Mumia Abu Jamal, actuellement dans le couloir de la mort, fut aussi évoqué par les bonnes âmes occidentales.

Autre interrogation: pourquoi l’Occident inflige-t-il un boycott sévère à l’Iran et au Soudan alors qu’il n’a jamais agi de même envers la Birmanie? Le groupe pétrolier français Total fait son beurre dans ce pays au méprit des droits élémentaires des populations paysannes chassées de leurs terres et on a même trouvé un actuel ministre du gouvernement français pour rédiger un rapport (grassement rémunéré) sur cette question, rapport qui conclut que tout va bien dans le meilleur des mondes!

Enfin, on est obligé de penser à Maurice Bishop, à Thomas Sankara, Murtalla Muhamad ou encore Bernardo Jao Vieira, respectivement premier ministre de l’île de Grenade, président du Burkina-Faso, président du Nigéria et président de la Guinée-Bissau, lâchement assassinés par ceux qui les ont chassés du pouvoir. En 40 ans, 31 chefs d’état ont été assassinés par l’armée en Afrique noire. Pour les opposants assassinés, il faut compter le triple! Pourquoi l’Afrique du Sud de l’apartheid, les racistes Blancs afrikaners donc, et les généraux asiatiques de Birmanie ont-ils eu l’intelligence de garder en vie Mandela et Ang Sang Suu Kyi alors que, semble-t-il, dans le prétendu «monde noir», on vous liquide froidement au lieu de vous emprisonner? Force est de constater qu’un prisonnier politique africain ou antillais (outre Grenade, cf. Haïti sous François Duvalier) ne croupit pas très longtemps en prison.

KENYA

Le pays du père de Barack Obama devient fou. Ou, plus exactement, les parlementaires de ce pays le deviennent. En effet, ils s’apprêtent à voter une loi qui condamnera à la peine de mort toute personne convaincue d’homosexualité !!! Mieux (ou pire) : toute personne qui aura connaissance dans son entourage d’un (e) homosexuel (le) et qui ne la dénoncera pas immédiatement à la police, sera passible d’une peine de 10 ans d’emprisonnement. D’où provient cette folie? Folie stupide en plus quand on sait les énormes problèmes de développement économique auxquels est confronté le Kenya, sans compter les rivalités ethniques qui ont fait des centaines de morts il y a deux ans. Pourquoi donc un sujet aussi insignifiant occupe-t-il des sessions entières du parlement kenyan et pourquoi cette loi scélérate a-t-elle toutes les chances d’être votée? Le Kenya n(a-t-il pas mieux à faire?

L’explication tient à l’invasion évangéliste yankee qui affecte l’Afrique noire après avoir ravagé les Caraïbes et l’Amérique du Sud. Des pasteurs étasuniens, munis de leur Bible et de millions de dollars, investissent le Tiers-Monde afin de convertir les populations au fondamentalisme chrétien. Avec succès : Haïti qui, en 1970, comptait 90% de catholiques n’en comptent plus que…50% ; le Brésil, nation catholique par excellence, est en train de basculer dans l’évangélisme yankee. Loin de moi l’idée de défendre le catholicisme, mais force est de reconnaître qu’il est moins pire que l’évangélisme. D’autre part, la presse occidentale nous bassine à longueur de colonnes sur les dangers du fondamentalisme musulman, mais il n’existe aucun pays où les « fous d’Allah » ont réussi à modifier l’allégeance religieuse de la population. Ben Laden et ses amis n’ont jamais réussi à transformer un pays européen en pays musulman! Par contre, le fondamentalisme chrétien, lui, il y réussit et personne ne dit rien. Il s’attaque même à la terre d’islam désormais, mais le Maroc a vigoureusement réagi en expulsant les «fous du Christ» il y a quelques mois.

Le Kenya a donc basculé dans le délire évangéliste. On n’a pas entendu Obama ni Hilary Clinton émettre la moindre réserve («préoccupation» dit-on en langage diplomatique) à l’égard de cette loi anti-homosexuels qui est sur le point d’être votée. Cette loi est une honte.

Les adeptes du «monde noir», les «kémites» et autres noiristes l’approuveraient-ils? On ne les entend pas non plus.

Raphaël Confiant

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