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Écrire la langue créole

Daniel Boukman

 

Du 5 au 9 avril 2011, s’est déroulé en Guadeloupe (Gosier) le Deuxième Congrès des Écrivains de la Caraïbe… Daniel Boukman, invité, a prononcé, le 8 avril, l’intervention que voici.


Deuxième Congrès des Ecrivains de la Caraïbe

Tout d’abord, une précision. Étant donné l’état ACTUEL de l’intercommunication linguistique dans la Caraïbe, pour faciliter la tâche aux traductrices, je ne vais pas présenter ma communication  en langue créole martiniquaise mais dans l’autre langue qui découle de l’Histoire, de notre histoire que certains oiseaux de mauvaises augures s’évertuent à dire terminée.

Lonnè épi respé anlè zot tout!

Mes sincères remerciements aux organisateurs du deuxième Congrès des Écrivains de la Caraïbe, qui se déroule ici  sous l’égide du Conseil régional de Guadeloupe.

Il m’a été proposé de rédiger une communication (de 10 minutes)  sur le thème suivant  La création littéraire en Martinique aujourd’hui: auteurs et lecteurs. Sans vouloir ouvrir aucune polémique d’ordre sémantique, je préfère l’appellation de production littéraire, façon  de dire que, pour citer Maïakovski, le poète, c’est un ouvrier.

L’expression création littéraire sous-entend que l’acte d’écrire procèderait d’une inspiration de nature quasi divine dont le poète, l’écrivain ne serait que le médiateur….  Ceux et celles qui, en toute conscience,  revendiquent la fonction d’écrivain savent quel travail, parfois laborieux, implique la pratique de l’écriture (littéraire).

Mais revenons à l’essentiel: en Martinique, aujourd’hui, aux rayons des librairies, on constate une relative profusion d’ouvrages (romans, poèmes, essais et autres) dont l’absence d’analyse critique pertinente ne distingue pas toujours le qualitatif du quantitatif.

La presque totalité de ces publications est écrite en français; certaines d’entre elles réservent à leurs auteurs, parfois même au-delà de leur mort, une renommée qui a franchi les rivages de leur  pays natal.

Il est temps que ces baobabs (petits et grands) cessent de couvrir de leur ombrage la présence de ces arbres nouveaux dont les arpenteurs, spécialistes de nos forêts, ignorent ou feignent d’ignorer l’existence.

Je fais partie de ces écrivains qui font le choix d’écrire la langue créole sans pour autant renoncer à écrire en français.

Mais avant de poursuivre, je tiens à rendre un respectueux hommage à deux écrivains martiniquais créolo-francographes: défunt Gilbert Gratiant, poète arc-en-ciel; Georges Eleuthère Mauvois, auteur (entre autres) de pièces de théâtre qui associent, par le traitement de leur thématique, le particulier à l’universel.

La langue française doit (en grande partie) sa force et ses beautés à cette succession d’écrivains qui, au fil des siècles, ont taillé, sculpté, ciselé, détruit, reconstruit la féconde matière que recèle la langue parlée, et, selon le principe des vases communicants,  à son tour, la langue parlée, quelque peu, s’enrichit d’apports provenant de la langue écrite.

Nonobstant la vitalité foisonnante de son oralité, la langue créole martiniquaise a besoin d’être littérairement écrite pour donner à percevoir - bien percevoir - ses structures lexicales, syntaxiques, sémantiques, rhétoriques.

Ce passage de l’oral  à l’écrit s’opère, c’est vrai, tant soit peu, au détriment du parlé dont les supports essentiels - la voix , le geste- disparaissent,  encore que l’écriture théâtrale mise en scène peut en restituer et le geste et la voix.

Écrire la langue créole, c’est aussi se conformer à des règles graphiques, orthographiques dont, à leur propos, ceux qui pratiquent l’écrit en langue créole s’acheminent vers un consensus grandissant.

En ce qui concerne les lecteurs de la littérature en langue créole, leur nombre est certes encore limité mais cela n’a aucun rapport avec - comme certains le prétendent – une quelconque difficulté inhérente au système scriptural de cette langue…

La résolution (progressive)  d’un tel handicap, comme celle de tant d’autres parmi nos problèmes culturels, sociaux, économiques, en un mot politiques,  la résolution de cet handicap dépend de l’application de mesures éducatives, médiatiques nouvelles, conformes aux réalités fondamentales de nos pays et de leurs peuples.

Récemment, un groupe d’écrivains créolographes martiniquais -  j’en fais partie - a constitué une association, KM2 (Krey Matjè Kréyol Matinik) dont je vous lis le Manifeste  rédigé en créole, en français, en anglais,  en espagnol… façon de rappeler que notre pays, La Martinique, en dépit des vicissitudes actuelles  dont il est aujourd’hui  l’objet, fait partie intégrante de la Caraïbe, de notre Caraïbe.

KM2: PAWOL FONDAS

Atè Matinik, lè ou pran tan gadé, ou andwa wè ni an bon enpé  matjè-pawol ek adan yo, ni yonndé éti moun andéwò péyi-a konnet yo.

Men tan lavérité rivé! Dapré an konpangni moun, sé yenki nan lang fransé matjè ka matjé: sa pa vré pies toubannman! Nan péyi-nou an, anlo matjè ka matjé pawol-yo  nan lang kréyol-la.

Asiré pa pétet ni pawol ki matjé nan lang fransé épi ni pawol ki matjé nan lang kréyol,  é lè nou ka di sa, sé pa pou mété fas a fas, akwèdi  dé kok-djenm adan an pit, sa  ka matjé fransé épi sa ka matjé kréyol. Nou pa dakò pies épi model ladjè-tala davrè anlo adan nou ka matjé kréyol,  ka matjé fransé.

Men jòdijou, fok nou gloriyé, an manniè espésial, pawol-matjé nan lang kréyol-la pas souvanman - tro souvanman -  ba anlo moun, pawol-matjé nan kréyol, sé ayen menm.

Sa vré! Nou tout, nou pa anlé menm larel politik, menm larel filozofik;  nou pa ka matjé kréyol la silon menm kanman-an men padavwa nou  ka vréyé douvan, nan lang kréyol la, istwè-long, istwè-kout, plodari, powézi, kont, pies-téyat… sé rivé tan-an rivé pou nou liannen...

Tan-an rivé pou  sa ki pòkò sav, sav sé dives model pawol-matjé nou an, la,  é sé gras a konpòtasion-tala,  chak matjè  (li yonn  é, délè, yonn épi lot) nou ké rivé sòti nan kalté fènwè-a nou yé a: anmizi anmizi, nou ké ba moun an pli gran  lanvi li sa nou ka matjé.  Pou nou tou, sé wouvè jou-a pou wouvè!

Fodfrans, 8 novanm, lanné  2008

Membres fondateurs

BOUKMAN Daniel,  DE VASSOIGNE Georges,  DURANTY Judes, EBION Roger,  LEOTIN Georges-Henri, LEOTIN Térèz, LIENAFA Jean-François, MAVINGA Michaëlle,   PEZO Eric,  RECHOU Michel, RESTOG Serge.

boule   boule   boule  

Mèsi anpil pou kouté-a.

Daniel Boukman

boule  

 Viré monté