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Séisme à Haïti - 12 janvier 2010

Témoignage de Dadou

L'école a repris ses cours, Haïti mais 2011

L'école a repris ses cours, Haïti mai 2010. Photo Alfonso Zirpoli.

Le 12 Janvier après ma séance régulière de sport au CEPEM, Delmas 33, chez le Professeur Himmler Rebu, via route de Delmas puis Delmas 48 je suis allé a la Primature pour déposer un dossier relatif a un projet de construction d'une Académie de football (sport-étude) que Diego Maradona se proposait de reconstruire dans une zone proche de la frontière Haïti/RD pouvant desservir les jeunes des 2 pays, projet qui nécessitait de vastes espaces de terre puisque on y enseignerait et on formerait les jeunes a produire le maximum de produits nécessaires a leur bonne alimentation donc sur l'agriculture.

Je suis resté un bon temps avec mon très bon ami, Francis, car il y a un temps qu'on s'était pas vu; vers midi je laissais le bureau longeant Bourdon puis Lalue en direction de Radio Galaxie à la Rue Pavée lorsque, consultant mon blackberry, j'ai lu un message urgent de la Concacaf programmant Haïti contre Cayman Islands, en coupe du monde féminine, pour le 30 janvier à Port-au-Prince; il fallait donc décider et faire très vite, soit pour recevoir le match, soit le faire reporter et proposer une solution pour la rencontre, d'autant que l'on n'était pas sur que nos adversaires accepteraient de faire un voyage, toujours redouté, a Port-au-Prince, depuis des années; j'ai tout de suite appelé les responsables de football féminin, particulièrement Hansy Lescouflair, la Présidente et l'entraineur national Jean Yves Labaze; on prit rendez vous pour 1heure à la Fédé pour un meeting.

Normalement, sauf les lundi, au lendemain des journées de championnat, ou le vendredi, la veille des weekend de compétitions, il n'y a pas d'affluence au siège de l'Association; mais ce jour la, malheureusement, il y avait beaucoup d'activités qui réunissaient énormément de serviteurs du football; c'est qu'on faisait les derniers préparatifs pour le congrès ordinaire de la FHF programmé pour le dimanche 17 janvier; ce mardi 12 janvier donc, les délégués des Clubs étaient venus de partout pour participer aux élections primaires devant élire, suivant les statuts, les 20 délégués votants. Donc, se succédaient, toute la journée, les mini assemblées de chaque entité de la Fédération conduites par la Commission électorale de la FHF pour designer les représentants de chaque entité.

À 10 heures AM c'était la D1; à midi c'était les Clubs féminins, et à 3 heures on avait programme la D2 et les délégués régionaux de D3.

Il y avait donc beaucoup d'amis que je n'avais pas vu depuis la fin d'année et qu'il fallait saluer; pour diverses raisons, notre réunion allait commencer un peu plus tard a 2 heures; les thèmes à débattre étaient tellement urgents qu'il n'y eut pas vraiment de dérives; Hansy, sachant que ce serait long, apporta a manger; l'ambiance était sérieuse mais joviale; on etait plusieurs autour de la table à la salle de foot féminin: Hansy, Toussaint, Georgy, Labazé, Henri Chery, Dulia a un moment; on devait aller vite car à 4 heures Magguy Graham, d'autres dirigeants de Tigresses et moi on avait une réunion exceptionnelle sur le terrain de l'Aciérie d'Haïti avec les filles à 4h30.

Et Magguy et Mon ami Mitou n'arrêtaient d'ailleurs de m'appeler pour me rappeler l'heure du rendez vous.

Rapidement on put débattre de tous les thèmes: oui d'accord pour le match; on put même, le coach Labazé étant présent, compléter le staff technique, obtenir une liste de présélectionnées, bâtir un budget; on en était aux questions d'intérêt général, sur la U17 notamment, lorsque mon ami Minmin, préoccupé, m'amena un jeune footballeur du centre de formation qui souffrait beaucoup d'une angine et pour qui on n'avait pu trouver de médecin en ville; Labazé qui introduisait le jeune se tint debout à mes côtes, je m'approchai de la porte pour avoir un meilleur éclairage de la gorge; ce geste allait me sauver la vie, car j'étais déjà debout, sur mes pieds, lorsque la maison se mit a secouer et des débris aussitôt de cette vieille bâtisse volaient dans toutes les directions dans un bruit infernal; ayant expérimenté des secousses du genre quand j'etais jeune à Aquin vers 1954/ 1955 ( je crois que ce tremblement de terre saccagea Anse à Veau) je me précipitai en courant vers la sortie-arrière (ce jour la j'aurais battu même Ben Johnson au sprint); toutes sortes de choses me tombaient dessus; je pus atteindre l'escalier de sortie vers la cours mais ça bougeait tellement que je chutai lourdement avec des blocs me tombant sur la tête; je crus alors à la fin; je me relevai pour repartir mais perdit à nouveau mon équilibre; je restais concentré parce que je savais que ma survie dépendait de ma rapidité a laisser l'édifice; alors la, ça paraissait vraiment la fin car des blocs de débris me fracassèrent et éclatèrent ma main droite, mes épaules, tout le membre supérieur droit était écrasé; je fis un ultime effort et constatant que mes jambes avaient été épargnées, je réussis le souffle court à m'éloigner de moins d'un mètre quand cette fois ci, la masse de béton de l'étage supérieur, frôlant mon oreille gauche, s'écroula, tuant mon ami Labazé qui me suivait environ (1) un mètre derrière.

Ayant eu à expérimenter un tremblement de terre, Dieu m'inspirant certainement, j'ai eu donc tout de suite un salvateur reflexe.

J'avais le souffle en l'air en ayant l'œil tout autour parce que à cote de moi les maisons balançaient et tombaient (la maison du Dr Leveque à l'arrière, la polyclinique médicale à côté..).

Des amas de décombres auxquelles la maison était devenue en un éclair de temps sortirent peu après en lambeaux, méconnaissables Georgy, Hansy, Toussaint, Henry; peu de temps à l'aide d'une corde qu'on leur tendit Wilner Etienne, Salomon purent s'agripper a un arbre jouxtant ce qui restait de l'édifice; eux tous constituèrent un panier humain dans lequel le SG, Lionel Désir se jeta du haut d'une poutre; on se mit à l'abri au milieu de l'avenue Christophe; saignant abondamment, j'utilisai la chemise que je portais pour faire un pansement compressif; alors que des fans et des amis affluèrent au secours, je me rendis à la clinique pour m'enquérir de la situation de ma femme Huguette tout près, le cœur dans la main; il n'y avait personne; les secousses continuant de temps en temps créant a chaque fois des "kouri" le Dr Carole Day, que je rencontrai devant la clinique, ensemble nous décidâmes d'aller prendre refuge au Champs de Mars, zone à grands espaces; on arrivait à peine que nous vîmes un autre kouri dans tous les sens; les gens remontant la Rue Saint Honore, affirmaient voir la mer "monter vinn pran nou"; nouveau "kouri" avec Carole, cette fois par l'avenue Magny cherchant a aller plus haut et plus loin; montant le bois Verna pour aller au secours et la rencontre d'Huguette; un ami, Saint Amand, footballeur, m'informa qu'il venait juste de la croiser, portant un maillot flocké AQUIN; rassuré je continuai a remonter Lalue pour ensuite emprunter la Rue Nazon; sur le parcours difficile d'avancer la peur au ventre traversant et enjambant des corps mutilés, au milieu dans un concert d'imploration à "Jésus" de cris de douleurs, de "Rèl" interminables avec une petite pointe de joie d'etre encore vivant jusque la dans ce carnage poignant.

Sur la route de l'aéroport j'étais exténué, rassemblant le peu de forces qui me restaient pour tenter d'atteindre l'hôpital de la Minustah; malheureusement, les portes de cet établissement sanitaire étaient fermées avec des milliers d'estropiés, des corps déchiquetées, "blahis" dans la rue implorant les soldats impuissants à voler à leur secours.

Dépite, souffrant terriblement. J'ai résolument décidé de continuer jusqu'à la maison en plaine; heureusement, le Dr Yvon Exhume, ami et confrère de longue date du quartier, accourut pour des premiers soins urgents.

Je fus ainsi sauvé.

Dr Yves Jean Bart (Dadou)

boule

 Viré monté