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Mon bouillon d’actualités 9ème semaine

Hugues Saint-Fort

lenouvelliste.com

Résumé:

Mes réflexions sur les principaux faits de l’actualité de la semaine écoulée portent sur Haïti, comment les survivants du séisme du 14 août affrontent les dures réalités de la vie quotidienne, sur la déroute américaine en Afghanistan et ses immenses conséquences, et finalement, sur la lente et difficile prise de conscience en Occident que le Covid-19 n’est pas près de disparaître, malgré les victoires de la science.

Une semaine après le tremblement de terre qui a dévasté le sud-ouest d’Haïti, la majorité des bilans publiés sont provisoires. C’est dire combien la situation est difficile pour les sauveteurs et les survivants du séisme. Selon le quotidien français Le Monde, «des centaines de milliers de personnes ont besoin d’assistance humanitaire immédiate.» D’après la protection civile haïtienne, le bilan du tremblement de terre s’élevait, mercredi 18 août, dans la soirée, à 2189 morts, 332 disparus et plus de 1200 blessés. Mais, étant donné que les opérations de sauvetage se poursuivent, il est possible que l’on découvre encore plus de morts, et avec un peu de chance, plus de blessés dans les décombres des milliers de maisons et de bâtiments qui se sont effondrés. Le directeur de la protection civile haïtienne, Jerry Chandler, a déclaré: «On a à peu près 600.000 personnes directement affectées et qui ont besoin d’assistance humanitaire immédiate. Il a fallu trouver des moyens pour assurer la sécurité, ce qui reste un grand défi.»

Tout de suite après le séisme, les bandes armées qui contrôlent une partie de la zone sud du pays avaient observé une trêve informelle pour permettre l’acheminement de l’aide aux nombreux sinistrés du séisme, mais, rapporte Jerry Chandler, la «distribution de l’aide aux survivants du tremblement de terre n’en demeure pas moins ardue.»

Ce nouveau séisme montre, s’il en était besoin, la difficile tache de gestion qui incombe aux gouvernements haïtiens et leur incapacité à le faire. Une fois de plus, les dégâts matériels sont immenses parce que les constructions ont été érigées dans le désordre et l’anarchie. Si les pertes en vies humaines sont nettement inférieures à ce qu’elles ont été en 2010, c’est uniquement parce que la région du sud-ouest concentre beaucoup moins d’habitants que dans la région de Port-au-Prince et ses environs.
Le quotidien français Le Monde cite le géographe haïtien Jean Marie Théodat, professeur à Paris I Panthéon-Sorbonne, qui explique que l’ile «est le symbole de ce que le cynisme des temps modernes peut provoquer lorsque les fonds publics sont détournés.» Pour le professeur Théodat, «Haïti n’est pas un cas exceptionnel. Cuba, la République dominicaine et la Jamaïque, par leur position sur le globe terrestre, sont également sujettes au double aléa: sismique et climatique. Un réseau de failles traverse l’ile du sud-est au nord-ouest avant de se prolonger sous la mer dans le Yucatan. Par sa position en latitude, Haïti est sur la trajectoire des cyclones qui menacent chaque année les Antilles. Le risque est aujourd’hui aggravé par le dérèglement climatique. Les plus grandes agglomérations d’Haïti (Port-au-Prince, le Cap-Haïtien, les Cayes, Léogâne) sont établies le long ou à proximité de l’une ou l’autre de ces failles. L’activité sismique se manifeste par une accumulation continue de tensions telluriques le long d’une fracture. C’est comme tirer par saccades sur un élastique jusqu’à son point de rupture.»

Cette explication scientifique du géographe Jean Marie Théodat démontre, s’il en était besoin, l’inanité et la bêtise des évangélistes américains qui veulent faire comprendre qu’il existe une malédiction sur Haïti ou que le pays paye une dette que les Pères Fondateurs avaient contractée avec le Diable pour acquérir leur indépendance de la puissance coloniale française au début du dix-neuvième siècle.

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Plus de 20 ans après l’intervention militaire des Etats-Unis en Afghanistan pour déloger les Talibans, ces derniers viennent donc de reconquérir l pouvoir. Le président afghan Ashraf Ghani s’est enfui précipitamment en emportant des sacoches pleines de millions de dollars, dit-on, et les Talibans sont entrés triomphalement dans Kaboul, la capitale. Tout le monde savait que la chute de l’Afghanistan n’était qu’une question de semaines ou de mois mais personne ne pouvait imaginer que cela arriverait aussi vite. Au-delà du pauvre «deal» que l’ex-président Donald Trump avait conclu avec  les Talibans et de la corruption qui caractérisait le gouvernement du président Ghani, le retrait rapide des forces américaines qui avait commencé dès la fin du printemps avait privé l’armée afghane des renseignements indispensables pour mener la lutte et surtout du support aérien.
Le grand perdant dans toute cette affaire reste les populations afghanes qui ont été littéralement abandonnées par leurs leaders politiques, leur armée, leurs alliés américains et européens. Elles doivent faire face maintenant à un avenir rempli d’incertitudes et sont livrés aux mains des Talibans qui les ont terrorisés pendant des années avant l’intervention américaine. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les images exceptionnellement chaotiques des foules qui voulaient empêcher le décollage de l’avion américain de l’aéroport de Kaboul.

Les Talibans se sont engagés depuis la chute de Kaboul dans une opération moderne de communication pour contrer la défiance des Afghans. Ils proclament à qui veut les entendre qu’ils accorderont une amnistie totale à tous ceux qui ont collaboré avec les Américains et d’autres Occidentaux, et surtout qu’ils respecteront les droits des femmes et des minorités. Cependant, la réalité décrite par de multiples témoignages fournis par les personnes concernées et par certaines ONG sur place révèle un tout autre visage. Pire, le retour au pouvoir des Talibans soulève le risque de l’émergence d’un nouveau sanctuaire terroriste en Afghanistan. A ce niveau-là, les Occidentaux ont de quoi s’inquiéter au fil du temps qui passe.

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S’il est une question qui va constituer un problème fondamental pour l’humanité au cours des prochaines années, c’est bien la question de la pandémie. Partout dans le monde, l’épidémie ne faiblit pas. En Occident surtout, et en France en particulier, des groupes de manifestants défilent chaque samedi depuis six semaines dans toutes les grandes et moyennes villes pour protester contre le passe sanitaire et la vaccination obligatoire; les Américains n’ont pas adopté ce type de protestations mais ils sont tout aussi opposés à la vaccination. Dans la majeure partie des pays du Sud, la situation semble moins dramatique, malgré des flambées de cas de temps en temps, ce qui est loin d’être rassurant.

Il faut bien se résoudre à faire face à une dure réalité. Nous devons nous rendre compte que le Covid-19 ne disparaitra pas de sitôt. Il y a de multiples raisons à cela, d’après moi. Nos populations se comportent toutes de la même façon: après une période de relâchement ou d’insouciance, suite à des communiqués gouvernementaux, nos sociétés se découvrent fragiles une fois de plus, victimes d’une nouvelle vague de l’épidémie, les hospitalisations recommencent à s’accroitre et une forme de panique s’installe.

Trop de gens sont victimes de la brutale campagne de désinformation qui a cours dans les média sociaux. Ces personnes croient à tous les mensonges qui circulent sur le Net et beaucoup refusent de se faire vacciner, bien qu’il soit évident que l’immense majorité de ceux qui attrapent le virus n’ont pas été vaccinés. Rien n’est plus désolant que de constater la faiblesse d’esprit et l’absence totale de sens critique de ces «anti-vaxx».

On ne peut pas raisonnablement dire que les chercheurs, les médecins et autres techniciens ou experts sont des incompétents. A la surprise générale, ils ont réussi à développer dans un temps assez court un vaccin qui a fait ses preuves, même s’il n’est pas efficace à cent pour cent. Bien sûr, ils ont encore beaucoup à apprendre mais ils ont fait beaucoup de progrès car ce virus est relativement nouveau et très complexe. Il reste à espérer que les pays développés se dépêchent à partager le vaccin avec les pays moins développés pour empêcher la mutation du virus et la naissance de variants qui sont plus contagieux que les formes initiales du virus. 

Hugues Saint-Fort
New York, août 2021

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 Viré monté