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Mon bouillon d’actualités vues de la diaspora

Hugues Saint-Fort

Très peu d’Haïtiens s’intéressent aux élections françaises et encore moins aux élections régionales dont c’était le second tour hier dimanche, 27 juin 2021. En quoi, ils ont parfaitement raison: d’une part, les Français eux-mêmes s’en moquent tellement que les deux tiers d’entre eux ne sont pas allés voter; d’autre part, pourquoi les Haïtiens s’intéresseraient-ils aux élections françaises? Je doute que la majorité de mes compatriotes connaissent le nom de l’actuel président ou premier ministre français. En ce qui me concerne personnellement, je me suis intéressé à cette actualité française parce que je suis curieux de beaucoup de choses: la politique internationale, les sciences humaines en général surtout, les sports surtout le tennis et le foot, les sciences et les techniques, les avancées médicales, les recherches sur le racisme (aucun Haïtien vivant aux États-Unis ne saurait y échapper), les extra-terrestres… Je m’intéresse aussi à la politique française pour ma culture politique. Les régionales m’ont donné une porte d’entrée à une meilleure compréhension de la présidentielle française prévue pour les dimanches 10 et 24 avril 2022. La lutte sera serrée entre l’actuel président, Emmanuel Macron et la candidate de l’extrême-droite, Marine Le Pen. Mais, la droite et ses trois principaux ténors qui ont été les grands vainqueurs de ce second tour des régionales vont se positionner favorablement pour faire échec à ce qui semblait être une répétition du duel Macron-Le Pen de mai 2017. De toute façon, après de longues années passées en France, surtout à Paris, et depuis quelques décennies aux Etats-Unis, surtout à New York, je suis fasciné par les différences qui existent entre ces deux sociétés, différences entre les systèmes politiques, les modes de vie, le fonctionnement scolaire et universitaire, la bouffe… Je fais parfois la comparaison entre ma société d’origine, Haïti, et ces deux sociétés d’accueil, et cela me donne bien de la peine.

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Plus proche de moi cependant (et de la majorité de mes compatriotes), il y a une autre actualité. C’est l’évolution des élections municipales de New York. Les New Yorkais doivent voter en novembre prochain pour élire un nouveau maire, puisque le mandat de l’actuel maire, Bill de Blasio, prend fin cette année. Comme cela se fait dans la majorité des partis politiques occidentaux modernes, il va y avoir un passage obligé par des élections primaires qui détermineront celui ou celle qui représentera le parti. Chez les Démocrates comme chez les Républicains, les primaires se sont déroulées mardi dernier le 22 juin. A cause des changements dans la manière de compter les voix, les résultats prendront plus longtemps que d’habitude et ne seront pas connus avant le mois de juillet. Cependant, nous avons déjà une petite idée de l’évolution de ces élections. Deux candidats sont en train de se détacher de plus en plus fermement du reste du peloton: Eric Adams et Kathryn Garcia. Je ne vis pas dans la bonne ville de New York, puisque je réside à Long Island, banlieue bien connue de la «Big Apple», et par conséquent, je n’ai pas le droit de voter dans ces élections strictement réservées aux habitants des cinq grands «boroughs» de New York: Manhattan, Brooklyn, Queens, Bronx et Staten Island. Cependant, si je devais voter, je serais pratiquement dans mes petits souliers puisque je serais partagé entre la tentation d’accorder ma voix soit à Eric Adams ou à Kathryn Garcia. Le premier parce que nous partageons la même identité raciale, et la seconde parce que les programmes affichés par Garcia correspondent mieux à mes sympathies progressistes telles qu’elles sont comprises dans l’idéologie américaine. C’est l’éternelle question: entre race et classe, quelle est la plus déterminante quand il s’agit de prendre position? Dans une vision marxiste d’Haïti, le plus célèbre écrivain haïtien du 20ème siècle, Jacques Roumain a été on ne peut plus clair: «la couleur n’est rien, la classe est tout». Pour un Haïtien vivant à New York au début du 21ème siècle, cette opinion de Roumain compte-t-elle toujours?

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Encore plus proche de moi académiquement, il y a une autre actualité qui est peut-être inconnue  de la majorité des immigrants haïtiens de New York mais qui est d’une importance certaine pour tous les universitaires d’origine haïtienne qui sont concernés (et ils doivent être concernés!) par l’expérience haïtienne aux Etats-Unis, sa condition présente et l’avenir des Études haïtiennes (Haitian Studies) aux États-Unis. Personnellement, j’ai été extrêmement intéressé par un texte rendu public par un universitaire haïtien, Dr. Asselin Charles, un magnifique «scholar» qui a enseigné dans des unive un tersités africaines anglophones et à Toronto, Canada. Il a traduit en anglais deux chefs-d’œuvre de la littérature haïtienne,xte de non-fiction, De l’égalité des races humaines (1885) (The Equality of the Human races (2002) du pionnier de l’anthropologie occidentale, Anténor Firmin; l’autre chef-d’œuvre de la littérature haïtienne traduit en 2019 par Dr. Asselin Charles est un texte de fiction Dezafi (1975) du célèbre écrivain haïtien Frankétienne. Dezafi est le premier roman haïtien d’expression créole et il est considéré par tous les critiques littéraires comme un texte majeur.

Quel est le contenu de l’essai du professeur Asselin Charles? Cet essai a été écrit à l’occasion d’une réunion qui devait se tenir le weekend dernier sous les auspices d’une association universitaire haïtienne, l’Association des Etudes haïtiennes (Haitian Studies Association). Dans le milieu universitaire américain, cette association est relativement bien connue et a attiré un certain nombre d’universitaires américains fortement intéressés par l’expérience haïtienne, l’originalité de la pensée haïtienne, les littératures haïtiennes, l’art haïtien… La thématique centrale de la réunion mise en place par l’Association des Études haïtiennes portait sur la nécessité de décoloniser les études haïtiennes. Dr. Charles a souligné les enjeux à l’œuvre qui devaient constituer matière à discussion, parmi lesquels des enjeux idéologiques, économiques, professionnels, et linguistiques. Il a mis en lumière sa propre expérience de chercheur qui a travaillé et interagi avec des chercheurs chinois et étant lui-même relativement bien au courant de la culture et de la littérature chinoises. Cependant, il n’a jamais été capable de devenir un membre de l’Association des Chercheurs/Universitaires chinois à l’étranger (Chinese Scholars Abroad). A partir de là, Dr. Asselin Charles pose la question suivante: pourquoi les Universitaires haïtiens semblent avoir peur de mettre en place tout comme les Chinois l’ont fait, une association qu’ils dénommeraient Chercheurs/Universitaires haïtiens à l’étranger (Haitian Scholars Abroad). Cette association serait formée pour l’avancement de la cause des Universitaires haïtiens à l’étranger (et n’aurait rien à voir avec les universitaires haïtiens établis en Haïti).

Que signifie «décoloniser» les études haïtiennes? Pourquoi une telle entreprise s’avère-t-elle nécessaire dans le cas haïtien? Que pouvons-nous en tirer? Les études haïtiennes sont-elles vraiment colonisées? Ces questions risquent de perdurer longtemps encore.

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 Plus proche de moi encore est un événement qui commence aujourd’hui lundi 28 juin 2021 et qui me tient particulièrement à cœur: il s’agit du tournoi de tennis de Wimbledon. Ceux qui sont familiers avec mes textes sur Haitian Times (dans le temps), et sur les forums de discussion, sans oublier Facebook, connaissent ma passion du tennis, mes comptes rendus des matches épiques qui ont opposé Federer à Nadal, Federer à Djokovic, Federer à Murray, Naomi Osaka à Samantha Stosur, Naomi Osaka à Serena Williams ou à Petra Kvitova (pour moi, le plus beau match qu’Osaka ait jamais joué). Cette édition de Wimbledon se révèle doublement intéressante: d’abord, ce sera vraisemblablement le dernier Wimbledon du plus grand joueur de tennis de tous les temps, Roger Federer, qui aura 40 ans en août prochain; mais aussi Novak Djokovic aura la possibilité, s’il gagne le tournoi, de se rapprocher du record inégalé établi par Rod Laver, (The Rocket), c’est-à-dire gagner les 4 tournois du Grand Chelem dans le même calendrier de la saison. Cela le placerait aussi à égalité (20 tournois du Grand Chelem) avec Nadal et Federer.      

Hugues Saint-Fort
Juin 2021

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 Viré monté