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Anniversaire:

Massacre des fignolistes
par le général Antonia Th. Kébreau
et ses sbirres en juin 1957

Extrait de
Armée d'Haïti après Magloire et Hitlérisme duvaliérien
par Gérard Alphonse Férère, Ph.D.

 

 

 

 

 

Armée d'Haïti après Magloire et Hitlérisme duvaliérien 

Contrairement aux juntes précédentes, le Conseil Militaire de Gouvernement naquit dans un océan de sang, le massacre d’un nombre incalculable de partisans de Daniel Fignolé. Ceux-ci, habitants des taudis de La Saline, Croix des Bossales, Morne à Tuf, Lakou Bréa, Bel Air, etc., à la nouvelle du coup d’état, conscients de leur faiblesse en face de l’Armée, réagirent de la manière la moins violente qu’on eût pu imaginer. Pendant les nuits du 15 au 16 et du 16 au 17 juin, ils s’enfermèrent dans leurs cahutes et se mirent à pousser des cris de deuil et de douleur et à frapper des ustensiles de cuisine. Quel mal pouvaient causer les voix langoureuses de ces souffreteux et le bruit des casseroles? Kébreau et ses sbires ne l’entendirent point de cette oreille. Des officiers, porteurs d’armes automatiques, oui des officiers, pas des soldats, puisque ceux-ci étaient pour la plupart des fignolistes, parcoururent les quartiers pauvres et toute la nuit du 16 au 17 juin tirèrent à hauteur d’homme sur les maisonnettes d’où venaient les lamentations. Dieu seul sait le nombre de victimes de ce carnage. Les survivants durent enterrer leurs morts secrètement pour ne pas attirer l’attention des militaires. Trente ans plus tard, Pressoir Pierre qui fut l’un des organisateurs et participants de cet horrible massacre aura encore l’impudence de déclarer:


Il fallait faire cesser cet état de choses, et le dimanche 17 juin, en compagnie des officiers Jacques Laroche, John Beauvoir, Joseph Lamarre, Edner Nelson, Claude Raymond, Deslandes Duperval, Franck Romain, Max Dominique … nous avons patrouillé dans tous les points chauds de la capitale…  et j’ai eu à  faire les recommandations suivantes aux habitants de Port-au-Prince: «Le pays ne peut pas être livré à des voyous; avant-hier soir les  forces de l’ordre avaient mitraillé les toits des maisons; cette nuit, si à l’annonce du couvre-feu, les cris recommencent, l’Armée a reçu l’ordre de tirer à hauteur d’homme.
               (Pierre 1987 : 110-112). 

Ces soi-disant «recommandations» du dimanche 17 juin  à de pauvres hères qui ne faisaient que pleurer et gémir, d’après lesquelles «l’Armée a reçu l’ordre de tirer à hauteur d’homme si les cris recommencent», n’étaient que des mensonges. Les officiers tueurs de Kébreau, en fait, avaient déjà tiré à hauteur d’homme pendant toute la nuit précédente et cherchaient un prétexte pour récidiver. Ce qui fut fait. C’est ça la vérité. Après ces massacres, tout au long de l’Avenue de la Saline, à la Croix des Bossales, au Bel Air, et dans les environs on pouvait voir les camions de l’Armée ramassant des cadavres.

Le colonel Armand attire l’attention sur:

… les dégâts que devait causer cette mitrailleuse installée selon la clameur publique, à l’extrémité du grand wharf de Port-au-Prince, tirant à plein rendement et à l’aveuglette sur des cibles que constituent les taudis des quartiers de la Saline et de la Croix des Bossales…
              (Armand 1988 : 170).

Lisons aussi le reportage de deux journalistes étrangers qui n’ont pas de parti à prendre ni d’intérêts à défendre:

On évalue le nombre des tués à quelque mille personnes. Ce dernier chiffre ne sera cependant jamais vérifié, car personne ne veut prendre le risque d’être surpris en train de compter des cadavres. Arrivent alors des détachements de troupe qui chargent ceux-ci à bord de camions  militaires et les  emmènent. Les pompiers pour leur part nettoient les traces de sang dans les rues.
              (Diederich et Burt 1986 : 98).

Le général Kébreau organisa une conférence de presse au cours de laquelle il fit la déclaration suivante:

Nous maintiendrons l’ordre à tout prix. Nous sommes fatigués de cet état de choses.Vous avez entendu, Messieurs, ces hurlements de bêtes fauves. Les pilonnes électriques résonnèrent, c’était un bruit infernal. Nous avons besoin de nous reposer. Il y a eu des morts et des blessés  (C’est moi qui souligne).

C’est vrai qu’un malade a besoin de se reposer. Par conséquent, tout ce qui empêchait à un général Kébreau malade de le faire, «les hurlements, le bruit infernal, le résonnement des pilonnes électriques», toutes ces manifestations de non-violence dignes des Gandhi, Martin Luther King, Jr. et Nelson Mandela, étaient des crimes suffisants pour imposer la peine de mort à ces milliers de «bêtes fauves».

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 Viré monté