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Tabou Combo inoxydable au temps

André Fouad

Publié le 2020-10-02 | Le Nouvelliste

Il y a des groupes et des artistes qui vous chatouillent le corps et l’esprit à chaque fois que vous les auditionnez, soit en live, soit sur compact disc. J’ai grandi avec leur show au standard international, leur philosophie, leur groove, leurs sonorités, leurs slogans, leurs approches, leurs mythes. Ils ont pu transcender le temps et l’espace afin de mieux partager avec la planète Terre une musique festive, une musique colorée, une musique entrainante, une musique en provenance d’une terre sacrée, mystique, là où la négritude s’est mise debout pour la première fois,  pour parodier l’écrivain martiniquais Aimé Césaire.

J’ai grandi avec leurs chansons ʺbebe paramount'', ʺzap-zap'', ʺYo'', ʺNew York city'', charriant en tout cas des messages, soit nous invitant à danser follement ou du moins à bien réfléchir sur le sens du partage, le sens de la solidarité, le sens de l’amitié.

"Fanm nan ap danse kou mabouya
Mabouya
Mabouya
Mabouya
Fanm nan ap danse kou mabouya…"

(Mabouya)

Le texte titré ʺYo'', écrit par le romancier martiniquais Patrick Chamoiseau, auteur de ʺTexaco'' et interprété avec brio par Yves Joseph (Fanfan Ti bòt), pose la problématique de l’exode de nos compatriotes, obligés de laisser l’alma mater pour des rives plus radieuses en Amérique.

ʺYon ti jès pou yo
Yon pawòl pou yo
Lamitye pou yo…"

(Yo)

Surnommé les ʺSuperstarsv, Tabou Combo, 53 ans après, fait partie intégrante de notre patrimoine musical. Ils représentent notre ʺBeatlesv, notre ʺWailers'', notre ʺRolling stones''. Le symbole de toute une génération, de tout un pays. Ils ont conquis les cœurs, ils ont brisé toutes les barrières.

Le symbole de toute une brochette de musiciens haïtiens chevronnés dont le but primordial, c’était de mieux vendre sur la carte géographique mondiale Haïti à travers sa musique dansante: le konpa.

Un konpa à la sauce funky-disco et même hip-hop (ʺJuicy Lucy'') avec de fortes influences des groupes américains durant les années 70 comme ʺThe commodoresv et l’incontournable ʺEarth wind of fire''.

Durant ces 53 années, la bande à Kapi, Herman Nau, Fanfan Ti bòt, Jean-Claude Jean, Albert Chancy, Raynald Valmé a performé sur les scènes les plus prestigieuses du monde et a vu ses œuvres, en particulier ʺMabouya'', interprétées par le guitariste mexicain de renom international Carlos Santana sur son c.d ʺSupernaturalv.

Quant au réalisateur français Maurice Pialat, en l’année 1985, il a choisi quelques titres à succès du Tabou pour son film ʺPolice''.

Alors, une question me vient à l’esprit par rapport à tout ce qui se passe dans le monde du konpa d’aujourd’hui, c’est la suivante: Y a-t-il un groupe de la nouvelle génération prêt à emboîter le pas à Tabou?

À mon humble avis, je ne le vois pas encore à l’horizon. On accordait des notes positives au trio de Carimi (Carlo, Richard, Michael) dès leur apparition sur la scène musicale avec leur premier opus ʺBang Bang''. Malheureusement, ils nous auront totalement déçus, confondant trop souvent vitesse et précipitation, mélangeant vie professionnelle et personnelle. En fin de compte, ils ont été grisés par le vedettariat.

Août 1967-août 2020, 53 ans après, les musiciens du Tabou Combo ont certes vieilli avec le temps, mais ils restent accrochés à leur idéal; idéal de grandeur, de sacrifices, de persévérance et surtout d’attachement viscéral à leurs racines.

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Viré monté