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En regardant ta photo Dr Maya Angelou

André Fouad

Publié le 2022-02-15 | Le Nouvelliste

Maya Angelou

President Barack Obama presenting Maya Angelou with the Presidential Medal of Freedom |Source: White House.org

En regardant l'une de tes photos en grand format placardée dans le hall principal de la bibliothèque de West Oakland Park (Comte de Broward) que je fréquente quotidiennement avant d'aller au travail, pour marquer en lettres de feu le mois de l'histoire des Noirs aux États-Unis, il m'est venu à l'esprit cet extrait du fameux requisitoire de l'écrivain-poète et homme politique martiniquais  Aimé Césaire intitulé «Cahier d'un retour au pays natal».

'«Ma bouche sera la bouche des malheurs
qui n'ont point de bouche
ma voix la liberté de celles qui s'affaissent
au cachot du désespoir…»

En regardant ta photo en noir et blanc, les cheveux grisonnants, l'air sereine, la tête altière, le visage maquillé par les rides d'un temps sauvage, des saisons folles, je me suis plongé dans une profonde réflexion. Je me suis surtout posé la question-une question fondamentale, sérieuse, par rapport à ce qui se passe en Haïti et ailleurs. «Pourquoi de siècle en siècle, d'année en année, l'homme s'enfonce de plus en plus dans l'aberration, le négativisme et refuse de prendre les sentiers de la cohabitation, du vivre-ensemble au-delà de nos différences, de nos chapelles, de nos groupes ethniques?»

Je pense à l'éminent écrivain-romancier et médecin haïtien Jacques Stephen Alexis, humaniste de son état, qui aurait célébré cette année son centenaire de naissance, s'il n'était pas emporté par les sbires du régime des Duvalier à l'âge de 39 ans. Un génie parti trop tôt.

Il pronait le vivre-ensemble, la tolérance, le partage du pain et du savoir, ce qui nous conduirait, comme il l'a si bien dit dans son roman culte «Romancero aux étoiles», à la Belle amour humaine.

En regardant ta photo en noir et blanc aux côtés d'autres célébrités, en l'occurence Marcus Garvey, Bob Marley, Rosa Parks, Ella Fritzgerald, Desmond Tutu, Nelson Mandela, Steeve Biko, Malcom X, Dr Martin Luther King, qui ont semé les grains de l'amour, de la dignité, de la liberté pour que l'homme noir soit dûment respecté et traité à part entière comme être humain, je pense à ton roman auto-biographique «Je sais pouquoi l'oiseau chante en cage», paru en 1969 salué par l'écrivain James Baldwin dans lequel tu dénonçais les injustices, les actes de barbarie dont ont été victimes tes frères et tes sœurs dans l'Amérique infernale des années 60.

Un récit poignant, glacial que tu as écrit avec tes tripes, ton corps, ton sang, sans complaisance pour indexer les bourreaux et surtout le système de l'apartheid, de la ségrégation. ''Stamps-Arkansas, c'était Fouett Andouille, Georgie, pendez-les haut  et court -Alabama-te trouve pas ici au coucher du soleil -Négro, Mississipi ou n'importe quel autre nom tout aussi évocateur. Les gens à Stamps disaient que les préjugés des Blancs et de notre ville étaient tel qu'un Noir ne pouvait pas acheter de la glace à la vanille, sauf pour la fête nationale. Les autres jours, il devait se contenter de glace ou de chocolat...»

En regardant ta photo, Maya, la récipiendaire de la National Medal of Arts (2000), toi artiste dans l'âme, versatile (comédienne, chanteuse, speakrine, enseignante, romancière, poétesse...), je pense incessamment à ton poème audio «On the pulse of morning» qui t'a valu le Grammy Awards (1993) et que tu as dit avec finesse et conviction lors de l'investiture du président Bill Clinton (1993).

Ces vers m'interpellent encore, là où je suis en Floride en tant qu'immigrant venant des îles caribéennes toujours agitées. «Les êtres humains ont plus de points communs que de différences. L'Amérique est capable de parvenir à l'unité et à la paix».

En regardant ta photo pour la énième fois-je remonte le temps et je me penche sur ton côté philanthropique, ton credo et surtout tes combats, tes sacrifices énormes dans ton fief à Stamps (Arkansas) afin de changer l'image ségrégationniste, inhumaine projetée par l'Amérique sur le globe terrestre.

Maya Angelou, de ton vrai nom Marguerite Anne Johnson, t’es une déesse de l'aube nouvelle, une femme phénomenale qui a chanté et qui chantera plus fort que jamais comme l'oiseau en cage tant que nous respirons, tant que le soleil luit et tant que d'autres Georges Floyd sont étouffés en pleine rue du monde.

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Viré monté