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Décès de Jean L. Prophète
(19 juillet 2022)

Élie Fleurant

Une fois de plus la terre s’ouvre pour se refermer sur un de nos amis et collègues de l’intelligentsia haïtienne: Jean L. Prophète (Dollarge) a rendu l’esprit ce mardi échu du 19 juillet. Si la vie est une existence réelle, par rapport aux illusions et aux rêves, la mort est structurelle, elle fait partie du cycle de la vie. Spinoza nous dit: «L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort et sa sagesse n’est point une méditation de la vie.»

Henri Piquion, dans son mémoire en l’honneur de son cousin Jean Prophète, nous porte à connaître l’homme qu’était Jean Prophète en faisant allusion à sa pièce préférée: En attendant Godot, de Samuel Beckett. Cette pièce de nature ontologique et psychanalytique nous aide à découvrir la vie telle que Jean semble la conceptualisait. Pour lui: La vie ne serait qu’une façon élastique de mourir en attendant la mort.

Jean Prophète a compris la mort dans le contexte psycho-analytique de Sigmund Freud, voire le concept de la mort chez les stoïciens, à savoir: La mort est une continuation de la vie. Elle fait partie de son cycle.

Voilà qui était notre ami Jean Prophète: un homme profond, un intellectualiste qui a compris le mystère de la mort et les vicissitudes de la vie, laquelle n’est autre qu’une succession de lumières et de ténèbres. Jean était un homme courageux et consenti qui ne souffrait pas de la thanatophobie (la peur de la mort), une pathologie courante chez le genre humain.

Connaître Jean était un privilège, un exutoire; son humour était contagieux. Il utilisait la satire dans ses écrits et paroles pour banaliser la gravité et l’austérité de l’existence.

Magicien des mots, écrivain et critique littéraire accompli, «Dollarge» savait comment mener sa plume. Son ouvrage Les vieux cahiers de Jean L. Prophète est essentiellement une compilation de chroniques publiées dans l’hebdomadaire Haïti Observateur.

Certes, un grand esprit s’est éteint, toutefois les lettres ne sont jamais mortes. Jean a laissé pour toujours son empreinte parmi nous, et son écriture est durablement gravée sur l’airain de notre époque. C’est un homme qui a su conquérir le cœur de ses lecteurs. Il n’avait qu’à conter ses histoires, et les tendresses du grand public étaient aussitôt penchées vers lui. De son talent robuste et franc, il satisfaisait toutes les intelligences, il touchait toutes les sensibilités, du public lettré au public moyen.

Issu d’une famille illustre et bouquetée de talents, Jean a hérité de l’art d’écrire de son père, ancien ministre sous le gouvernement du président Magloire. À l’instar de son frère Eddy, musicien de renom, Jean s’est aussi fait connaître en tant que pianiste talentueux.

La dernière fois que j’ai vu Jean, c’était chez Max Kénol, à New York, lors d’une réunion en petit comité organisée par Max et Sito Cavé après les funérailles de l’artiste Boulot Valcourt. Même si sa santé était apparemment fragile, qu’importe, Jean nous contaminait de sa bonne humeur et de sa folâtrerie.

Puissé-je me joindre aux amis du défunt – Max Kénol, Max Manigat, Sito Kavé, Jean-Max Calvin, Étienne Télémaque, Eddy Magloire and Eddy Guilloteau pour présenter nos témoignages de sympathie à la famille et aux proches du défunt, particulièrement à sa femme, Marie-Ange. Et puisse notre ami Jean Prophète trouver sérénité, paix et confrérie en retrouvant ses deux bons amis feus Boulot Valcourt et le poète Josaphat Large dans le Royaume céleste.

Paix à son âme!

Élie Fleurant
Créateur de la Poétique et Philosophie du Diaphanisme

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 Viré monté