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Au-delà du regard de Malraux (repères)

 

Jean Durosier DESRIVIERES

 

Voir:
"La peinture haïtienne : une étincelle de vie".

 

 

 

 

 

 

Peintres

Entre autres figures positives, se frottant aux clichés les plus dégradants, les haïtiens diffusent constamment l’image d’«Un peuple de peintres». C’est précisément le titre d’un chapitre de Haïti, une nation pathétique de Jean Métellus, qui remonte jusqu’à 1804 pour prouver que la pratique picturale dans ce pays porte l’âge de la nation. De 1807 à 1818, l’on retrouve, selon l’auteur, «huit peintres autour du roi Henri Christophe qui fait venir un disciple de Sir Thomas Lawrence, Richard Evans, pour assurer des cours de dessin et de peinture à l’académie royale de Sans-Couci » Sous la présidence de Nicolas Geffrard (1859-1867), une académie d’art et une école des beaux-arts sont fondées. «En 1980, Archibald Lochard ouvre une académie de peinture et de sculpture». Certes, il est difficile de montrer une trace concrète de tout cela. Toutefois, il importe de savoir qu’il n’y a jamais eu de vide dans ce domaine, en Haïti, avant la création du Centre d’Art (1944) de Dewitt Peters.

Quand Malraux débarque en Haïti en 1976, longtemps après le passage d’André Breton, l’auteur de La condition humaine découvre dans les mornes de Kenscoff, commune non loin de Port-au-Prince, une peinture riche et féconde, pratiquée par des paysans pour la plupart analphabètes. Ils développent chacun un style particulier, illustrant le mouvement «Saint-Soleil», avec leurs chefs de file Jean-Claude Garoute, dit Tiga, et Maud Robart. Malraux, répondant à Jean-Marie Drot, dira: «Toute cette moisson d’images des «Saint-soleil» est extérieure à la peinture naïve. Elle sort directement d’Hyppolite, de Saint-Brice, bref de la peinture vaudou. Aussi, dans son ouvrage L’Intemporel, il y a à la fois éloge et partage de cette peinture avec les européens. Mais, tout comme Breton, Malraux impose un respect et surtout une vision de l’art pictural haïtien auquel un bon nombre d’individus, paresseux ou peu curieux, semble s’arrêter.

Nombreuses sont les «écoles» de peinture – au sens de courant ou tendance – et les galeries qui se sont multipliées en Haïti, de 1946 à nos jours; ceci, un peu partout dans le pays: Port-au-Prince, Jacmel, Cap-Haïtien. Voici une esquisse des écoles et de quelques tendances y relatives, inspirée des indications Chronologiques du photographe et peintre Gérald Bloncourt, l’un des membres fondateurs du Centre d’Art:

  • Un groupe d’artistes quitte le Centre d’art pour fonder le foyer des arts plastiques (1950-1956).
  • Dans la région de Pétion-Ville, l’atelier «A la tête de l’eau» regroupe surtout des femmes peintres.
  • L’école de Jacmel, avec Préfète Duffaut comme chef de file, présente surtout des paysages imaginaires.
  • A Port-au-Prince, l’«école de la beauté» est représentée, entre autres, par Bernard Séjourné et Jean René Jérôme. Les nues sont à l’honneur.
  • Les peintres du vaudou sont à l’honneur avec notamment le célèbre Hector Hyppolite. L’on ne saurait négliger dans cet ensemble d’autres noms comme André Pierre, Gérard Valcin, Rigaud Benoît, etc.
  • L’école du Cap-Haïtien, initiée par Philomé Obin et son frère Sénèque, réécrit l’histoire en images et en couleurs.
  • Il y a aussi les humoristes comme André Normil et Alix Roy, etc.

Et l’on ne saurait parler de la peinture haïtienne sans considérer les talentueux peintres qui ont évolué et /ou évoluent en Europe et aux Etats-Unis. Il importe d’apprécier leur contribution dans l’évolution de cette peinture vers un style moderne et contemporain. Bernard Wah, Hervé Télémaque, Stevenson Magloire et bien d’autres sont de ceux-là qui ont continué et continuent à magnifier à travers le jeu fascinant des couleurs, des traits et des formes, le génie de tout un peuple (re)plié dans le réel et jaillissant dans l’imaginaire.

J.D.D.

Pour en savoir plus

  • Michel Philippe Lerebours, Haïti et ses peintres de 1804 à 1980 (tome I).
     
  • Gérald Alexis, Peintres d’Haïti Ed. Cercle d’Art.
     
  • Jacques Gourgues, «Télémaque», revue Conjonction, Hors série, juin 1993.
     
  • Jean-Luc Chalumeau, Basquiat, Ed. Cercle d’Art, 2003. 
     
  • Haïti anges et démons, Ed. Hoëbeke / La Halle Saint-Pierre.
     
  • Haïti au toit de la Grande Arche, Imprimerie Henri Deschamps, 1998.
     
  • Jean Métellus, Haïti, une nation pathétique, Ed. Maisonneuve et Larousse, 2003.

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