A l'ATTENTION DES DIRIGEANTS DE "LIBERATION"

Messieurs,

Je viens de prendre connaissance de l'article, daté du 03 mai, que vous avez consacré à l'affaire Peltier et souhaiterais vous faire part de ma plus vive indignation.

Venant d'une terre, les Antilles, plus précisément la Martinique, où les autochtones caraïbes, cousins des "Peaux-Rouges" nord-américains, ont été massacrés jusqu'au dernier (entre 1620 et 1670) par les colons espagnols, anglais, français et hollandais, je suis particulièrement sensible au sort des ultimes survivants de ce peuple. Je suis aussi solidaire des luttes qu'ils mènent depuis bientôt quatre siècles face à un ennemi implacable, sans scrupules et surtout donneur de leçons.

Comme l'écrivait mon compatriote Frantz Fanon dans "Les Damnés de la terre", l'Europe n'a eu de cesse depuis 1492 de parler d'universalité, de progrès et de droits de l'homme tout en asservissant sans vergogne tous les peuples avec qui elle entrait en contact. Je suis moi-même descendant d'esclave et mes ancêtres ont été arrachés de la côte ouest de l'Afrique pour être transportés à fond de cale dans les plantations sucrières du Nouveau-Monde. Jusqu'à ce jour, nous n'avons pas obtenu réparation, tout juste une loi qui reconnaît, du bout des lèvres, l'esclavage comme étant un crime contre l'humanité.

Mais passons et revenons au sort ignoble qui est fait au combattant indien Leonard Peltier par la justice étasunienne ! De quel droit le rédacteur de l'article en question endosse-t-il l'uniforme du FBI et donne-t-il crédit aux accusations mensongères contenues dans les dossiers concoctés par des juges WASP, méprisants et racistes? At-il enquêté sur place? A-t-il refait le parcours de l'enquête?

Cela m'étonnerait fort. En réalité, j'y vois la même condescendance et la même mauvaise foi qui imprègnent les articles consacrés par la grande presse hexagonale au combat des Corses, des Tchétchènes, des Palestiniens, des Canaques ou des Antillais français. De quel droit osent-ils se révolter, ces peuples liliputiens? Enfants gâtés qu'ils sont et qu'on a bien eu tort de vouloir "civiliser" ! Mais je me trompe : il existe de "bons petits peuples". Il y en a qui méritent d'être défendus. Hier, les Arméniens, aujourd'hui les Kurdes et toujours les Israéliens. Bref tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, peuvent servir le grand dessein impérial de l'Euro-Amérique.

Recevez, messieurs, mes salutations perplexes.

Raphaël Confiant