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Brètay

 

 A Diwan, le breton ne s'apprend pas sans peine

Réseau d'établissements associatifs pratiquant «l'immersion linguistique» en breton, Diwan accueille 2 400 élèves dans 30 écoles primaires et maternelles, 4 collèges et un lycée. Depuis deux ans, Diwan mène des négociations avec le ministère en vue de son intégration dans l'Education nationale.

 

 

Le visiteur qui franchit la porte du lycée Diwan (l'éveil, en français) a l'impression d'être en pays inconnu. Dans les couloirs de cette ancienne maison de retraite, on discute en breton, on se chamaille en breton, on taquine les filles en breton et bien difficile de frapper à la bonne porte. Les indications sont également dans la langue du pays. C'est ce que l'on appelle l'immersion. Les quatre-vingt-quatre élèves de ce seul lycée bretonnant, situé à quelques landes des monts d'Arrée, sont des lycéens comme les autres. Et le revendiquent. La différence, c'est que dès la maternelle, ils ont fait leurs études en s'exprimant dans la langue de Pierre Jakez Hélias, l'auteur du mémorable Cheval d'orgueil. Et ils en sont fiers.

«C'est bien de parler avec des jeunes de notre âge, dans la langue de nos origines, confie Nolwen, quinze ans. Et les petits vieux de la maison de retraite sont ravis qu'on s'adresse à eux en breton.» Ici pas de casquette de base-ball à l'envers, le look est plutôt baba: keffieh autour du cou, parka kaki, foulard autour de la tête, piercing aux ailes du nez... Ils viennent de tous horizons, mais un grand nombre d'entre eux ne cachent pas que leurs parents sont très impliqués dans les milieux associatifs. Logique. Aucun n'estime vivre en vase clos, mais chacun apprécie de bénéficier d'un enseignement personnalisé.«Diwan c'est une grande famille, se réjouit Héloïse. Nous sommes très encadrés. Et au moindre problème, les professeurs prennent le temps de nous expliquer.» Au cours de sciences-éco pour les terminales, le professeur Marie-Thérèse Cadiou passe d'un élève à l'autre. Facile, ils ne sont que neuf. Les textes des exposés sont rédigés en français. Difficile de traduire en breton les matières relatives à la comptabilité, l'exportation, l'investissement.

On travaille donc avec les moyens du bord-: «Il n'existe aucune publication en breton, commente l'enseignante aux longs cheveux bruns. On doit tout créer nous-mêmes. L'association Diwan traduit certains textes, mais les programmes changent très vite. Et il est bien difficile de trouver le vocabulaire correspondant. De toute façon, les jeunes devront passer le bac en français.» En effet, seule l'histoire-géo peut se dérouler en breton, lors de ces épreuves. Même difficulté avec la philosophie. Les six filles de terminale L, toutes plus jolies les unes que les autres, s'arrachent les cheveux pendant quatre heures chaque mardi. Ce jour-là, elles devaient philosopher sur le thème: «Natur ha sevenadu», c'est-à-dire: «Que procure la nature à l'homme?». «La philo n'est déjà pas évidente en français, alors en breton...», commente Lena, une jolie rousse au regard clair.
Il est vrai que les candidats ne se bousculent pas pour enseigner cette matière dans la langue du pays. Jo, professeur de philo depuis vingt ans, peut se vanter d'être le seul. Pour dispenser cette matière dans l'idiome de ses parents, il se partage d'ailleurs entre un lycée catholique du nord Finistère et Diwan.

Si tous les jeunes du lycée Diwan ont, pendant des années, essuyé les plâtres avant de trouver des locaux décents, leurs résultats au bac ne s'en sont pas ressentis: 26 élèves sur 27 ont été reçus dont 17 avec mention.
L'avenir de ces jeunes? Beaucoup comptent devenir enseignants ou s'engager dans le milieu associatif mais ils sont nombreux aussi à ne pas savoir ce qu'ils comptent faire plus tard. Maintenant avec la diffusion de TV Breizh, un nouvel horizon se profile pour ces jeunes bretonnants.

Françoise Lemoine
Le Figaro, 26 avril 2001.
 
 
 
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